Paris, France -- Tandis que les sage-femmes et les kinésithérapeutes ont signé des avenants leur apportant quelques hausses de tarifs, les médecins libéraux poursuivent leurs négociations avec l’Assurance-maladie dans l’optique de conclure la convention qui sera en vigueur les cinq prochaines années.
Après une première séance écourtée le 9 novembre par les syndicats en attente de gages sur les revalorisations, et dans un climat tendu par les grèves de médecins, les échanges ont repris en plénière, jeudi 15 décembre. Les discussions se sont tenues dans un « bon climat » assure le directeur de la Cnam Thomas Fatôme, qui a salué « l’intensité des échanges » et la « qualité de l’écoute ».
L’Assurance maladie n’a toujours pas dévoilé l’enveloppe financière qu’elle consacrera à cette convention mais elle a précisé lors de cette réunion de 3 heures les grands axes d’un futur accord mais aussi quelques pistes sur l’évolution des tarifs.
Trois niveaux de tarifs, l’expertise valorisée
Thomas Fatôme a récemment écrit aux médecins libéraux pour leur signifier que l’Assurance maladie était « prête à revaloriser les tarifs des actes. […] Votre action diagnostique et clinique, plus longue pour certains patients, doit être valorisée à sa juste valeur », affirmait-il.
Le directeur de la Cnam a eu l’occasion de préciser sa pensée lors de la dernière séance. Il a réaffirmé son intention de rehausser les tarifs de la médecine générale et de quelques spécialités cliniques au bas de l’échelle des revenus (psychiatrie et pédiatrie).
Il est allé plus loin jeudi dernier en précisant sa volonté de simplifier la nomenclature avec une hiérarchie en trois niveaux de tarif valorisant les actes requérant de l’expertise.
La dernière convention avait vu la naissance aux côtés de la consultation de base (25 euros), des actes complexes (46 euros porté à 50 euros le 1er juin 2018) et très complexes (60 euros) dont la liste est aujourd’hui restreinte. Cette orientation serait donc accentuée en précisant ces trois nouveaux niveaux de consultation « sur la base de critères objectivables (âge du patient, ALD…) et quantifiables (nombre d’actes possibles par an) ». La Caisse se dit prête à réduire le nombre de codes et de regrouper certains codes et majorations au sein d’une seule lettre-clé.
Un forfait patientèle bonifié pour les nouveaux installés ?
Autre nouveauté : elle propose de valoriser de 30 % le forfait patientèle médecin traitant (FPMT) pour tous les médecins qui s'installent et ceux exerçant en zone d'intervention prioritaire (ZIP).
Cette majoration concernerait aussi pendant trois ans les médecins traitants nouvellement installés en libéral, si l’installation a lieu dans les trois années après l’obtention de leur diplôme. Aujourd'hui, le forfait du médecin traitant représente en moyenne 16 000 euros par an.
Très critique sur l’évolution de l’offre de soin qui voit émerger des groupes privés proposant de la téléconsultation ou des centres de soins non programmés ; la Cnam entend donner un coup de pouce au médecin traitant afin d’éviter son contournement.
« Le premier objectif stratégique est que cette convention redonne le réflexe aux patients de consulter leur médecin traitant, analyse Thomas Fatôme. Le système de soins non programmés doit devenir subsidiaire au dispositif du médecin traitant. »
La téléconsultation a moins la cote
Parmi les pistes de réflexion, l’Assurance maladie planche sur une « valorisation différenciée en fonction des spécialités et du statut de médecin traitant » mais aussi la création d’un « niveau adhoc pour les téléconsultations » dont le tarif pourrait devenir moindre qu’une consultation physique.
La Cnam envisage par ailleurs de rémunérer davantage une téléconsultation si elle est assistée par un professionnel paramédical.
La sortie du seuil maximal de 20% de téléconsultations est à l’étude, a confié le directeur général de l’Assurance maladie, à l’issue de la séance avec les syndicats.
La rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) serait quant à elle ouverte à davantage de spécialités et « recentrée » sur la santé publique et la prévention autour d’une quinzaine d’indicateurs maximum qui évolueraient plus fréquemment.
Pour clore le chapitre tarifaire, le médecin traitant devrait pouvoir continuer à bénéficier du forfait de 100 euros de l’heure s’il participe à la régulation du service d’accès aux soins (SAS) et de la majoration de 15 euros s’il prend en charge dans les 48 heures des patients hors de sa patientèle pour des soins non programmés.
Les fondements d’un engagement territorial
Lors de cette séance, la Cnam a rappelé les grandes priorités détaillées dans la feuille de route du ministre de la Santé.
Elle a l’intention d’aider les médecins à recruter 10 000 assistants à l’horizon 2025 pour leur permettre de prendre en charge 10% de patients supplémentaires (grâce à un contrat simplifié et assoupli dont les modalités et les contreparties restent à définir).
Elle a posé les bases d’un engagement territorial des médecins, qui verraient les praticiens s’organiser pour apporter une réponse aux demandes de soins des patients qui ne font pas partie de leur patientèle (en participant à la permanence des soins et au SAS, et peut-être en adhérant à une communauté professionnelle territoriale de santé, ou dans le cadre de consultations avancées).
La simplification administrative, enfin ?
Afin de simplifier la vie des médecins, la Cnam a l’ambition de faciliter le renouvellement des protocoles ALD, le traitement des rejets et signalements de factures, en allégeant les pièces demandées pour l’envoi des flux dégradés et pour le paiement des forfaits, ou encore en limitant les certificats inutiles (comme certains certificats de non-contre-indication à la pratique sportive).
Une mission flash a d’ailleurs été confiée à un binôme constitué d’un médecin (le Dr Jacques Franzoni, généraliste) et de l’ex-directeur de la CPAM de Paris (Pierre Albertini) pour rendre début février des propositions d’amélioration.
Plus d’avancées espérées avec moins de séances
Concernant la suite des négociations, la Cnam a présenté un nouveau calendrier de travail. Sans doute échaudée par la tournure de la première séance et la difficulté de négocier simultanément avec six syndicats (CSMF, MG-France, FMF, SML, UFML, Avenir-Spé Le Bloc) en présence d’organisations d’étudiants et d’internes, la Caisse a complètement revu l’agenda des réunions.
Alors que 11 séances plénières étaient prévues dans le calendrier initial, l’Assurance maladie mise dorénavant sur les réunions bilatérales (trois nouvelles sont annoncées au total avec chaque organisation) pour achever le cycle de concertation par une – et sans doute plusieurs – séance(s) multilatérale(s) fin février.
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) salue « la volonté d’aller vers un choc de simplification et un choc d’attractivité du métier de médecin libéral » avec une hiérarchisation des consultations en fonction de leur expertise et de leur complexité.
Pour autant, déçu qu’aucun chiffre n’ait été avancé au sujet des tarifs, le syndicat appelle les médecins libéraux à la grève le samedi matin, après avoir soutenu la fermeture des cabinets 1er et 2 décembre derniers.
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Citer cet article: Les pistes de la Cnam pour faire évoluer les tarifs des médecins libéraux - Medscape - 22 déc 2022.
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