Hypersudation : quels traitements ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

21 décembre 2022

Paris, France – L’hyperhidrose ou hypersudation a un retentissement sévère sur le quotidien, le travail, les interactions sociales. Elle est souvent associée à une faible estime de soi, de l’anxiété et de la dépression.

« Elle peut influer [entre autres] sur le choix des vêtements, la prise d’aliments épicés. Elle peut rendre difficile le port de certains objets comme les livres, un téléphone, tourner les boutons des portes. Elle entraine un inconfort au contact physique. Sur le plan professionnel, elle diminue l’efficacité au travail et mène à des choix de métiers non-sources de sudation », a souligné le Dr. Smail Hadj-Rabia, dermatologue à l’hôpital Necker au cours des Journées Dermatologiques de Paris (JDP 2022)[1].

Qu’entend-on par hyperhidrose ? Quels sont les traitements disponibles ? Le point.

Hyperhidroses primaires et secondaires

« Les critères diagnostiques de l’hyperhidrose primaire sont une sudation excessive qui est visible, focale, depuis au moins 6 mois sans cause identifiée avec au moins deux des caractéristiques suivantes : un caractère bilatéral et symétrique ; un retentissement sur les activités, au moins un épisode hebdomadaire ; un âge de début inférieur à 25 ans ; une notion d’antécédents familiaux et une absence d’épisode pendant le sommeil », a rappelé l’intervenant.

Mais, l’hyperhidrose peut aussi être secondaire, soit la manifestation d’une maladie sous-jacente (neurologique, tumorale, endocrinienne, cardiologique…) soit la conséquence d’un médicament (inhibiteurs de la cholinestérase, antidiabétiques, antidépresseurs, antipyrétiques, antipsychotiques, opioïdes…) ou d’une procédure.

Quelles sont les possibilités de traitement ?

« D’abord, il faut éviter les facteurs déclenchants comme les aliments épicés, l’alcool, les situations émotionnelles gênantes, les vêtements serrés et synthétiques », a indiqué l’orateur.

Mais, au-delà de la prévention, les premières propositions thérapeutiques sont les antitranspirants à base de sels d’aluminium. Leur efficacité est supérieure dans l’hyperhidrose axillaire. Leurs effets secondaires sont des effets irritants dans 30% des cas lorsqu’ils sont appliqués sur peau humide « ce qui conduit à des arrêts de traitement », souligne le Dr Hadj-Rabia. A noter que le lien entre les sels d’aluminium et le cancer du sein ou la maladie d’Alzheimer est débattu mais non prouvé, précise-t-il.

En cas d’échec des antitranspirants, des médicaments peuvent  stopper la transpiration excessive mais ils ne la bloquent que partiellement et sont associés à des effets secondaires comme la sécheresse des muqueuses.

L’un de ces médicaments, efficace sur la diminution de la quantité de sueur et la qualité de vie, est le glycopyrolate topique. Il est approuvé pour le traitement de l’hyperhidrose axillaire depuis 2018 à partir de 9 ans. Il s’agit d’une solution aqueuse à 2%-3,75% applicable par des lingettes à usage quotidien unique. Les contre-indications sont le glaucome, l’iléus, la myasthénie et la colite ulcéreuse. Les effets secondaires sont la bouche sèche, la mydriase, les réactions cutanées locales mais aussi la vision floue, la sécheresse oculaire, la constipation et la rétention urinaire.

Autre solution, l’oxybutinine topique qui réduit la transpiration à court terme chez la plupart des patients en bloquant l’effet de l’acétylcholine sur les récepteurs muscariniques. Il s’agit d’une préparation topique à base d’un produit utilisé contre l’hyperactivité vésicale. Il est utilisé en gel ou en patch transdermique à 3-10 % une ou deux fois par jour pour l’hyperhidrose axillaire ou palmo-plantaire mais il peut aussi être utilisé per os. Les effets secondaires sont la vision floue, la xérostomie modérée et la constipation.

Enfin, la méthanamine topique en déodorant ou gel réduit significativement la transpiration, « mieux que l’iontophorèse », souligne l’intervenant. Les effets secondaires sont les squames et la pigmentation.

Si aucun des traitements précédant n’a fonctionné, il existe des traitements anticholinergiques oraux (amines tertiaires, amoniums quaternaires) qui bloquent les effets de l’acétylcholine sur les récepteurs muscariniques et agissent aussi sur les récepteurs des nerfs mais ils n’ont pas d’indication officielle dans l’hyperhidrose.

Bien connues, les injections de toxine botulique sont aussi utilisées pour l’hyperhidrose axillaire, palmaire ou plantaire. Elles bloquent réversiblement la libération d’acétylcholine. Le Botox® est la seule molécule autorisée pour l’hyperhidrose axillaire. Avant toute utilisation, il est nécessaire de déterminer la zone précise par Mino’s tes iode-amidon. Les résultats sont significatifs avec une amélioration notée dans 80 à 90% des cas. Elle commence 3 jours après l’injection. Elle se maintient pendant 6 à 9 mois. La répétition du traitement prolonge l’effet.

La complication la plus courante est la douleur au site d’injection, un inconfort ou une irritation. « C’est très douloureux », souligne le Dr Hadj-Rabia. Les troubles visuels, la faiblesse, la dysphagie sont rares et transitoires. Une transpiration compensatoire est observée dans 11 % des cas.

Les contre-indications sont les troubles de la jonction neuromusculaire, les maladies dégénératives des motoneurones, la grossesse et la lactation. Cette technique reste chère même si elle est remboursée par la sécurité sociale.

Iontophorèse, thermolyse micro-ondes, radiofréquence fractionnée

En dehors des médicaments, un certain nombre de rechniques peuvent être utilisées. La plus connue est l’iontophorèse qui est surtout appliquée dans l’hyperhidrose palmoplantaire. Les mains ou les pieds sont plongés dans une bassine d’eau où l’on fait passer un courant électrique de 15-20 milliampères pendant 15 minutes pour re-polariser les glandes sébacées. Cette technique est contraignante : il faut compter 3-4 séances par semaine sur 2 à 5 semaines puis une session toutes les 1 à 2 semaines. Elle induit jusqu’à 80% de réduction de la transpiration en inhibant la transmission nerveuse sympathique. Aussi, un dépôt d’ions obstrue les glandes sudorales. Elle peut entraîner une gêne, un érythème et une vésiculation. Les contre-indications sont la grossesse, les implants métalliques, les troubles cardiaques et l’épilepsie.

Une autre solution, cette fois définitive, est la thermolyse micro-ondes qui délivre une énergie électromagnétique qui détruit les glandes sudorales. Un à trois séances d’une heure sont nécessaires à trois mois d’intervalle pour une réduction moyenne de la transpiration de 82 % chez 90% des patients. Dans 50 % à 83 % des cas, la réduction des la transpiration persiste après 7 à 12 mois. Cette technique présente l’inconvénient d’être parfois associée à un gonflement des aisselles, des rougeurs, une sensibilité pendant plusieurs jours, un engourdissement et des fourmillements jusqu’à 5 semaines.

Un autre dispositif, plus récent, consiste à délivrer, sous anesthésie, une énergie radiofréquence bipolaire de manière fractionnée entre des microaiguilles insérées dans l’hypoderme. La chaleur provoquée détruit les glandes sudorales. Une étude sur 25 patients a montré que 3 séances de 1 Mhz à 3 semaines d’intervalle induisait une satisfaction de 50 % chez 80 % des patients. 41% n’ont pas rechuté. Les effets secondaires étaient des érythèmes, des gonflements, des douleurs et des saignements ponctuels. Une paresthésie et une neuropathie qui se sont résolues en 2 mois ont été rapportées chez un patient.  « Cette technique est un peu chère et une étude comparative a montré que le botox était plus efficace », souligne l’intervenant.

Enfin, si l’ensemble des ces médicaments et techniques ne fonctionnent pas, reste le traitement chirurgical, conclut le Dr Hadj-Rabia.

 

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