Un taux de reprise chirurgicale des bandelettes sous-urétrales sous-estimé !

Hélène Joubert

Auteurs et déclarations

4 janvier 2023

Paris, France – Que disent les données nationales officielles à propos du taux de reprise chirurgicale de bandelettes sous-urétrales dans l’incontinence urinaire d’effort chez la femme ? L’analyse de 270 000 cas de TVT et de TOT opérés en France sur la période 2009 – 2021 a été présentée au 116e congrès français d’urologie par Marian Devonec, professeur honoraire de chirurgie urologique (GH Lyon Sud, Université Claude Bernard Lyon I) [1]. Ses recherches mettent en évidence non seulement un taux élevé de reprises chirurgicales, mais son augmentation très récente jusqu’à près de 13 %. Alors que les bandelettes par voie rétropubiennes (TVT) sont désormais recommandées, quelle est la réalité des chiffres ? La pose de bandelettes urinaires, une opération simple, vraiment ? 

La fin des bandelettes TOT. Petit historique...

En cas d’incontinence urinaire d’effort par hypermobilité urétrale, la pose d’une bandelette sous-urétrale synthétique par voie transobturatrice (TOT) ou par voie rétropubienne (TVT) est toujours proposée en France, pour une efficacité comparable, proche de 90 % lors de la visite de contrôle à 3 mois. Mais depuis la publication des « Implant Files » aux Etats-Unis, et de l’enquête en France, qui a révélé en 2018 des lacunes et un certain laxisme dans la certification des dispositifs médicaux, l’utilisation des prothèses de renfort en polypropylène tricoté dans le traitement de l’incontinence urinaire est fortement contestée, en raison d’un profil de sécurité jugé critiquable.

Depuis lors, les bandelettes synthétiques transobturatrices (TOT) comme rétropubiennes (TVT) sont interdites par le NICE en Angleterre, et fortement déconseillées par la FDA aux Etats-Unis. En France, l’Association française d’urologie (AFU) a plaidé pour le maintien de la commercialisation des bandelettes par voie rétropubienne (TVT), la technique la plus ancienne, et a déconseillé la pose de bandelettes par voie-transobturatrice (TOT).

Dans l’Hexagone, la voie transobturatrice a été très largement majoritaire jusqu’en 2018 (75 % de TOT pour 25 % de TVT). Depuis 2018, les poses de bandelettes synthétiques ont diminué de moitié et les deux voies sont pratiquées à égalité. « Il y a eu un raz-de-marée sur les bandelettes TOT dès leur invention par un urologue français, se souvient le Pr Marian Devonec. La voie transobturatrice TOT a été adoptée immédiatement par les gynécologues, craignant la blessure vésicale avec la voie rétropubienne TVT. Mais aujourd’hui, les TOT n’ont plus leur place et la technique doit être abandonnée, du fait de la fréquence des complications qu’elles induisent (érosion et infection du cul de sac vaginal, de la vessie, de l’urètre et surtout, douleurs séquellaires de la racine de la cuisse, conséquence de la proximité anatomique de la bandelette synthétique avec le nerf obturateur, lors de sa traversée du trou obturateur côté droit et côté gauche ». 

La disparition programmée des bandelettes synthétiques, à commencer par les TOT en France, fait prédire au Pr Devonec le retour à la chirurgie classique de l’incontinence urinaire par hypermobilité urétrale : le soutènement de l’urètre par l’intermédiaire du vagin en créant un « hamac vaginal » en dessous de l’urètre (technique de la colposuspension décrite par Burch en 1961). L’intervention aujourd’hui réalisée par coelioscopie, « présentera l’avantage d’utiliser la paroi vaginale comme soutien de l’urètre, un matériel naturel autologue par définition, à l’opposé d’une bandelette, matériel synthétique tricoté, corps étranger colonisé par les tissus environnants et difficilement extirpable en cas de complication », ajoute le spécialiste.

 
La disparition programmée des bandelettes synthétiques, à commencer par les TOT en France, fait prédire au Pr Devonec le retour à la chirurgie classique de l’incontinence urinaire par hypermobilité urétrale.
 

Sur dix ans, 270 000 bandelettes TOT et TVT posées

Afin de dresser un panorama des chirurgies par bandelettes urinaire effectuées ces dix dernières années, le Pr Marian Devonec s’est appuyé sur les données ATIH (fournies par les urologues et les gynécologues exerçant en France) et PMSI à propos du nombre de TVT et de TOT réalisés chaque année et le taux de reprises chirurgicales rapportées annuellement par l’ensemble des chirurgiens gynécologues et urologues des hôpitaux publics et des cliniques privées, selon six types de ré-opérations [2]. Avant 2012, le même code JDDB010 était utilisé pour le TVT (bandelette voie rétropubienne, une incision vaginale et deux petites incisions sus-pubiennes) et le TOT (bandelette voie transobturatrice : une incision vaginale et de chaque côté une incision latérale, en regard du trou obturateur, dans le pli situé entre la cuisse et la grande lèvre). Depuis cette date, le TVT répond à la codification JDDB007 et le TOT à celle JDDB005.

Entre 2012 et 2021, le nombre annuel d’interventions a légèrement baissé sur cette période, mais en deux temps : alors qu’il était stable sur la période 2012-2017, aux alentours de 30 000 poses de bandelettes TVT et TOT par an, on observe un infléchissement à partir de 2018, à mettre sur le compte de la campagne de presse négative sur les bandelettes et de la pandémie de Covid-19 (25 000 interventions en 2019, 15 000 en 2020).

 

Avec l’accord du Pr Devonec.

 

Deux périodes sont à distinguer lorsque l’on regarde plus précisément la part du TOT et celle du TVT : sur 2012-1018, le TOT est dominant et stable (23 000-25 000 poses) puis, sur la période 2019-2021, le TOT baisse considérablement, passant sous la barre des 20 000 opérations en 2019, avec 12 000 et 11 000 interventions en 2020 et 2021, respectivement.

« Concernant la répartition des deux types de bandelettes, même si le TOT reste toujours majoritaire, la différence tend à s’amoindrir, commente le Pr Devonec. Le TVT se maintient, mais sa part s’infléchit légèrement à partir de 2020 et passe pour la première fois depuis 2012 en dessous des 5 000 opérations annuelles. La réduction drastique du nombre de bandelettes posées est due à la chute des TOT, et c’est tant mieux pour les femmes ».

 

Avec l’accord du Pr Devonec.

TOT-TVT, un taux de reprise sous-estimé ?

En revanche, sur cette même période, le nombre de réinterventions pour reprise est remarquablement stable : 2450 en 2012, 2500 en 2019 avec une baisse en 2020 et 2021 aux alentours de 2000 par an. 

 

Avec l’accord du Pr Devonec.

 

Finalement, le taux de reprise moyen est de 8,4 % par an. Ce taux de 8 % est élevé et remarquablement reproductible entre 2012 et 2017. Sur la période 2018 à 2021, il progresse de 8 % à 12,7 %. Mais concernant les explications potentielles, le Pr Devonec préfère en rester « au point d’interrogation ».

La traçabilité des taux respectifs des complications liées au TOT et au TVT est impossible à l’échelle nationale. Quant à la traçabilité de chaque patient, si le chaînage est infaisable à l’échelon national, il est en revanche réalisable à l’échelon d’un établissement ou d’un service.

 

Avec l’accord du Pr Devonec.

44% des reprises ont eu lieu dans l’année suivant la pose

L’ablation complète de la bandelette (54 %) et la section de la bandelette par voie vaginale (44 %) sont les reprises chirurgicales les plus fréquentes et représentent à elles seules 98 % des actes de reprises.

Concernant le délai entre la pose initiale et la reprise, un peu moins de la moitié des TVT-TOT posées ont été reprises dans l’année (44 %). 76 % l’ont été durant les trois premières années et 84 % dans les quatre premières années. Au-delà, le nombre de reprises était très faible. « Il existe en effet un décalage entre taux de reprise attribué à une année et l’année de réalisation du geste initial, précise l’urologue. Cependant, la reproductibilité des taux pour chaque complication n’efface pas la réalité des faits. »

Une opération simple, vraiment ?

« Cette étude démontre que la facilité de la pose de bandelettes urinaires n’est qu’apparente, conclut le Pr Marian Devonec à la lecture des chiffres déclarés par les chirurgiens eux-mêmes. Le taux de reprise chirurgicale est considérable. Alors que ce geste chirurgical a la réputation d’être simple (une « opération d’interne »), on s’aperçoit une fois confronté aux données, qu’il n’en est rien. Enfin, si le taux de complications chirurgicales est connu mais sous-estimé, le taux des complications médicales, lui, est inconnu et représente la partie immergée de l’iceberg. Rappelons qu’il s’agit d’une « chirurgie fonctionnelle, de confort ; ne rajoutons pas un handicap à un handicap existant ».

 
Cette étude démontre que la facilité de la pose de bandelettes urinaires n’est qu’apparente. Pr Marian Devonec
 

 

Le Pr Devonec déclare n’avoir aucun lien d’intérêt avec sa présentation.

 

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