Paris, France — Faut-il renforcer la place de la surveillance active dans la prise en charge du cancer du rein chez les patients présentant de petites tumeurs localisées (T1a, < 4 cm) ? Au cours du 116ème congrès de l’Association française d’urologie (AFU 2022), le Dr Zine-Eddine Khene (CHU de Rennes) a fait le point sur les dernières données de la littérature qui confirment l’intérêt de cette approche non invasive, qui reste encore marginale comparativement à l’approche chirurgicale [1].
« Le premier réflexe à avoir devant une petite tumeur du rein est de temporiser et de ne pas hésiter à proposer au patient une surveillance active », en lui présentant les éléments de la littérature qui s’avèrent rassurants, notamment en ce qui concerne la progression de la maladie, a commenté l’urologue. La surveillance active dans cette indication a aussi l’avantage de préserver la fonction rénale, a-t-il rappelé.
Au choix du patient
Dans le traitement du cancer du rein, la néphrectomie partielle reste le traitement de référence des petites tumeurs localisées < 4 cm (sous-groupe T1a). Néanmoins, une surveillance active peut être envisagée, selon le profil et le souhait du patient, en mettant en place un suivi s’appuyant sur des examens réguliers par imagerie abdominale et thoracique pour évaluer la progression de la tumeur.
Selon les dernières recommandations du Comité de cancérologie de l’AFU (CCAFU) sur la prise en charge du cancer du rein, la surveillance active peut être proposée au patient « au même titre que la néphrectomie », lorsque la taille de la tumeur est comprise entre 2 et 4 cm, a précisé le Dr Khene, qui a participé à la rédaction du document. Pour des tumeurs < 2 cm, cette stratégie est encore davantage justifiée « étant donné leur faible taux de croissance ».
Alors que la surveillance active est devenue le traitement de référence dans le cancer de la prostate à faible risque de progression, cette option thérapeutique non invasive peine à s’imposer dans le cancer du rein, « probablement en raison de la large diffusion du robot chirurgical » qui a permis le développement de la néphrectomie partielle dans le traitement des petites masses rénales.
Les données de la littérature restent toutefois en faveur de la surveillance active des tumeurs < 4 cm, en confirmant notamment une évolution lente dans la majorité des cas. Selon le registre prospectif américain DISSRM (Delayed Intervention and Surveillance for Small Renal Masses), les tumeurs de petite taille « grossissent très lentement » avec une croissance < 0,5 cm/an chez 80% des patients [2]. Dans 30% des cas, le volume reste stable.
Des tumeurs peu agressives
Une autre étude, plus récente, a souligné le caractère peu agressif de ces tumeurs [3]. « La plupart des carcinomes rénaux T1a de 0 à 2 cm sont représentés par le sous-type histologique à cellules claires ou papillaires de bas grade ». Même chez les patients avec des critères histologiques initialement plus péjoratifs, « les taux de métastases sont quasiment nuls ».
Concernant la survie, une analyse du registre DISSRM rapporte une absence de différence entre la surveillance active et un traitement initial dans la prise en charge des petites tumeurs, même chez les patients jeunes [4]. Chez les patients de moins de 60 ans, la survie globale à cinq ans est ainsi de 91% avec la surveillance active, contre 96% après le traitement d’emblée.
Au cours du suivi de cinq ans, 19% de ces patients de moins de 60 ans sous surveillance active ont finalement été traités. Les chercheurs indiquent que cette intervention retardée n’a pas eu d’effet sur le risque de cancer métastatique ou de récidive du cancer, ce qui suggère, selon eux, que « le principe de la surveillance active peut être appliqué efficacement aux patients jeunes ».
Dans une autre étude ayant inclus plus de 450 patients pris en charge par surveillance active pour de petites tumeurs, les résultats montrent à cinq ans un taux d’intervention retardée de 42% et une mortalité par cancer de 1,2% [5]. L’arrêt de la surveillance et l’intervention s’observent essentiellement dans les deux ou trois premières années.
« Quelle que soit l'évolution de la tumeur, aucune différence n’a été observée concernant la survie globale », a souligné le Dr Khene, en commentant les résultats.
Scanner thoracique annuel
En plus des économies de frais de santé réalisées, « le choix de la surveillance active est aussi le meilleur moyen de ne pas avoir de complications et de préserver la fonction rénale, ce qui permet également d’éviter les complications liées à l’insuffisance rénale chronique » pouvant survenir après intervention chirurgicale.
Si la surveillance active semble être la prise en charge à privilégier pour les tumeurs rénales < 4 cm, encore plus pour celles < 2 cm, les modalités ne sont pas clairement définies, les protocoles évalués étant assez hétérogènes, a précisé l’urologue.
Le CCAFU propose une surveillance des tumeurs s’appuyant sur une échographie abdominale tous les 3 à 6 mois, puis tous les 6 à 12 mois en cas de lésion stable. Un scanner thoracique est également à effectuer à l’inclusion, puis chaque année. En raison notamment d'un risque élevé de faux positif, la biopsie n’est pas recommandée.
Basé sur le registre DISSRM, ce protocole de surveillance active serait suffisant pour dépister efficacement une augmentation significative de la taille des tumeurs rénales.
La surveillance doit être interrompue au profit d’un traitement en cas de :
diamètre de la tumeur > 4 cm ;
croissance tumorale > 0,5 cm/an;
symptômes, telle qu’une d’hématurie (présence de sang dans les urines).
En l’absence de ces critères, la surveillance doit se poursuivre indéfiniment, « tant que l’espérance de vie du patient est conséquente ».
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Citer cet article: Cancer du rein : quelle place pour la surveillance active ? - Medscape - 27 déc 2022.
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