Paris, France — Décrit tout récemment, le syndrome de neige visuelle est fréquent, non évolutif, mais sans traitement aujourd'hui. Le Dr Romain Deschamps (neurologue, hôpital Fondation A. Rothschild, Paris) a fait le point sur ce syndrome qui reste très mystérieux à l'occasion des 24èmes Rencontres de Neurologies , qui se sont déroulées du 12 au 14 décembre derniers.
Un syndrome fréquent avec des critères bien définis
Qu’est-ce que le syndrome de neige visuelle décrit pour la première fois en 1995 ? Il s’agit de la perception permanente d'une vision granitée ou neigeuse dans tout le champ visuel. « Certains patients décrivent aussi des points blancs ou lumineux, des petits traits scintillants ou de fourmis ou de gouttes de pluie devant leur vision. Les patients les plus âgés décrivent ce qu'on voyait avec les télévisions à tube cathodique », a indiqué le neurologue.
Une étude de prévalence a estimé que 1,4 à 3% de la population anglaise présentait ce syndrome [1]. « Ce qui est intéressant, c'est que la moitié de ces patients n'arrivait pas à dater le début tellement c'était ancien », a commenté l'orateur. Une autre étude portant sur 1100 patients a permis de mieux cerner l'âge d'apparition qui se situerait autour de la trentaine [2].
Comment savoir si un patient est atteint de neige visuelle ? « Etant donné l'homogénéité de la symptomatologie chez tous les patients, des critères ont pu être établis », a expliqué le Dr Deschamps qui les a ensuite énumérés.
Le premier critère, indispensable, est la présence de points continus dans tout le champ visuel pendant plus de trois mois. Il faut aussi la présence d'au moins deux symptômes visuels parmi les quatre suivants : palinopsie (une image reste alors que l'objet a disparu ou a bougé), phénomène entoptique exagéré (quand le cerveau voit ce qu'il se passe dans l'œil comme les corps flottants excessifs ou des petits points blancs sur fond bleu, visions colorées quand on ferme les yeux...), photophobie, nyctalopie.
Cela posé, il faut s'assurer que ces symptômes ne correspondent pas à une aura migraineuse et ne peuvent pas s'expliquer par un autre trouble lié à une atteinte neurologique (AVC postérieurs, névrites optiques...) ou une atteinte ophtalmologique (détachement du vitré, atteintes maculaires...).
« Généralement l'existence d'autres symptômes permet de préciser le diagnostic : par exemple, les auras migraineuses ont une durée bien inférieure à trois mois, et autre exemple, dans les atteintes maculaires il y a des anomalies associées comme des scotomes et, par ailleurs, ce sont des atteintes isolées du champ visuel », a-t-il expliqué.
Au-delà du fait que les critères de définition ne soient pas retenus, il existe des signaux qui doivent faire douter du syndrome de neige visuelle : si les symptômes sont d'apparition récente, s'ils sont survenus à un âge avancé, si les symptômes se sont aggravés soudainement, si l'atteinte du champ visuel est incomplète ou unilatérale, si le patient prend ou a pris des toxiques, notamment les drogues hallucinatoires de type LSD.
Chez les patients qui ont un syndrome de neige visuelle, il peut y avoir d'autres phénomènes, comme des migraines (de 50 à 70 % des patients avec le syndrome de neige visuelle d'après les données de la littérature versus 20% dans la population générale), des migraines avec aura (23 à 47 % vs 6-8 %), des acouphènes (jusqu'à 75% dans les études) et des troubles psychologiques (jusqu'à 50% pour l'anxiété et la dépression).
« Ces patients se plaignent de troubles de l'attention et ils ont l'impression d'être dans un brouillard permanent sur le plan psychologique », a ajouté Romain Deschamps.
Des examens pour se rassurer, pas de traitement
En cas de critères de neige visuelle, l'ophtalmologiste réalise un interrogatoire, un examen ophtalmologique et un champ visuel. « S'il n'y a pas d'anomalie, il n'y a pas de raison d'aller plus loin dans les explorations », a indiqué le Dr Deschamps rappelant que sur le plan neurologique, il n'y avait pas de recommandation.
« Je pense qu'au minimum il faut faire une IRM cérébrale et un EEG », conseille-t-il tout en précisant que ces examens « sont toujours normaux, mais qu'ils sont importants pour rassurer les patients qui se posent beaucoup de questions face à ce phénomène ».
Des travaux de recherches ont mis en évidence quelques anomalies en IRM ou en TEP témoignant d'une atteinte corticale. Ont été retrouvées soit une hyperexcitabilité corticale, soit des anomalies thalamiques. Aussi la question se pose d'un dysfonctionnement entre le thalamus et le cortex.
« Etant donné le mode d'installation d'emblée bilatérale et symétrique, on se doutait bien que cela ne pouvait pas être un problème ophtalmologique ou même une lésion sur la voie visuelle ».
L'orateur a indiqué qu'il n'y avait pas aujourd'hui de traitement médicamenteux.
Cela dit, d'après lui, les patients sont peu demandeurs.
Concernant l'évolution, une seule étude prospective montre une absence d'évolution dans un intervalle de temps de huit ans [3].
Globalement, les symptômes ne changent pas au cours de la vie, ce qui est aussi un élément rassurant pour les patients mais surtout présenter un syndrome de neige visuelle n'est pas prédictif d'une maladie neurodégénérative.
« Il faut rassurer les patients et leur expliquer qu'il s'agit seulement d'un trouble du traitement de l'information sensorielle mais qu’il n'y a pas de pathologie type cancer ou abcès et ce n'est pas prédictif de quelque chose de neurodégénératif », a-t-il conclu.
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Crédit de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2022
Citer cet article: Le phénomène de neige visuelle sort (un peu) de l'ombre - Medscape - 30 déc 2022.
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