Le collectif « Médecins pour demain » en grève entre le 26 décembre et le 1er janvier

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

26 décembre 2022

France – Si la grève des contrôleurs de la SNCF accapare les médias, celle des médecins libéraux ne fait plus les gros titres. Pourtant, après un premier ballon d'essai lancé les 1er et 2 décembre derniers, qui a réuni quelque 30 % de grévistes selon l'assurance maladie, les 15 000 médecins réunis autour du collectif « Médecins pour demain » ont décidé de remettre le couvert entre les 26 décembre et 1er janvier, sachant un certain nombre d'entre eux ont fait grève les samedis matins entre le 2 décembre et le 26 décembre.

Le C à 50 euros comme principale revendication

Motif de la reconduction de ce mouvement social ? Le C à 50 euros. La principale revendication de ce collectif de médecins, soutenus par les principaux syndicats de médecins libéraux (SML, FMF, CSMF, MG France...) n'est pourtant pas à l'ordre du jour du calendrier social du ministre de la Santé François Braun. C'est ce qui ressort d'une rencontre pat visioconférence le 13 décembre entre la délégation de médecins grévistes et le cabinet du ministre. Du côté des négociations conventionnelles avec l'Assurance maladie, dont la dernière réunion s'est tenue le 15 décembre dernier, « aucun chiffre n'a pour l'heure été mentionné », a déclaré la porte-parole du collectif.

Aussi, comme pour réaffirmer leurs revendications, « Médecins pour demain » organisait une conférence de presse ce 21 décembre. La fondatrice de ce collectif, la Dr Christelle Audigier, a rappelé le contexte dans lequel s'enracine leur combat : « Actuellement, les médecins travaillent en moyenne 55 heures par semaine et plus de 20 % du temps de travail est hors consultation : administratif, gestion du cabinet. Il faut savoir qu’un médecin sur deux souffrira, a souffert ou souffre d’épuisement professionnel. Le taux de suicide dans la profession est 2,6 fois supérieure au reste de la population. »

Cette souffrance au travail trouve son origine, selon le collectif, dans une absence de revalorisation des consultations, ce qui aboutit à un sous-investissement dans l'outil de travail : « Avec 25 euros, nous ne pouvons pas : louer des locaux spacieux aux normes, acquérir du matériel de qualité, embaucher du personnel pour libérer 10 à 15 h de temps médical. » Résultat, les médecins craignent de s'installer, « 10 % seulement s’installent à la fin de leurs études, 40 % ne feront jamais de médecine libérale. »

Choc d’attractivité

Pour Christelle Audigier, la solution à ce marasme passe par un choc d'attractivité en relevant le tarif de la consultation CS à 50 euros, en revalorisant les consultations longues et complexes de certaines spécialités comme la psychiatrie, l'endocrinologie, ou la rhumatologie. Autres solutions proposées : des aides à l'installation, plutôt que la coercition, le cumul des actes, l'auto-déclaration des arrêts de travail pour alléger les corvées administratives... Si « Médecins pour demain » se dit attaché au conventionnement, il rappelle si besoin est qu'un certain nombre de confères sont pour leur part de plus en plus attiré par le déconventionnement : « des “Assises du déconventionnement” sont proposées depuis plusieurs mois, faisant craindre pour l’avenir de notre système de soins égalitaire, au péril d’un système à 2 vitesses qui semble inévitable lorsque l’on lit les propositions de lois par nos politiques et financiers gestionnaires de la CNAM. » Le collectif a formulé d'autres propositions qu'il a soumis au pouvoir public : revalorisation de la liste médicale à hauteur de 80 euros et 120 euros pour les patients en ALD, réalisation de feuilles de soins en mode dégradés uniquement numérisées, sans doublon papier, facturation des rendez-vous non honorés.

Suppression de la ROSP

Le collectif veut aussi détricoter la logique de forfaitisation lancée par l'assurance maladie il y a une décennie : il propose ainsi la suppression de la rémunération sur objectifs de santé public (ROSP), le forfait structure mais compte garder le forfait médecin traitant, revalorisé, cela va sans dire.

La revalorisation des actes n'est pas, loin s'en faut, la seule revendication de Médecins pour demain : le collectif souhaite aussi alléger la permanence des soins ambulatoires (PDSA), en supprimant les plages en nuit profonde (00 heures et 8 heures) sauf dans les grandes agglomérations, et les visites de nuit de la PDSA dans les zones où il y a peu de demandes. Le collectif veut aussi inclure le samedi matin dans la PDSA.

Cabinets éphémères dans les zones sous-dotées

Au chapitre de l'accès aux soins, Médecins pour demain constate que « 600 000 patients en ALD et 15 % de citoyens handicapés sont à ce jour sans médecin traitant ». Pour remédier à ce problème, les médecins proposent la création d'une « cartographie de ces patients pour faciliter leur prise en charge et leur guidage vers les médecins généralistes de leur territoire ».

Quant aux déserts médicaux, Médecins pour demain propose d'effectuer deux années après l'internat en médecine générale en zone sous-dotée contre l'ouverture du secteur 2 aux étudiants en médecine qui s'y engagent. Il souhaite aussi développer des cabinets éphémères dans les zones sous-dotées.

Lever la limitation des téléconsultations

Le numérique fait aussi partie des sujets de préoccupations du collectif : au-delà de la sécurisation des données de santé, médecins pour demain veut lever la limitation des téléconsultations (pour le moment plafonnées à 20% de l'activité du médecin) pour les généralistes et les psychiatres. Pour éviter les abus, les membres du collectif suggèrent, en téléconsultation, de ne pas prescrire d’antalgiques de palier 2 ou d'antibiotiques.

Frilosité vis-à-vis de la délégation des tâches

Le collectif est aussi très tatillon en matière de délégations des soins en rappelant que le diagnostic et la prescription sont des actes « médicaux et ne sauraient se transférer », tout en proposant néanmoins que certaines consultations soient couplées avec un examen clinique par une infirmière dans les zones sous-dotées, « afin d’améliorer la permanence des soins dans ces zones sans déplacer le médecin ».

Les pouvoirs publics vont-ils prendre bonne note de ces propositions ? « Le ministre nous a clairement fait comprendre que la grève du 26 décembre n'est pas la bienvenue. Mais rien ne tombera “tout cuit”, nous avons très peu d'alliés de l'autre côté, il faut montrer notre détermination. »

 

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