POINT DE VUE

2022 en infectiologie : la sélection du Pr Pialoux

Pr Gilles Pialoux

Auteurs et déclarations

22 décembre 2022

Transcription

France __ Bonjour. Gilles Pialoux, je suis professeur de maladies infectieuses à l’hôpital Tenon, à l’APHP et à Sorbonne Université. Je suis ravi de vous retrouver pour ce best of que Medscape édition française m’a demandé de faire sur les maladies infectieuses. Alors, évidemment, c’est l’application de l’adage « choisir, c’est renoncer », donc ça sera un best of  très subjectif et rapide.

Les systèmes CRISPR-Cas contre les maladies infectieuses

On va commencer par du dur, une revue générale qui est sortie le premier décembre, toute récente, sur les systèmes CRISPR-Cas appliqués au diagnostic et au traitement des maladies infectieuses. Nous sommes dans la mouvance de l’application transgénomique, 16S, etc., pour les maladies infectieuses. C’est un nouveau système – comme vous le savez ou comme vous ne le savez pas, le système CRISPR et, notamment, CRISPR-Cas9 a été découvert chez les bactéries et a été très rapidement appliqué à ces petits fragments d’ADN répétés régulièrement sur le génome bactérien, a été utilisé, donc, pour remplacer les ciseaux moléculaires.

Il y a plusieurs applications qui sont montrées dans cette revue, tant au niveau diagnostique, qui est très large, de Ebola au Zika, en passant par les herpès virus et les papillomavirus, et aussi dans les aspects thérapeutiques.

Là, effectivement, le premier décembre est peut-être un clin d’œil, puisque c’est la journée mondiale du SIDA, avec beaucoup d’applications, notamment dans la perspective du « cure » du VIH.

Pertes de chance dans l’hépatite C

Une information moins réjouissante dans une revue en libre accès du JAMA – Network Open – concernant l’hépatite C a été publiée le 7 décembre. Les auteurs ont regardé aux États-Unis sur 138 348 personnes infectées par le VHC, les pertes de chance liées à la crise Covid, si je puis dire, ou celles qui n’avaient pas accédé au traitement parmi les 65 % qui étaient éligibles.

Ils montrent très clairement que la crise sanitaire a diminué de 60 % l’accès au dépistage et au traitement des hépatites C aux États-Unis.

Une situation accentuée dans certaines couches sociales et chez ceux qui ont une cirrhose ou un hépatocarcinome.

 
La crise sanitaire a diminué de 60 % l’accès au dépistage et au traitement des hépatites C aux États-Unis
 

L’urgence One health : une leçon du Covid

Une bonne nouvelle, en revanche, est la mise en perspective de l’aspect One Health. Le concept One Health est né au début des années 2000, puis, après, a été repris dans le sillage du SRAS. Il consiste à voir l’aspect global à la fois de la santé environnementale, de la santé animale et de la santé humaine, du fait, notamment, que 65 % des maladies émergentes sont des maladies infectieuses et, principalement, des zoonoses, et qu’on a vu, avec le Zika, avec Ebola, avec la mpox, qu’évidemment tout ça doit être pris globalement.

Un très bon article intitulé « After 2 years of the COVID-19 pandemic, translating One Health into action is urgent » est paru le 24 octobre dans The Lancet de signataires du Conseil scientifique du COVID, notamment, Bruno Lina et Jean François Delfraissy, sur comment tirer les leçons de la crise du COVID en termes d’implémentation de cet aspect One Health.

J’invite aussi les Medscapiens à consulter un avis précédent de feu le Conseil scientifique émis le 8 février 2022 précisément, sur une seule santé – santé humaine, animale, environnementale, les leçons de la crise Covid, qui est extrêmement bien fait.

Vaccination anti-COVID : 19 millions de décès évités

Concernant le COVID, deux informations. L’une, positive, est un papier du Lancet du 23 juin sur la modélisation de la vaccination dans un modèle mathématique appliqué à 185 pays entre le 8 décembre 2020 et le 8 décembre 2021. Il estime – et là, il n’y a pas photo – que la vaccination a permis d’éviter 19 000 000 de décès, avec un intervalle de confiance entre 19 et 20, donc assez resserré. C’est un très beau papier de modélisation.

 
La vaccination a permis d’éviter 19 000 000 de décès, avec un intervalle de confiance entre 19 et 20, donc assez resserré
 

Baisse de l’espérance de vie en Europe

Plus récent et un peu plus, je dirais, négatif, c’est le bilan de l’OCDE « Panorama de la santé Europe 2022 » , qui porte sur l’impact global du COVID en termes, notamment, d’espérance de vie, qui a reculé en 2021 par rapport au niveau d’avant la pandémie.

C’’est la plus forte baisse observée dans la plupart des pays de l’Union européenne depuis la Seconde Guerre mondiale, et, évidemment, elle affecte différemment certains pays. La France n’est pas la plus touchée, malgré 171 000 morts et un recul de l’espérance de vie de 0,5, alors que d’autres pays, comme par exemple, la Bulgarie, la Slovaquie ou la Roumanie sont au-dessus de trois ans de recul, de la durée de vie.

Bien sûr, il n’y a pas que la survie et la durée de vie, il y a aussi l’impact sur la santé des jeunes, et ce rapport remet une couche sur l’impact sur les 18-24 ans de la crise sanitaire en termes de dépression, avec un niveau deux fois plus élevé en moyenne européenne qu’avant la pandémie.

Le cas de la Mpox

Alors, on ne peut pas faire un best of de maladies infectieuses sans, évidemment, parler de la variole du singe, du monkey pox (mpox), avec deux éléments.

Le premier élément, c’est le papier du New England Journal of Medicine du 21 juillet – papier européen avec plusieurs signataires français – qui est vraiment le papier qui a scellé la description clinique de cette maladie qui n’a rien à voir, finalement, avec ce qu’on nous avait raconté des épidémies d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest et, même, de l’épidémie américaine de 2003, liée à des importations d’animaux venant d’Asie.  Ce papier du New England du 21 juillet a porté sur 528 infections observées entre le 27 avril et le 24 juin.

Je vous invite aussi à aller sur le CDC et sur Santé publique France pour voir une incroyable courbe en cloche que l’on explique par différents éléments, notamment par la réduction des prises de risques, la fin des réunions de festivités gaies de l’été et surtout – surtout – par l’acceptabilité de la vaccination.

Se pose aujourd’hui la question, en décembre 2022, de l’existence possible du monkey pox durable sur lequel nous travaillons. Un élément moins positif montre que, finalement, il faut être extrêmement prudent dans ces maladies émergentes, toujours sur la variole du singe.

Le dernier update du CDC (17 novembre) concernant la thérapeutique du monkey pox montre très clairement qu’ils ont observé l’apparition de mutations de résistance aux técovirimat sur à peu près 4 000 souches analysées dans le monde entier et qu’ils ont trouvé, effectivement, plus d’une dizaine de souches résistantes, avec un impact clinique de cette résistance et une difficulté à utiliser des médicaments de deuxième ligne comme le cidofovir ou comme le brincidofovir.

 
Plus d’une dizaine de souches résistantes, avec un impact clinique de cette résistance.
 

Donc le message majeur, c’est que si vous voulez faire de l’infectiologie, maintenant, il y a une porte ouverte avec toutes ces maladies émergentes, et qu’il va falloir effectivement avoir une approche One Health à partir de 2023. Je vous remercie.

A bientôt sur Medscape.

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