POINT DE VUE

Neurologie en 2022 : des avancées importantes

Dr Michel Dib

Auteurs et déclarations

23 décembre 2022

Paris, France— Dans ce bilan de fin d’année, le Dr Michel Dib, neurologue en libéral et à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris revient sur les nouvelles thérapeutiques en neurologie que ce soit dans la maladie d’Alzheimer, la SLA, la SEP ou le trouble du spectre de la neuromyélite optique.

Alzheimer : un nouvel anti-amyloïde porteur d’espoir

Enfin une bonne nouvelle dans la maladie d’Alzheimer ? Le lecanemab (Eisai et Biogen), un anticorps qui cible les plaques amyloïdes β (Aβ), est associé à une certaine efficacité dans cette maladie neurodégénérative incurable, d’après l’essai Clarity AD publié le 29 novembre dans la prestigieuse revue New England Journal of Medicine .

 
C’est une bonne nouvelle qui renforce ce que nous pensons de la physiopathologie de la maladie depuis plus de 30 ans. Dr Dib
 

L’étude multicentrique, présentée en fin d’année lors de la 15e conférence sur les essais cliniques sur la maladie d'Alzheimer (CTAD),  a montré une réduction de 27% du déclin cognitif avec le lecanumab versus placebo chez 1795 patients atteints de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce sur l’échelle CDR-SB (échelle cognitive et fonctionnelle globale). L’étude a également rapporté des résultats hautement significatifs pour les critères secondaires.

 Le profil de tolérance reste toutefois une préoccupation. Les événements indésirables (EI) étaient fréquents par rapport au placebo, notamment les œdèmes et les épanchements liés à l'amyloïde. En outre, un rapport a établi un lien entre un décès et le médicament.

« Le feuilleton des substances anti-amyloïdes continue avec un nouvel anticorps qui a l’air d’avoir un meilleur rapport bénéfice-risque, des résultats positifs chez 1 795 patients avec une réduction de 27 % du déclin cognitif. Les gros problèmes associés à ces produits anti-substances amyloïdes est qu’un effet statistiquement significatif ne signifie pas toujours un effet cliniquement significatif. Or, aujourd’hui les agences du médicament, notamment en Europe ne se satisfont pas uniquement de l’effet statistiquement significatif. La nouveauté ici est l’efficacité de cette molécule. C’est une bonne nouvelle qui renforce ce que nous pensons de la physiopathologie de la maladie depuis plus de 30 ans. Les problèmes de tolérance de cette classe thérapeutique ne sont pas une surprise. Ils ont déjà conduit à l’arrêt de développement d’un candidat médicament il y a une vingtaine d’années. Depuis ces dernières années, le rapport bénéfice-risque de ces anticorps s’améliore », a commenté le Dr Michel Dib pour Medscape édition Française.

De son côté, France Alzheimer s’est « réjoui de cette nouvelle ». « Même si le traitement cible les personnes en début de maladie, cela reste un pas en avant pour lutter contre le déclin cognitif et la perte d’autonomie des personnes aux stades les plus précoces de la maladie d’Alzheimer», a commenté l’association.

Eisen et Biogen ont déposé un dossier d’AMM auprès de la Food and Drug Administration (FDA) pour une autorisation accélérée de mise sur le marché américain et leur demande a été acceptée et va bénéficier d’une évaluation prioritaire. La décision de la FDA est attendue pour mars 2023.

La précédente molécule développée par Eisai et Biogen, l’aducanumab, avait reçu une autorisation de mise sur le marché américain en 2021 mais elle s’est vu opposer un refus pour le territoire européen par l’Agence européenne des médicaments (EMA).

A noter qu’un autre traitement anti-amyloïde, le gantenerumab, a lui montré des résultats décevants cette année. Si la molécule a été bien tolérée, elle n'a pas induit de ralentissement du déclin clinique dans les essais de phase 3 Graduate I et II (critère primaire d’évaluation).

« L’énigme qui reste à résoudre pour les années qui viennent est pourquoi certaines de ces molécules, qui ont des mécanismes similaires, sont efficaces et d’autres pas », conclut le Dr Dib.

 
Les gros problèmes associés à ces produits anti-substances amyloïdes est qu’un effet statistiquement significatif ne signifie pas toujours un effet cliniquement significatif Dr Dib
 

SLA : la FDA approuve un médicament suite à une phase II

Après avoir rendu un avis négatif en mars 2022, la Food and Drug Administration américaine a approuvé en septembre le médicament Relyvrio® d’Amylyx pour ralentir la progression de la SLA, sclérose latérale amyotrophique, aussi appelée maladie de Charcot.

Le produit est une combinaison de composés génériques, le phénylbutyrate de sodium et le taurursodiol, qui agissent de concert pour protéger les cellules nerveuses du cerveau et de la moelle épinière.

 « L’étude d’efficacité en double aveugle a porté sur 9 mois. Elle a montré un effet significatif sur la LSFRS qui est une échelle fonctionnelle. Mais, une analyse post-hoc sur la phase ouverte du produit qui a duré 18 mois a conclu à une amélioration de la survie », précise le Dr Dib pour Medscape.

La décision de la FDA divise la communauté scientifique, de nombreux spécialistes jugeant celle-ci prématurée en l’absence de données de phase 3, mais suscite un nouvel espoir chez les patients. 

Le Relyvrio® est le troisième médicament contre la SLA à être approuvé par la FDA, après l’edaravone (Radicava/Radicut®) de la firme japonaise Mitsubishi Tanabe et le médicament générique Riluzole.

« La forme IV d’edaravone est autorisée aux Etats-Unis depuis 4 ans mais pas en Europe en raison d’une efficacité jugée trop faible et d’une absence d’effet sur la survie dans les études. En mai, la FDA a également approuvé une forme orale. En France, la forme injectable est disponible en ATU mais très peu utilisée », a précisé le Dr Dib.

Enfin, difficile d'aborder le sujet de la SLA sans parler du BIIB067 (Tofersen, Biogen), un oligonucléotide antisens (ASO) de 2° génération, qui a montré des résultats intéressants dans la SLA d’origine génétique avec mutation du gène SOD1.

« Des discussions sont en cours pour obtenir un accès anticipé (ATU) à ce produit issu du génie génétique », indique le Dr Dib.

SEP : un arsenal thérapeutique qui s’enrichit

« Dans la SEP, une avancée notable est que les produits de haute efficacité sont plus souvent préconisés d’emblée pour freiner la maladie. C’est un vrai changement dans les pratiques. Cette stratégie d’induction est associée à un meilleur pronostic, comme il l’a été rappelé à l’ECTRIMS 2022 », souligne le Dr Dib qui rappelle qu’une étude comparative entre la Suède et le Danemark a confirmé l’intérêt de cette stratégie.

Au Danemark, 7,6% des patients atteints d'une SEP reçoivent un traitement plus actif dès le départ, alors qu'en Suède ce pourcentage grimpe à 34,5%. Or, les patients traités en Suède ont une probabilité 29% plus faible de progression du handicap (= 0,004) et 22% en moins d'arrêt des DMT (P < 0,001).

« En France, compte tenu des nombreuses données issues d’essais cliniques, cette stratégie d’induction commence à être de plus en plus utilisée chez les patients à haut risque », souligne le Dr Dib.

« Autre bonne nouvelle ; il y a énormément de produits qui arrivent dans la SEP. On peut citer notamment les inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton (BTK) (tolébrutinib…) et les modulateurs puissants des récepteurs à la sphingosine 1-phosphate (S1P) », s’enthousiasme le neurologue.

 
Il y a énormément de produits qui arrivent dans la SEP
 

Depuis cette année, les spécialistes français disposent d’un nouvel immunosuppresseur appartenant à la classe des modulateurs des récepteurs de la sphingosine 1-phosphate, le ponésimod (Ponvory® comprimé pelliculé, Janssen), indiqué dans le traitement des patients adultes atteints de formes actives de sclérose en plaques récurrente (SEP-R) définies par des paramètres cliniques ou d'imagerie.

« Il s’ajoute à l’anti-CD20 ofatumumab (Kesimpta®, Novartis Pharma) disponible depuis fin 2021 et dont l’utilisation s’est envolée en raison de sa haute efficacité », commente le Dr Dib.

La supériorité du ponésimod a été démontrée versus le tériflunomide en termes de réduction du taux annualisé de poussées à 108 semaines (critère de jugement principal) dans l'étude de phase III, randomisée, en double aveugle OPTIMUM

Concernant les inhibiteurs de BTK, début août, la FDA a, en revanche, décidé de suspendre provisoirement les études de phase III consacrées au tolébrutinib (Sanofi) en raison d’un signal de sécurité concernant des lésions hépatiques identifiées suite à l'exposition au tolebrutinib dans les études de phase 3. Cette suspension concerne les études HERCULES dans les formes secondairement progressives de SEP, Perseus dans la sclérose en plaques primaire progressive et Ursa dans la myasthénie grave.

 

Voir les produits en développement dans la SEP ici.

Deux nouveaux traitements dans la myasthénie auto-immune généralisée

« Des nouveaux produits ont encore enrichi considérablement l’arsenal thérapeutique dans la myasthénie. Après des années d’une utilisation large de traitements par immunosuppresseurs per os donnés hors AMM, sans études spécifiques, puis de l’utilisation du rituximab hors AMM, et celle d’un produit approuvé mais pas remboursé dans la myasthénie (absence de demande), l’inhibiteur du complément C5 éculizumab (Soliris®, Alexion Pharma), nous avons assisté cette année à l’arrivée de deux nouveaux produits qui sont actuellement dans un protocole d’utilisation thérapeutique, une pre-commercialisation. Ils vont enrichir l’arsenal thérapeutique de cette maladie. Le premier arrivé le ravulizumab (Ultomiris®, Alexion Pharma) a été suivi en août par l’efgartigimod alfa (Vuvgart®, CCD) trois mois plus tard », commente le Dr Dib.

Ces traitements sont indiqués en association au traitement standard chez les patients adultes atteints de myasthénie auto-immune généralisée présentant des anticorps anti-récepteurs de l’acétylcholine (aRach) restant symptomatiques, et qui sont non-répondeurs, non éligibles ou intolérants aux alternatives actuellement disponibles.

 

Le ravulizumab est un anticorps monoclonal de type IgG2/4k inhibiteur de la fraction C5 du complément.


L’efgartigimod alfa est un fragment d’anticorps dirigé contre les récepteurs néonataux Fc ou FcRn, responsables du recyclage physiologique des immunoglobulines G (IgG). En bloquant le récepteur FcRn, l’efgartigimod alfa peut réduire les taux d’IgG de manière spécifique en favorisant leur élimination, y compris les auto-anticorps pathogènes en cause dans la myasthénie auto-immune.

Du nouveau dans le trouble du spectre de la neuromyélite optique

« Le trouble du spectre de la neuromyélite optique (NMOSD), une maladie rare et qui est parfois confondue avec la SEP, a vu arriver un nouveau traitement alors que pendant longtemps, des immunosuppresseurs anciens sans études spécifiques ont été utilisés. Le Soliris®, approuvé depuis 2020, était jusque-là le seul traitement qui possédait une AMM spécifique dans la NMOSD. Mais, cette année, la France a autorisé un nouveau produit, une alternative, le satralizumab (Enspryng®, Roche) inhibiteur d’IL6 », souligne le Dr Dib.

La molécule a reçu un avis favorable au remboursement en monothérapie ou en association avec un traitement immunosuppresseur (TIS) dans le traitement des troubles du spectre de la neuromyélite optique (NMOSD), uniquement chez les patients adultes et les adolescents à partir de 12 ans, séropositifs pour les IgG anti-aquaporine-4 (AQP4 IgG), et qui sont atteints de la forme récurrente de la maladie et en échec des traitements de fond immunosuppresseurs (rituximab, azathioprine, mycophénolate mofétil).

Migraine : les anti CGRP toujours pas remboursés

« Dans la migraine, les anticorps monoclonaux anti CGRP entrent dans leur deuxième année d’utilisation en France. Aujourd’hui, plusieurs milliers de patients sont traités et l’efficacité est importante notamment chez les patients résistants jusque-là à tous traitements », souligne le Dr Dib.

Reste le problème de leur absence de remboursement. Deux produits sont sur le marché actuellement, le fremanezumab (Ajovy®, Teva Santé) et le galcanézumab (Emgality®, Lilly) qui sont disponibles en pharmacie de ville. Aucun des deux n’est remboursé.

L’erenumab (Aimovig®, Novartis) (AMM européenne obtenue en 2018) n’est pas disponible en France.

Un 4ème, l’eptinezumab par voie intraveineuse (Vyepti®, Lundbeck ) a obtenu un avis favorable au remboursement de la HAS le 9 novembre 2022 uniquement en traitement préventif de la migraine chez les patients atteints de migraine sévère avec au moins 8 jours de migraine par mois, en échec à au moins deux traitements prophylactiques et sans atteinte cardiovasculaire (patients ayant eu un infarctus du myocarde, AVC, AIT, angor instable ou pontage coronarien) (ASMR 5). Il a obtenu un avis défavorable au remboursement dans les autres situations de l’AMM.

« Il sera disponible uniquement à l’hôpital selon des modalités non-encore complètement définies », précise le neurologue.

Toujours dans la migraine, mais cette fois en lien avec le Covid, le Dr Dib ajoute : « on observe que certains patients peuvent devenir d’authentiques migraineux après un Covid ou que le Covid peut accentuer les crises de migraine chez les migraineux. Cela ressemble beaucoup à ce que l’on peut observer après un traumatisme crânien ».

 

La Haute Autorité de Santé a mis à jour sa fiche sur les symptômes neurologiques prolongés du Covid-19 en mars 2022. A consulter ici.

 

Propos recueillis par Aude Lecrubier.

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....