Sao Paulo, Brésil – Deux publications récentes permettent d’y voir plus clair sur la prescription d’anticoagulants chez les sujets âgés [1,2].
L’importance du traitement anticoagulant par voie orale (ACO) chez les patients les plus âgés n’a plus besoin d’être soulignée.
Il avait été postulé que la disponibilité des anticoagulants oraux directs (AOD) augmenterait de façon substantielle la prévention des accidents thromboemboliques chez les sujets les plus âgés ayant une fibrillation auriculaire (FA) en raison du profil de sécurité et de la relative facilité d’utilisation de ces agents.
Néanmoins, plusieurs facteurs, notamment le risque hémorragique peuvent influencer non seulement l’absence de prescription de ces médicaments mais aussi la non-adhérence thérapeutique.
Deux études récentes mettent utilement en lumière ces facteurs.
Les études
Dans la première étude rétrospective d’une cohorte se basant sur les sinistres déclarés à l’assurance Medicare Advantage, les participants au nombre de 381 488 bénéficiaires étaient âgés de 65 ans ou plus et souffraient d’une FA à risque élevé d’accidents ischémiques cérébraux. [1]
L’étude a apprécié l’évolution de l’initiation d’un traitement par AOD entre 2010 et 2020 parmi les patients les plus âgés ayant une FA inaugurale à haut risque d’accident vasculaire cérébral (AVC).
Les auteurs ont aussi pris en compte les caractéristiques associées à une non-prescription d’ACO et d’AOD lors du diagnostic d’une FA révélatrice chez ces patients en suivant également les cas de non-adhérence aux ACO.
Comparant les données de 2010 avec celles de 2020, les principaux résultats sont les suivants :
Le taux de prescriptions initiales d’ACO dans les 12 mois suivant la survenue de la FA a augmenté de 20,2 % (5 404 des 26 782 patients) en 2010 à 32,9 % (7 111 des 21 603 patients) en 2020 ;
Le taux de prescription d’AOD a augmenté de 1,1 % (291 des 26 782 patients) à 30,9 % (6 678 des 21 603 patients) ;
Pour les patients dans les âges les plus avancés (Odds Ratios [OR] : 0,98 ; IC 95 % de 0,98-0,98) ou déments (OR : 0,57 ; IC 95 % : 0,55- 0,58) ou encore les patients fragiles (OR : 0,74 ; IC 95 % : 0,72-0,76) ou anémiés (OR : 0,75 ; IC 95 % : 0,74-0,77), les OR de prescriptions initiales d’ACO étaient les plus faibles ;
Le taux de non-adhérences aux ACO a diminué de 52,2 % (2 290 des 4 389 patients) à 39,0 % (3 434 des 8 798 patients).
Le second article est une méta analyse incluant 106 études observationnelles publiées en langue anglaise entre 2008 et 2020. [2] Les auteurs ont examiné les événements ou facteurs associés avec un dosage inapproprié (sur dosage ou sous dosage) d’un AOD chez des adultes ayant une FA.
Comparant avec les doses recommandées les principaux événements étaient les suivants :
Le surdosage était associé à un risque plus élevé d’accidents hémorragiques majeurs, comme attendu.
Le sous-dosage des posologies recommandées était associé à un effet nul sur la survenue d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques, AVC, AVC ischémiques transitoires (AIT), AVC d’origine embolique systémique (ES) et en regroupant les AVC, AIT, ES.
Ce sous dosage était également associé à l’absence d’effet sur les saignements (probablement inattendu) mais un risque accru de toutes les causes de décès.
Les facteurs associés à un sous dosage étaient un âge avancé, les antécédents de saignements mineurs, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et une faible clairance de la créatinine.
Quelles leçons retenir ?
Les raisons les plus fréquentes pour ne pas utiliser la warfarine sont les risques de saignements, les risques de chute, un état de faiblesse, les troubles cognitifs et la possibilité d’une non-adhérence. De surcroît les aspects pharmacologiques, cliniques et préférentiels doivent aussi être pris en compte. L’éducation, la surveillance et la décision thérapeutique partagée sont essentiels.
Ces deux études mettent en lumière les améliorations à venir :
Pendant ces dix dernières années l’accès aux AOD a amélioré le traitement par un ACO chez les patients âgés ayant une FA, particulièrement ceux à haut risque de complications hémorragiques. Néanmoins, la généralisation du traitement ACO chez les plus âgés reste inférieure à 50 % spécialement chez ceux souffrant d’une démence, ceux qui sont fragiles et ceux ayant une anémie. En réalité les risques hémorragiques sont deux fois plus élevés parmi ceux qui ont six comorbidités ou plus comparativement à ceux qui ont deux comorbidités ou moins.
Les doses inférieures à celles recommandées ne réduisent pas la survenue des hémorragies et sont associées à un plus haut risque de mortalité. Ces données soulignent l’importance de l’adhérence à la posologie recommandée et doivent refreiner l’attitude du « sous-dosage intuitif » afin d’éviter les saignements.
Il est important de souligner 3 points importants :
Les chutes ne sont pas une contre-indication absolue à la prescription des anticoagulants, de fait les patients à risque de chutes ne sont pas exclus de ces études et les données suggèrent que les bénéfices des ACO outrepassent les risques hémorragiques chez les patients avec un score CHA²DS²-VAsc >3 chez eux.
Une étude suggère que les AOD seraient associés à un risque plus faible d’hémorragies intra crâniennes chez sujets âgés à risque de chute. [3]
Des données récentes mettent l’accent sur les bénéfices des ACO, notamment les AOD chez les patients fragiles. [4]
Le développement de nouveaux anticoagulants est une perspective rassurante, l’inhibition du facteur XI a, actuellement testé dans des études en phase 2, pourrait diminuer les risques d’hémorragies en comparaison aux inhibiteurs du facteur Xa.
Pour l’instant il nous reste à suivre les recommandations des Sociétés savantes et donner un traitement personnalisé, réfléchi sans omettre quoi que ce soit.
Commentaire du Dr Jean-Pierre Usdin
Les patients de la première étude étaient âgés en moyenne de 77 ans (femmes : 49,8 %). En pratique clinique, notre « hésitation thérapeutique » concerne peut-être des patients plus âgés. L’initiation du traitement ACO a progressé en chiffre absolu de 12 % en 10 ans mais il correspond à peine un tiers des patients éligibles. Si la warfarine n’est prescrite que chez 2 % (contre 19 % en 2010) cédant la place au traitement par AOD, avec 31 % des éligibles nous sommes encore loin de l’objectif !
L'article a été publié sur Medscape.com sous le titre Oral Anticoagulant Mistakes to Avoid in Older Adults With AF. Traduction du Dr Jean-Pierre Usdin.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: FA chez le senior sous anticoagulants : les erreurs à éviter - Medscape - 6 janv 2023.
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