Infections urinaires associées aux soins : quelle antibiothérapie ?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

10 janvier 2023

Paris, France — En cas d’infection urinaire associée aux soins (IUAS), plus précisément d’infection à entérobactéries sécrétrices de bêta-lactamases à spectre élargi (EBLSE), il existe plusieurs options avant d’envisager une antibiothérapie par carbapénèmes, qui doit être restreinte à une utilisation de dernier recours, a rappelé le Pr Aurélien Dinh (hôpital Raymond-Poincarré, AP-HP, Garches), lors du 116ème congrès de l’Association Française d’Urologie (AFU 2022) [1]. Par ailleurs, sauf exception, un traitement de sept jours maximum est désormais la règle.

Ces dernières années, l’épidémiologie des bactéries résistantes s’est largement modifiée, avec une progression préoccupante des infections à EBLSE, des entérobactéries résistantes à plusieurs antibiotiques de la famille des bêta-lactamines (pénicillines, quinolones, fluoroquinolones, céphalosporines de troisième génération, carbapénèmes…), amenant à revoir l’approche par antibiothérapie.

Avec ou sans signe de gravité

Dans le cas des infections urinaires associées aux soins (IUAS), qui surviennent en général après la pose d’une sonde urinaire, la prise en charge est d’autant plus délicate qu’il s’agit de « patients souvent atteints de comorbidités », a souligné le Pr Dinh, lors de sa présentation. Une situation qui doit amener à « renforcer les règles de bon usage des antibiotiques » pour éviter de prescrire d’emblée les molécules les plus efficaces, comme les carbapénèmes.

Première règle : établir le diagnostic formel du caractère infectieux avant de choisir l’antibiotique. Deuxièmement, pour adapter l’antibiothérapie, « il faut prélever abondamment », avant d’initier le traitement « pour permettre une identification fiable de l’agent infectieux en cause ». Une fois l’antibiothérapie initiée, « il faut réévaluer » pour passer « dans la mesure du possible » à la voie orale et enfin « réduire le traitement au minimum ».

 
Il faut prélever abondamment, avant d’initier le traitement pour permettre une identification fiable de l’agent infectieux en cause.
 

Afin de diminuer la consommation des carbapénèmes, traitement de dernière ligne des infections à entérobactéries et à Pseudomonas aeruginosa multi-résistantes (BMR) ou hautement résistantes (BHR), et de préserver ainsi leur efficacité, la Haute autorité de santé (HAS) a publié des recommandations de bonne pratique dans le choix de l’antibiothérapie.

En l’absence de signes de gravité et de facteur de risque d’EBLSE autre que l’infection associée aux soins, il est recommandé un traitement probabiliste – qui consiste à prescrire une antibiothérapie avant même de connaître la sensibilité du germe responsable – utilisant une céphalosporine de troisième génération (C3G) (céfotaxime, de préférence, ou ceftriaxone).

Pour rappel, les facteurs de risque d’infection à EBLSE sont :

  1. l’exposition à un antibiotique (amoxicilline/acide clavulanique, C2G, C3G, fluoroquinolones) dans les trois mois précédents ;

  2. une infection nosocomiale ou liée aux soins ;

  3. un antécédent de colonisation ou d’infection à EBLSE dans les trois mois;

  4. un voyage à l’étranger dans les trois mois dans les zones géographiques à risque (continent indien, Asie du Sud-est, Moyen Orient et Afrique du nord et bassin méditerranéen) ;

  5. une anomalie fonctionnelle ou organique de l’arbre urinaire (en cas d’infection urinaire).

En présence d’au moins un facteur de risque d’EBLSE, le traitement probabiliste injectable combinant piperacillinne et tazobactam (Tazocilline®) est préconisé. En cas d’antécédent de colonisation ou d’infection urinaire à EBLSE ou à P. aeruginosa de moins de trois mois, le choix de la bêta-lactamine dépend de la microbiologie antérieure. « On s’adapte alors à l’écologie du patient », précise le Pr Dinh.

En présence d’une infection avec signes de gravité, « la fenêtre de tir est plus étroite ». Une C3G (céfotaxime, de préférence, ou ceftriaxone) ou la combinaison piperacillinne/tazobactam sont recommandées en probabiliste sans facteur de risque d’infection à EBLSE ou d’antécédents d’infection.

En cas d’antécédent d’infection urinaire à P. aeruginosa < 3 mois, le choix de la bêta-lactamine dépend là aussi de la microbiologie antérieure, tandis que le traitement par carbapénème (imipénème ou méropénème) s’impose lorsqu’il existe un antécédent d’infection urinaire EBLSE < 3 mois ou un autre facteur de risque d’infection à EBLSE.

Tenir compte de l’écologie bactérienne

Concernant les situations documentées d’infection à entérobactérie EBLSE résistantes aux C3G, le document de la HAS présente les alternatives aux carbapénèmes, qui doivent être réservées « aux situations cliniques et/ou microbiologiques où aucune alternative n’est possible ».

Il est préconisé d’échanger avec un infectiologue pour choisir entre la céfépime, la piperacillinne/tazobactam, la témocilline, la céfoxitine, voire l’amoxicilline selon la situation clinique. Les associations ceftazidime-avibactam (Zavicefta®) ou ceftolozane-tazobactam (Zerbaxa®) ne sont pas recommandées comme alternative « afin de préserver leur activité sur les bactéries résistantes aux carbapénèmes ».

Le choix de l’alternative aux carbapénèmes doit également tenir compte de l’impact du traitement sur l’écologie bactérienne pour éviter une pression de sélection trop forte, favorable à l’émergence de résistances. La témocilline par exemple a un impact moindre que la combinaison piperacillinne/tazobactam.

Lorsque les résultats de l’antibiogramme sont connus et que l’évolution est favorable, il ne faut pas hésiter à rétrograder l’antibiothérapie et « relayer vers un traitement per os ». Par ailleurs, pour limiter l’émergence de résistances, la durée du traitement ne doit pas, sauf exception, dépasser sept jours, a rappelé l’infectiologue.

Ces adaptations permettent « de préparer le futur non seulement de la population [en gardant des possibilités de traiter, ndlr], mais aussi de votre patient ». En cas de nouvelle infection, « les bactéries en cause seront moins résistantes, si vous avez réduit la perfusion et la durée du traitement précédent au strict minimum ».

 
En cas de nouvelle infection, les bactéries en cause seront moins résistantes, si vous avez réduit la perfusion et la durée du traitement précédent au strict minimum.
 

Le céfidérocol, option ultime

Le Pr Dinh en a profité pour évoquer les derniers antibiotiques désormais à disposition. L’association ceftolozane/tazobactam (Zerbaxa®) « est efficace sur la plupart des bactéries P. aeruginosa, même celles résistantes aux carbapénèmes », tandis que ceftazidime/avibactam (Zavicefta®) est plus efficace sur les entérobactéries résistantes aux carbapénèmes.

En ultime recours, le prescripteur dispose également du céfidérocol (Fetcroja®), une nouvelle céphalosporine qui a la particularité actuellement unique d’être « active sur l’ensemble des résistances ».

 

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