Paris, France — Une session des Journées Dermatologiques de Paris [1] a permis de faire le point sur les indications émergentes des anti-JAK.
La première concerne la pelade , dans laquelle la plupart des voies impliquées dans la physiopathologie implique des JAK. Les premières données disponibles ont été obtenues avec le tofacitinib dans de petites séries d’alopecia areata, même dans des cas de pelade ancienne ou sévère. Le tofacitinib a permis de récupérer une chevelure quasi normale chez une part significative des patients traités.
Depuis des essais cliniques ont été conduits avec le beprocitinib (anti-JAK1/TYK2) et avec le ritelcitinib (anti-JAK3) : ils ont montré un score de la maladie à 24 semaines qui était satisfaisant, mais montrait aussi 60 % de rechute une fois le traitement arrêté. L’efficacité à la reprise du traitement apparaît inférieure à celle observée lors de son initiation.
L’étude de phase 3 ayant évalué le baricitinib et publiée cette année confirme l’efficacité précédemment décrite, et a permis l’enregistrement de la molécule par l’Agence Européenne de médicament. D’autres anti-JAK sont en cours de développement (STP-543, anti-JAK1/2).
Des formes topiques ont également été étudiées dans la pelade (tofacitinib ou ruxolitinib) : elles sont bien tolérées mais globalement moins efficaces que les formes orales, avec, comme ces dernières, une rechute à l’arrêt, plus rapide qu’avec les formes orales, et un taux de succès moins fréquent lorsque le traitement est repris.
La question de la gestion du traitement devra être résolue, l’idée d’un traitement chronique reste débattue étant donné la tolérance et le coût de ces molécules, et l’option d’un traitement on/off se heurte à la perte d’efficacité à l’arrêt. Les études en vraie vie seront précieuses pour aider à élucider ces différents éléments.
Dans le vitiligo , ce sont surtout les formes topiques qui ont été évaluées : récemment l’étude de phase 3 conduite avec le ruxolitinib topique permet une amélioration des lésions de 90 % chez environ 15 % des patients, et 50 % d’amélioration chez 50 % des patients. Ce résultat est satisfaisant dans un champ où les options thérapeutiques sont rares. Le médicament pourrait donc être enregistré prochainement par l’EMA.
D’autres maladies comme le lupus érythémateux systémique, la dermatomyosite, la granulomatose, la sarcoïdose cutanée active, la GVH cutanée, l’hidradénite suppurée, et d’autres atteintes cutanées dans lesquels les données sont très préliminaires (prurit, lichen plan, rosacée…) bénéficient également d’études préliminaires avec les anti-JAK, parfois très prometteuses. Le champ d’indication de cette classe thérapeutique en dermatologie devrait donc progresser dans les prochaines années.
Quels sont les risques de tolérance et les signaux de sécurité ?
Les quatre récepteurs JAK (1, 2, 3 et TYK2), qui fonctionnent en hétéro- ou homo-dimères, sont liés à différentes voies d’aval cellulaires. L’affinité des anti-JAK – pour l’un et/ou l’autre de ces récepteurs offre une activité qui est spécifique à chacun mais qui complique aussi le profil de tolérance et de risque associés à leur interaction avec leur récepteur.
Ainsi, pour exemple, un anti-JAK peut simultanément impliquer des voies pro- et antithrombotiques. La traduction clinique de cet antagonisme pourrait dépendre de facteurs propres au patient. Plus largement, il est encore difficile de dire si les effets indésirables (EI) sont différents selon la maladie traitée, mais on sait d’ores et déjà que ce sont les anti-JAK de première génération à spectre large qui posent le plus de difficultés. La vigilance dans l’utilisation de ces molécules impose de bien sélectionner les patients selon leurs profils et leurs facteurs de risque.
Certains des EI semblent spécifiques, liés à leur impact sur la signalisation cellulaire : le risque infectieux est le plus fréquent d’entre eux. Des infections bactériennes virales (herpès, zona) ou fongiques, généralement bénignes, mais parfois compliquées avec des mycoplasmes, constituent un risque, notamment avec les anti-JAK à spectre large. Ces EI justifient l’importance de la mise à jour des vaccinations, et suggèrent potentiellement des contre-indications en cas d’antécédent d’herpès sévère.
Les effets indésirables cardiovasculaires et thromboemboliques qui ont justifié la mise en garde des autorités sanitaires sont issus d’études sur le tofacitinib dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) et chez des patients qui avaient au moins un facteur de risque cardiovasculaire.
Concernant le risque tumoral, l’alerte principale concerne le risque de cancer bronchique non à petites cellules (notifié chez les hommes fumeurs qui ont 2,7 fois plus de risque sous tofacitinib vs anti-TNF dans la PR) et de lymphomes (HR 5,09, déjà observé avec le ruxolitinib).
Enfin, un signal suggère un surrisque de carcinome épidermoïde cutané avec le ruxolitinib dans le syndrome myélodysplasique. Le principe de précaution qui a mené à élargir les alertes à l’ensemble de la classe des anti-JAK sera précisé par de prochaines études. Il conduit d’ores et déjà à prendre davantage de précautions pour les patients âgés, fumeurs et ayant des facteurs de risque.
Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape
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Crédit de Une : Dreamstime
Citer cet article: Anti-JAK : panorama des prochaines indications dermatologiques - Medscape - 22 déc 2022.
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