Syndrome des jambes sans repos: quelle stratégie en cas d’aggravation des symptômes?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

26 décembre 2022

Lille, France — Complication sévère du syndrome des jambes sans repos, le syndrome d’augmentation, qui se traduit par une aggravation des symptômes, survient en général après plusieurs mois, voire plusieurs années sous traitement par agoniste dopaminergique. Comment prévenir son apparition? Et, une fois en place, quelle stratégie thérapeutique adopter? Au cours du Congrès du sommeil , le Dr Diego García-Borreguero (Institut du sommeil, Madrid, Espagne), spécialiste du syndrome des jambes sans repos, a donné ses recommandations.

Une carence en fer au niveau cérébral étant potentiellement en cause dans le développement des symptômes des jambes sans repos, le médecin du sommeil préconise notamment, en cas d’aggravation, d’opter pour une supplémentation en fer par voie intraveineuse et de passer, du moins dans un premier temps, à un traitement par agoniste dopaminergique à demi-vie longue.

Maladie neurologique fréquente

Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) ou maladie de Willis-Ekbom est une maladie neurologique fréquente, qui touche 2 à 3% de la population générale de manière chronique et progressive. Il se manifeste par une envie impérieuse de bouger les jambes, associée à des sensations désagréables (démangeaison, picotements, décharge électrique…), généralement au niveau des membres inférieurs.

Ces impatiences, qui surviennent en général le soir et la nuit pendant les phases de repos et d'inactivité, sont soulagées de manière transitoire par le mouvement (marche, étirement du pied…). La maladie se traduit également par des mouvements périodiques pendant le sommeil et des difficultés à s’endormir en raison d’un état d’hyper éveil. Dans les formes sévères, la qualité de vie des personnes touchées se retrouve fortement altérée.

Si la maladie est encore mal comprise, on commence à en savoir plus sur les mécanismes en jeu. Le syndrome serait lié à des troubles de la régulation du fer, à l’origine d’une carence en fer au niveau cérébral, qui induirait une hausse de la synthèse de dopamine et de glutamate, a indiqué le Pr Yves Dauvilliers (Centre national de référence narcolepsie hypersomnie, Montpellier, France) lors d’une présentation qui a fait le point sur les recherches portant sur cette pathologie encore peu étudiée.

Selon le spécialiste, « il existe une dérégulation de l’entrée du fer au niveau de la barrière hématoencéphalique », qui semble liée à un déséquilibre dans le nombre de récepteurs à la transferrine entre le système sanguin et le système nerveux central. Ce déséquilibre aurait une origine génétique, même si des facteurs environnementaux sont également soupçonnés. Selon les études, 40 à 60% des patients atteints du syndrome ont des antécédents familiaux.

Dopamine et glutamate en excès

Conséquence de ce déséquilibre : si la carence en fer est quasi systématique au niveau cérébral chez les patients atteints du syndrome, elle ne s’observe pas forcément au niveau plasmatique. « Le bilan sanguin des patients diagnostiqués montre une carence en fer sérique dans seulement 20% des cas ». Un taux de ferritine bas « n’est donc pas un bon marqueur sanguin » pour caractériser la maladie.

Le fer étant nécessaire à la formation des récepteurs à dopamine D2, une carence est associée à une diminution de leur nombre au niveau synaptique. « Dans un syndrome des jambes sans repos, la carence en fer entraine une baisse du nombre de récepteurs D2 en post-synaptique et l’organisme, par compensation, augmente la synthèse de tyrosine hydroxydase pour produire davantage de dopamine », explique le Pr Dauvilliers.

La prise en charge s’appuie sur une supplémentation en fer, d’abord par voie orale, en cas de ferritine < 75 µg/L et d’une bonne hygiène de vie s'accompagnant de gestes simples (éviter le café, l’alcool, le tabac, se coucher et se lever à heure fixe, pratiquer une activité physique régulière, faire des exercices de stretching avant de se coucher…), souvent suffisants pour atténuer les impatiences dans les formes légères de la maladie.

Dans les formes plus sévères, un traitement médicamenteux est à envisager. Les recommandations préconisent les antiépiléptiques ligands alpha 2 delta (gabapentine et prégabaline) en première ligne en cas d’insomnies importantes, de douleurs ou d’anxiété pathologique, précise le spécialiste. Ces médicaments sont prescrits hors autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication.

 
Il existe une dérégulation de l’entrée du fer au niveau de la barrière hématoencéphalique. Pr Yves Dauvilliers
 

Antagoniste dopaminergique à faible dose

En cas de SJSR très sévère ou de mouvements périodiques fréquents, le traitement par antagoniste dopaminergique (pramipexole, rotigotine ou ropinirole) est préférable, mais à faible dose. Aucun de ces médicaments n’est remboursé dans cette indication.

Si les dopaminergiques sont efficaces à court terme, ils ont l’inconvénient majeur de perdre leur effet avec le temps dans cette indication et peuvent même induire une aggravation des symptômes, connue sous le nom de syndrome d’augmentation, a précisé le Dr García-Borreguero. Après quelques mois, voire plusieurs années, « les symptômes réapparaissent et deviennent de plus en plus grave, malgré le traitement ». D’où la nécessité de débuter par de faibles doses.

Le syndrome d’augmentation se caractérise par une hausse de l’intensité des sensations désagréables, qui apparaissent également plus tôt dans la journée (deux à quatre heures avant, en comparaison avec la période sans traitement dopaminergique). Les symptômes peuvent également toucher d’autres parties du corps, principalement les bras, et la durée de la période sans symptômes est raccourcie.

Pour éviter le risque de syndrome d’augmentation, l’idéal est de prescrire initialement le traitement par ligands alpha 2 delta et de retarder la prise de dopaminergiques, même si les antiépileptiques sont moins efficaces contre les mouvements périodiques des membres, a indiqué le médecin. De plus, il est préférable de ne pas prescrire d’emblée des agonistes dopaminergiques si les symptômes ne sont pas présents trois ou quatre fois par semaine.

En 2016, un consensus d’experts de l’International restless legs syndrome study group (IRLSSG) et de l’European restless legs syndrome study group

(EURLSSG) a proposé quatre questions à poser au patient pour identifier un syndrome d’augmentation [3]. Une réponse positive à l’une d’entre elles permet de suspecter la complication :

- Les symptômes apparaissent-ils plus tôt par rapport à la période qui a précédé le traitement médicamenteux ?

  • Les doses doivent-elles être augmentées ou est-il nécessaire d’avancer la prise du traitement pour contrôler les symptômes ?

  • L’intensité des symptômes a-t-elle augmentée depuis le début du traitement ?

  • Les symptômes ont-ils diffusé vers d’autres parties du corps (par exemple, les membres supérieurs) par rapport au début du traitement ?

Les opioïdes en cas d’échec

En cas de syndrome d’augmentation, le Dr García-Borreguero recommande de tenter d’augmenter le taux de fer au niveau cérébral en passant directement à une supplémentation par voie intraveineuse. Les facteurs aggravants sont également à éviter, comme la prise d’alcool, de tabac ou encore de produits excitants (caféine, théine…) et certains médicaments (antihistaminiques, neuroleptiques, antidépresseurs…).

« Le traitement par antagoniste dopaminergique doit être adapté en optant pour des molécules à demi-vie longue, puis les doses sont réduites progressivement ». Le traitement peut être alors associé aux ligands alpha 2 delta, qui peuvent également prendre le relais. Cette adaptation du traitement « permet de réduire progressivement les symptômes ». En cas d’échec, il est recommandé de passer aux opioïdes à faible dose (oxycodone).

Le suivi s’appuie sur une évaluation tous les six mois du taux de fer dans le cerveau par échographie transcrânienne. « Si la supplémentation en fer par voie intraveineuse a permis d’obtenir une réponse, même partielle, le traitement peut être répété jusqu’à l’amélioration des symptômes », a précisé le médecin espagnol.

 
Si la supplémentation en fer par voie intraveineuse a permis d’obtenir une réponse, même partielle, le traitement peut être répété jusqu’à l’amélioration des symptômes. Dr García-Borreguero
 

 

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