Paris, France — Si la situation des Urgences françaises ne semble pas aussi catastrophique qu’au Royaume-Uni où une surmortalité de l'ordre de 300 à 500 personnes par semaine serait actuellement observée du fait de l'engorgement des services, du nord au Sud et de l'est à l'Ouest de l’hexagone, les services d'accueil aux urgences (SAU) craquent. Un chiffre pour résumer la situation : 31.
C'est le nombre de personne mortes de manière « inattendue » durant le mois de décembre, telles que les recense le syndicat Samu Urgences de France (SUdF). Car depuis le 1er décembre, SudF compte les morts de patients dans les services d'urgence causés par des attentes trop longues au SAU ou en préhospitalier « faute de possibilité d'engagement Smur ».
Objectif de cette opération macabre : « Nous espérons que ce nouvel indicateur de dangerosité permettra une prise de conscience de la nécessité d’une action profonde au sein de nos établissements pour rétablir des conditions de soins décentes et sécuritaires », explique SudF.
Car au-delà de la crise structurelle, les urgences font face à une conjoncture inédite : « La triple épidémie qui sévit, mais surtout l’accélération du développement de la grippe sur le territoire en cette fin d’année amène le système en situation de rupture », s’alarme Samu Urgences de France (SudF).
À cela il faut ajouter la grève des médecins libéraux, prorogée jusqu'au 8 janvier. Les urgences du CHU de Nice en ressentent déjà les effets : « Nous avons eu près de 50 % d'appels en plus à la régularisation du Samu 06. On est passé de 1 200 appels à 2 000. Ils ont besoin d'avoir l'avis d'un médecin généraliste, mais ils appellent donc le 15 pour essayer de trouver une consultation ou d'avoir une solution », s'est confié la Dr Pierre-Marie Tardieux, chef du pôle des urgences de Nice.
Ailleurs, le burn-out, la fatigue généralisée, ont eu raison des personnels médicaux et paramédicaux.
SAU à Marseille, Metz, Chalon-sur-Saône uniquement en urgence vitale
À Marseille, les urgences de l'hôpital saint Joseph n'ont pu accueillir de patients le lundi 2 janvier. Seules les urgences vitales étaient assurées. Six des sept infirmiers des urgences n'ont pas repris le travail lundi, pour cause d'arrêt maladie.
À l'Est, c'est le CHR de Metz-Thionville qui souffre. Dans un communiqué de presse du 31 décembre, la direction du CHR annonce déclencher le plan blanc. « La situation sanitaire est actuellement tendue pour plusieurs raisons conjuguées : la triple épidémie de grippe, bronchiolite et Covid-19 qui engendre des prises en soins aux urgences puis en hospitalisation d’un nombre de personnes nettement plus important que d’habitude à cette période ; un manque de personnel médical et soignant conduisant à une fermeture importante du nombre de lits dans le territoire pendant les congés de Noël ; une offre de prise en charge en ville réduite », détaille la direction.
Et de poursuivre : « La situation s’est particulièrement tendue, dans un contexte d'arrêts maladie massifs de soignants aux Urgences de Bel Air exprimant un épuisement des équipes, justifiant dorénavant le déclenchement du plan blanc et un plan d’action pour les semaines qui viennent. »
De source syndicale, ce sont 55 infirmiers et aides-soignants sur 59 qui ont été placés en arrêt maladie ce 31 décembre. Face à la situation d'urgence au CHR Metz-Thionville, la direction de l'hôpital a proposé mardi 3 janvier la création de 12 postes en CDI pour tenter de calmer les tensions, a rapporté France Bleu Lorraine Nord .
À Chalon-sur-Saône, le centre hospitalier William Morey a également déclenché le plan blanc et déprogrammé des activées en médecine et chirurgie, faute de lits et en raison d'un flux important de patients.
Enfin, autre exemple, au CHU de Lille, des pics de fréquentation record y ont été enregistrés les 19, 23 et 25 décembre, où près de 300 personnes se sont présentées aux urgences contre 180 habituellement.
Mercredi 4 janvier 2023, une trentaine de soignants exerçant aux urgences du CHU de Lille se sont allongés symboliquement au sol devant l’entrée du service pendant une minute, selon Franceinfo.
« L’objectif est de montrer qu’on n’est même plus à un stade où on est fatigué, mais on est par terre, physiquement et moralement », a expliqué un aide-soignant à France 3 hauts-de-france .
Plan blanc national, pour ou contre ?
Un plan blanc, c'est justement ce que réclame le syndicat SUdF, à l'échelle nationale. « Les centres 15 ont enregistré une ascension vertigineuse de leur activité ces 15 derniers jours [...] les services d'accueil sont totalement engorgés [...] ce sont les raisons pour lesquelles Samut-Urgences de France demande de déclencher une réponse nationale exceptionnelle de type plan blanc national complétée d'un dispositif Orsan étendu aux établissements médico-sociaux pour l'aval des SAU mais intégrant aussi la médecine libérale. »
Le plan Orsan « formalise une meilleure coordination régionale des dispositifs existants dans les 3 secteurs sanitaires (secteurs ambulatoire, hospitalier et médico-social). Le dispositif ORSAN organise et adapte les soins au niveau régional afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les personnes malades puissent bénéficier des soins appropriés ».
Le plan blanc permet notamment de mobiliser l'établissement de santé concerné, les personnels de santé, les moyens matériels et logistiques, tout en adaptant l'activité médicale (via des déprogrammations) de l'hôpital pour répondre à l'urgence.
Grève à Sarreguemines
À l'hôpital de Sarreguemines, les médecins urgentistes n'ont plus la patience d'attendre le déclenchement d'un plan blanc national : ils ont décidé une grève illimitée à compter du 22 décembre dernier, rapporte l'association des médecins urgentistes de France (Amuf).
« Les revendications sont toujours les mêmes, ce qui change c’est que depuis un mois nous avons globalement en France le sentiment que tous les services d’urgences sont incapables d’assumer leurs tâches. Nous n’arrivons plus à prendre en charge les gens de manière sécurisée. C’est-à-dire qu’il n’y a plus de sécurité dans aucun hôpital en France », se désole la Dr Emmanuelle Seris, secrétaire générale de la section syndicale de l'association des médecins bienveillants des urgences de Sarreguemines.
Cas par cas
Que leur répondent les pouvoirs publics ? « La gestion des tensions hospitalières relève actuellement du "cas par cas" sans consigne de plan blanc à l'échelle nationale », a déclaré la première ministre Élisabeth Borne, le 24 décembre, lors d'un déplacement à l'ARS Ile-de-France, en compagnie du ministre de la santé François Braun.
Donc, pour le moment, exit le plan blanc à l'échelle nationale voulu par SudF. Pour autant, les hospitaliers ne sont pas tous sur la même longueur d’ondes.
Joint par Medscape edition française, le Dr Patrick Pelloux, président de l'association des médecins urgentistes de France (Amuf) n'est pas partisan d'un plan blanc national : « Il faut voir au cas par cas, car tous les hôpitaux ne sont pas dans la même situation, certains s'en sortent bien mieux que d'autres. Un plan blanc national équivaudrait à une déprogrammation massive et à des retards de prise en charge, voire des pertes de chance. »
S'il constate un afflux de +52 % de patients aux urgences, il relativise également l'impact de la grève des médecins libéraux lancée par le collectif médecins pour demain : « En fait, cela remonte avant l'épidémie, les médecins avaient pris leurs vacances en même temps, le secteur libéral est incapable de s'organiser... »
Si, selon les dires de Patrick Pelloux, le libéral a des difficultés pour s'organiser, le secteur hospitalier prend les devants. Pour dénoncer la situation actuelle, les syndicats hospitaliers se réunissent aujourd'hui pour décider d'un grand mouvement de grève en mars prochain.
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Crédit de Une : BSIP
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Citer cet article: Crise des urgences : au moins 31 morts pour défaut de soins en décembre, selon SudF - Medscape - 5 janv 2023.
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