Maladie de Parkinson : le point sur les hallucinations

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

9 janvier 2023

Paris, France – Très fréquentes dans la maladie de Parkinson (MP), puisqu'elles peuvent concerner plus de la moitié des patients au cours de leur évolution, les hallucinations sont souvent cachées par les personnes qui en sont atteintes. Le neurologue doit les rechercher car elles sont associées à un mauvais pronostic évolutif, à une réduction de la qualité de vie et un stress pour les aidants. La Dr Hayet Salhi (neurologue, CHU Henri Mondor, Créteil) a fait le point sur ces phénomènes associés à la MP à l'occasion des Rencontres de Neurologies 2022 (Palais des Congrès, Porte Maillot).

Interroger les patients qui n'en parlent pas toujours d'eux-mêmes

« C'est une expérience sensorielle sans stimulus externe correspondant à l'expérience » définit l'oratrice qui poursuit « les hallucinations présentées par nos patients sont le plus souvent visuelles. A chaque fois, ces hallucinations – des personnes, personnages, parfois des animaux et plus rarement des objets – viennent se superposer au décor de nos patients ».

Les hallucinations, qui peuvent être également auditives, tactiles et olfactives, surviennent à l'état de veille le soir et la nuit. Les patients parkinsoniens peuvent aussi présenter des troubles de l'identification comme un syndrome de Capgras qui peut se manifester par exemple l'impression que le conjoint a été remplacé par un sosie. Certains peuvent avoir l'impression que leur lieu de vie a été modifié.

« Lorsque cette symptomatologie d'hallucinations s'associe à des idées délirantes et à des phénomènes « mineurs », on peut parler de psychose associée à la MP », explique la Dr Hayet Salhi. Les phénomènes « mineurs » décrits par les patients sont des hallucinations de passage (avec l'impression du passage fugace d'une personne ou d'un animal sur le côté), des illusions visuelles (le stimulus est réel mais l'interprétation est fausse : par exemple, l'impression qu'un visage apparaît dans un arbre au loin) ou encore des sensations de présence ou d'ange-gardien. « Ces phénomènes dit mineurs sont présents parfois dès le diagnostic de la MP et parfois même au stade prodomique. Il ne faut pas hésiter à les rechercher dès la première consultation », encourage-t-elle. De même qu'il faut « essayer de prendre le temps de rechercher les hallucinations en consultation car souvent le patient va les cacher, y compris à son entourage », même s'il n'y a aujourd'hui pas d'outil d'évaluation spécifique validé.

Quand elles sont présentes, les hallucinations ont tendance à persister, voire à s'aggraver. « Surtout, elles sont, chez nos patients, un facteur prédictif indépendant de démence, d'institutionnalisation et de mortalité », complète-t-elle. Autrement dit, l'espérance de vie est moindre chez un patient atteint de psychose parkinsonienne en comparaison avec un patient atteint de la MP sans hallucination.

Facteurs fovorisants

Plusieurs facteurs liés à la maladie favorisent la survenue d'hallucinations. Ce sont les troubles cognitifs, la durée de l'évolution de la maladie, l'âge de début de la maladie, les troubles visuels, la dépression, les troubles de l'humeur, la somnolence diurne ou encore la dysautomie. Outre ces facteurs favorisant liés à la maladie, les traitements médicamenteux des patients peuvent être également mis en cause. Ainsi l'imputabilité des agonistes dopaminergiques est établie. « On voit dans notre pratique courante que la lévodopa peut être un facteur favorisant de ces hallucinations. On peut être amené à baisser les doses de lévodopa bien que cela n'ait jamais été prouvé grâce à une étude conduite contre placebo », indique la neurologue. En outre, même si leur rôle n'a pas été démontré dans la survenue des hallucinations, d'autres médicaments comme les anti-cholinergiques, les psychotropes voire les antalgiques pourraient être en cause.

Pour l'apomorphine, agoniste dopaminergique, la situation est un peu différente car globalement ce médicament entraîne moins d'hallucination. Aussi, la Dr Salhi considère que la mise sous pompe d'apomorphine ne doit pas être écartée quand se pose la question d'un traitement de seconde ligne.

Prendre en charge les hallucinations, complexe mais possible

Le retentissement des hallucinations est variable : certains patients ne développent pas d'anxiété secondaire quand d'autres présentent une anxiété majeure pouvant engendrer des troubles du comportement. Si les hallucinations sont bien tolérées, la Dr Hayet Salhi conseille d'en parler avec le patient et le conjoint, de mentionner les facteurs favorisant leur existence, et éventuellement de réévaluer leur traitement. Tout comme la cognition, la vision doit être évaluée à l'occasion d'une consultation d'ophtalmologie au cours de laquelle les pathologies fréquentes chez les personnes âgées sont recherchées et devront être traitées au plus vite.

« Lorsque les hallucinations entraînent une anxiété majeure et des troubles du comportement, on n'a pas le choix que de réduire les traitements favorisants comme les anti-parkinsoniens, les psychotropes, les antalgiques et les anticholinergiques », poursuit-elle. En cas de présence de troubles cognitifs, évalués par un score de MoCA, un traitement par rivastigmine peut être instauré. Cette prescription, hors AMM prévient l'oratrice, nécessite avec une consultation en cardiologie au préalable « et il faut informer le patient que ce traitement n'est pas pris en charge par la sécurité sociale ».

Si les hallucinations sont persistantes et responsables d'angoisse majeure avec une impression de menace, « on ira jusqu'à la clozapine, seule molécule qui a l'AMM en France ». Efficace à des faibles doses contrairement aux doses psychiatriques, la clozapine nécessite un le bilan préthérapeutique, avec au minimum un ECG pour s'assurer de l'absence de l'allongement du QT. S'en suit une surveillance de la NFS hebdomadaire pendant 18 mois à cause du risque de granulocytose. « C'est une charge administrative assez lourde. Mais comme la clozapine est très efficace, si vous trouvez vos patients très angoissés, très effrayés et qu'ils n'en dorment plus, il ne faut pas hésiter à la prescrire. D'autant qu'après 18 mois, ce sera une surveillance mensuelle jusqu'à l'arrêt du traitement si nécessaire », explique la neurologue qui indique que la quétiapine, un antipsychotique atypique, peut parfois être utilisée même si le niveau de preuve est moins bon. Elle tient à insister sur le fait que tous les autres antipsychotiques sont complètement contre-indiqués.

Enfin, elle conclut son intervention sur les hallucinations dans la MP par préciser qu'aux Etats-Unis, la pimavansérine, un antagoniste des récepteurs 5HT2A, est utilisée en première intention étant donné les faibles effets indésirables et malgré une moins bonne efficacité.

 

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