Corbeil-Essonnes, France — Emmanuel Macron a présenté ses vœux aux acteurs de la santé ce vendredi 6 janvier. Le chef de l’État a choisi de faire son allocution au Centre hospitalier sud Francilien de Corbeil-Essonnes (Essonne), en présence d’une centaine de personnels de l’établissement.
Ce que certains médecins libéraux – dont une partie de la profession est en grève depuis une dizaine de jours – ont perçu comme une mesure de représailles à leur encontre.
Pendant une heure, le président de la République a présenté la feuille de route des prochaines réformes de santé de son second mandat. Il a reconnu que le système de santé était en crise. « Je sais l’épuisement personnel et collectif des soignants, le sentiment de perte de sens qui s’est installé », a déclaré Emmanuel Macron.
Quels sont les grands changements à attendre dans les cinq années à venir pour rendre plus attractif l’hôpital, compenser la baisse de médecins de ville et améliorer l’accès aux soins ? Florilège des principales annonces du chef de l’État.

Nouvelle organisation à l’hôpital
Estimant que la crise de l’hôpital n’est pas seulement une question de moyens, l’hôpital ayant majoritairement bénéficié des 19 milliards d’euros investis avec le Ségur – « le plus gros effort financier de l’histoire de notre système de santé » –, Emmanuel Macron appelle à en revoir l’organisation générale.
Il reconnaît notamment un « problème d’attractivité à l’hôpital dans les grandes villes où le coût de la vie est le plus élevé ». Il invite notamment à revoir le rythme de travail. « Les 35 heures ont profondément perturbé l’hôpital, a-t-il déclaré. La gouvernance s’est alourdie et a compliqué les procédures. »
L’hôpital est par ailleurs confronté une importante évolution sociétale avec la crise Covid, à l’origine d’importants départs de professionnels. « Les soignantes et soignants n’ont pas envie d’avoir la même vie que leurs aînés ; dans une société où le télétravail s’est développé où les choix de vie et d’organisation de la vie professionnelle et personnelle ont évolué. On ne peut plus dire à des médecins, infirmiers, aides-soignants ou cadres de santé, que pour eux, la vie ne changera pas. »
Une liberté d’organisation plus forte dans les services
« Il faut permettre plus de liberté d’organisation dans les services, a affirmé Emmanuel Macron. Je veux que d’ici au 1er juin, tous les hôpitaux aient organisé avec leurs équipes les plannings et organisations des équipes avec le maximum de liberté dans la construction des plannings. Il faut que le service redevienne l’unité organique et humaine pour organiser les choses. Il est important de redonner de la visibilité à tout le monde. »
Un tandem administratif et médical à la tête des hôpitaux
À la suite de la crise du Covid, le président de la république veux revoir la gouvernance des établissements. « Je souhaite qu’on puisse mettre à la tête de nos hôpitaux un tandem administratif et médical en redonnant une place au conseil d’administration de l’hôpital pour que tout le monde travaille main dans la main. »
La sortie du financement de la tarification à l’activité
« La logique du financement unique par la T2A a créé des dysfonctionnements, affirme le chef de l’État. La T2A prend mal en compte les soins non programmés ou les activités qui prennent du temps. Au fond, il laisse à l’hôpital public des pans d’activité que d’autres ne veulent plus faire. »
Alors qu’il avait annoncé en 2018 la sortie progressive du tout financement à la T2A, Emmanuel Macron a franchi un pas supplémentaire en annonçant « la sortie de la T2A dès le prochain PLFSS pour aller vers un nouveau financement reposant sur une rémunération sur des objectifs de santé publique. »
De meilleures conditions de vie et des carrières évolutives
À l’instar de la réflexion lancée par l’AP-HP, l’Élysée veut lancer avec les élus locaux un plan d’action partagé pour redéfinir un parc de logements dédiés aux soignants. Une attention particulière sera par ailleurs portée sur le sujet de l’évolution des carrières des PH et des infirmiers et aides-soignants pour « consolider l’attractivité » de l’hôpital.
Le président souhaite revoir l’organisation et le fonctionnement des études pour éviter que des soignants, une fois diplômés, se tournent vers l’intérim.
En ville, 10 000 assistants pour dégager du temps médical
Concédant que la France va vivre pendant les 10 prochaines années une « dégradation de l’offre médicale », et en l’absence de « recette miracle », Emmanuel Macron veut dégager du temps pour les soignants, plus particulièrement pour les médecins dont le nombre va considérablement baisser encore dans les toutes prochaines années.
« On est à environ 100 000 MG (actifs et retraités, NDLR) et nous serons à 80 000 environ en 2025 si tous ceux qui ont l’âge de partir à la retraite le font », observe le chef de l’État.
L’âge moyen des médecins inscrits à l’Ordre au 1er janvier 2022 était de 57,3 ans, selon l’atlas de la démographie médicale de l’Ordre des médecins mais il est de 50,3 ans pour les seuls médecins en activité régulière.
« Malgré l’ouverture du numerus clausus, on ne verra pas les résultats dans les 5 à 8 ans qui viennent. Nous allons donc devoir œuvrer à une stratégie, réorganiser, décloisonner, libérer du temps médical », a précisé Emmanuel Macron.
La France va accélérer le recrutement des assistants médicaux qui sont près de 4 000 aujourd’hui. « Nous devons arriver à 10 000 d’ici à la fin de l’année en les généralisant.
Plus de revalorisations pour les médecins qui participent à la PDS
« La continuité et la permanence des soins (PDS) doivent être l’affaire de toutes et de tous, a affirmé le président de la République. À l’hôpital, il faut revaloriser le travail de nuit et les gardes. Les mesures d’urgence prévues jusqu’en mars seront maintenues. […] Il faut un système qui rémunère plus les établissements privés et privés à but non lucratif qui participent à la continuité des soins sur un territoire. Il faut responsabiliser et réinciter à avoir une PDS en ville », a ajouté Emmanuel Macron.
Dans son esprit, il n’est donc pas question d’un retour à l’obligation des gardes mais une carotte financière. Plus que la revalorisation de l’acte – « ce n’est pas ce qui a de plus juste », et alors que des syndicats appellent à passer le tarif de la consultation généraliste de 25 à 50 euros, Emmanuel Macron veut « mieux rémunérer les médecins qui assurent la PDS et ceux qui prennent en charge de nouveaux patients ».
« C’est sur ces points que nous allons concentrer les efforts financiers des négociations conventionnelles qui doivent s’achever à la fin du 1er trimestre. »
Un médecin ou une équipe traitante pour tous les patients chroniques
Alors que 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, le chef de l’État veut que les 600 000 patients avec une maladie chronique concernés se voient proposer un médecin traitant ou une équipe traitante avant la fin de l’année.
« Quand il n’y a pas de médecin disponible, ces patients chroniques doivent pouvoir au moins se faire renouveler une ordonnance par un infirmier ou un pharmacien. Aux médecins de s’organiser pour trouver le temps. S’ils sont malins, ils délèguent les actes aux pharmaciens ou aux paramédicaux. »
Plus de délégations
Emmanuel Macron a annoncé que la délégation d’actes devait être « simplifiée, généralisée sans conflit entre les professions ». Il a évoqué la possibilité d’aller chez un orthoptiste pour le renouvellement de lunettes. Selon lui, les renouvellements d’ordonnance pour les maladies chroniques, la vaccination, le dépistage, l’éducation thérapeutique doivent pouvoir être réalisés par des pharmaciens, des sages-femmes, des infirmiers...
« Les formations et compétences de chacun doivent être reconnues. Le ministre de la Santé devra identifier toutes les évolutions d’ici au 1er mars pour généraliser et simplifier. »
La responsabilisation des patients
« Comme la santé n’a plus de prix, pour beaucoup de nos compatriotes, elle n’a plus de valeur ! » Emmanuel Macron annonce qu’un travail sera mené avec l’Assurance maladie pour responsabiliser les patients lorsque des RDV ne sont pas honorés ou lorsqu’il y a des recours abusifs à des soins non programmés.
Vers la généralisation du service d’accès aux soins
Dans les cas les plus graves, en l’absence de médecin traitant, le recours aux services d’accès aux soins (SAS, qui permet d’avoir une réponse dans les 48 heures à une demande de soins non urgente) sera généralisé. « Un patient qui ne trouve pas de médecin disponible doit pouvoir appeler le 15, et en fonction de son état de santé, être orienté soit vers les urgences, soit vers un médecin. »
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Citer cet article: Macron veut redonner de la liberté à l’hôpital et du temps médical en ville - Medscape - 6 janv 2023.
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