Paris, France — Droit dans ses bottes : c'est ainsi que l'on pourrait qualifier l'attitude du gouvernement face à la contestation de la réforme du premier cycle des études médicales, instauré par un décret et un arrêté du 4 novembre 2019.
Pourtant depuis trois ans, étudiants et parents d'étudiants ont créé un collectif national Pass/las pour faire remonter toutes les "absurdités" de cette réforme, en vue de l'abroger.
« Depuis trois ans, malgré les alertes, nous en sommes toujours au même point. Cette réforme ne fonctionne pas, elle a été mise en place trop vite. La première année, nous avons constaté que chaque université avait un mode de fonctionnement différent qui créait des inégalités entre les territoires. La deuxième année, il y a eu des ajustements qui n'ont rien arrangé. Nous avons constaté que cela ne fonctionnait pas car les étudiants qui parvenaient en deuxième année venant de Pass avait eu trois quarts de programmes de plus que ceux qui provenaient de Las, donc forcément cela créait des inégalités », explique Emmanuel D'Astorg, président du collectif national Pass/Las
Condamnation de 15 facultés
Le collectif compte malgré tout quelques victoires, dont la condamnation par le Conseil d'État de 15 facultés, sur le motif du nombre insuffisant de places accordées aux candidats à la deuxième année des études de santé.
Le Collectif a également fait annuler l'élimination de dizaines d'étudiants, recalés à l'oral de l'examen de fin de première année.
En septembre dernier, le Collectif annonçait qu'il avait adressé un courrier à la Première ministre Élisabeth Borne pour lui demander gracieusement l'abrogation de ladite réforme.
Silence de la première ministre. Face à cette absence de réponse, le Collectif a décidé de porter l'affaire devant le Conseil d'État. « Nous avons tenté d'instituer un dialogue, nous avons eu une visioconférence avec Frédérique Vidal, ancienne ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, dès la première année de cette réforme. Ils nous ont écouté, et puis ils ont fait ce qu'ils ont voulu. Nous avons aussi eu des échanges avec les deux doyens (Diot et Samuel), tout le monde a reconnu qu'il y avait des choses à changer, mais personne n'a pris d'initiatives. En aout dernier, nous avons adressé une lettre à la première Ministre Élisabeth Borne, pour éviter de saisir de nouveau le conseil d'État mais nous n'avons eu aucune réponse.
Nous avons le sentiment que les pouvoirs publics ne veulent pas reconnaitre cet échec cuisant qu'est cette réforme et qui a abouti au fait que 1000 postes en pharmacie n'ont pas été pourvus en juin dernier. En maïeutique, 20% des places n'ont pas été pourvues. Le taux d'échec est estimé par les doyens à plus de 20% en deuxième année », détaille Emmanuel d'Astorg.
Les épreuves orales du Pass
L'avocat du Collectif, Maitre Marc Bellanger, explique pourquoi ladite réforme est contestable, et doit être abrogée selon le Collectif : « Nous nous sommes concentrés sur le Pass qui prévoit l'organisation d'un second groupe d'épreuves orales. Avec le numerus apertus introduit par la réforme, on peut, si l'on choisit par exemple un quota de 500 élèves admis, admettre directement les 250 premiers en deuxième année et soumettre les 250 autres à une épreuve orale. Ces épreuves orales sont censées évaluer des connaissances transversales mais sans pour autant qu'un périmètre de connaissances ne soit défini. Résultat, des examens oraux totalement farfelus ont été proposés. Face à nos critiques, les facultés ont rétorqué qu'il s'agissait d'évaluer la faculté de communication des médecins, une compétence essentielle à la pratique médicale selon elles. Dès lors, nous ne comprenons pas, s'il s'agit d'une compétence essentielle, pourquoi les 250 premiers en sont dispensés. Qui plus est, les universités ont chacune choisi le poids des épreuves orales versus les épreuves écrites. Donc, nous sommes arrivés à des aberrations absolues, où certaines facs avaient décrété que les épreuves orales représenteront 30% et les épreuves écrites 70%. D'autres, comme Paris, avaient même décidé que les épreuves orales représenteraient 70% de la note finale, et les épreuves écrites 30%. Aussi, il n'y a pas de pondération définie dans le décret. Les critères de notations pouvaient différer d'un jury à l'autre. L'anonymat des candidats n'était pas non plus respecté par les jurys oraux. »
Audience dans un an
Il y avait donc nécessité d’introduire ce recours devant le conseil d’État, qui ne doit pas aboutir, néanmoins, avant un an : « Notre mémoire va être communiqué au Premier ministre qui va s'adjoindre les compétences des services du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Ils vont produire un mémoire en défense auquel nous allons répliquer. In fine, nous aurons une audience publique au cours de laquelle nous allons plaider le dossier. Si le conseil d'État est convaincu par nos arguments, il annulera la décision implicite d'Élisabeth Borne d'abroger le décret du 4 novembre 2019. Ou alors il considérera que notre requête, juridiquement, n'est pas de nature à démontrer l'illégalité du décret, et le Conseil d'État la rejettera. Le gouvernement peut de lui-même amender son décret pendant cette saisine. »
Parallèlement à cette procédure, et face aux mécontentements des étudiants et de leurs proches, les doyens ont émis des recommandations pour faire en sorte que les examens de fin de première année soient plus homogènes, d'une faculté l'autre. Préconisations qui n'ont pas toujours été entendues : « Le doyen des doyens a recommandé que la note des oraux ne dépasse pas 30% de la note totale mais certaines facultés, Brest, Angers, appliquent encore un taux de 70%. L'autonomie des facultés, c'est bien, mais selon que l'on étudie à Brest, Tours ou Marseille on n'est pas logé à la même enseigne », se désole Emmanuel d'Astorg. Reste que, hormis certaines facultés, une majorité d'entre elles ont rééquilibré les notes de l'oral qui en moyenne représentent maintenant 40 voire 50% de la note totale, selon maitre Bellanger. Preuve que l'action du Collectif n'a pas été vaine.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Le Conseil d'État devra se prononcer sur l'abrogation de la réforme du premier cycle - Medscape - 30 déc 2022.
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