Carcinome épidermoïde avancé : un traitement efficace mais non-remboursé

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

20 décembre 2022

Paris, France –Jusqu’à peu, le pronostic des carcinomes épidermoïdes avancés était sombre (56 % de survie à un an). L’arrivée de l’immunothérapie a changé la donne. Cependant, alors que l’anti-PD1 cemiplimab est le seul traitement vraiment efficace indiqué en Europe pour ce cancer de la peau avancé, il n’est toujours pas remboursé en France. Une situation déplorée par les experts, comme il l’a été rapporté lors des  Journées Dermatologiques de Paris (JDP 2022)[1].

Un changement de paradigme

Les carcinomes épidermoïdes localement avancés ou métastatiques étaient traditionnellement traités par des chimiothérapies, 5 fluoro-uracile, sels de platine, paclitaxel ou un anti EGFR (cétuximab). Ils peuvent à présent bénéficier de thérapies systémiques « qui ont transformé le pronostic de ces maladies », a commenté la Pre Gaëlle Quéreux-Baumgartner (chef du service de dermatologie, CHU Nantes) lors d’une conférence de presse en amont du congrès.

Alors que les chimiothérapies avaient une efficacité faible et généralement une toxicité importante « un réel problème pour la population âgée », l’arrivée de l’immunothérapie a révolutionné le pronostic des patients.

Des essais avec des anti-PD1 ont été menés depuis 10 ans avec de bons résultats [2,3,4,5]. Le cémiplimab entraine une réponse d’environ 50 %, quel que soit l’âge avec une toxicité acceptable.

En pratique, le traitement est prescrit jusqu’à disparition des lésions, soit souvent au moins un an, parfois plus. « Malheureusement, on ne sait pas identifier les patients qui vont répondre au traitement », a indiqué la Pre Quéreux-Baumgartner à Medscape édition française.

En Juillet 2019, le cemiplimab (Libtayo®, Sanofi) a reçu une indication européenne dans le « traitement des carcinomes épidermoïdes cutanés métastatiques ou localement avancés non-candidats à une chirurgie curative ou à une radiothérapie curative ». Cependant, en France, la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé a estimé à deux reprises (18/03/2020 puis 17/11/2021) que le service médical rendu était trop faible face à l’absence d’étude comparant le cemiplimab versus chimiothérapie (essais de phase 2).

« Le grand problème est que le cemiplimab en France n’est pas pris en charge contrairement à d’autres pays européens », a commenté le Pr Nicolas Dupin, dermatologue à l’hôpital Cochin et Président de la Société Française de Dermatologie (SFD).

« Mais ce n’est pas possible de faire une telle étude », a ajouté l’intervenante.

De tels essais sont compliqués à mener compte tenu de la supériorité de l’immunothérapie en termes d’efficacité et de tolérance par rapport à la chimiothérapie, a-t-elle précisé.

« Nous nous retrouvons dans une situation bancale avec un traitement très efficace qui ne peut pas être utilisé », insiste le Pr Dupin.

Sur le terrain, il semble que certains CHU attribuent une enveloppe annuelle pour cette indication ou que d’autres anti-PD1, qui n’ont pas l’indication dans le carcinome épidermoïde avancé, soient parfois utilisés.

La décision de mise en route de tels traitements est prise lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire avec l’oncodermatologue, le chirurgien, le radiothérapeute et parfois l’oncogériatre. Les patients et leurs proches ont également un rôle important dans la décision, a souligné l’oratrice.

Nouvelle demande auprès de la HAS

Une nouvelle demande de remboursement a été formulée par le laboratoire Sanofi auprès des autorités de santé avec de premières données en vie réelle obtenues auprès de 245 patients atteints de CECIa/m, traités avec le cemiplimab (58 centres français) confirmant les résultats des essais antérieurs[5].

Une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative a permis à ces patients, dont 24 % étaient immunodéprimés, d’accéder au cemiplimab hors protocole. Le taux de meilleure réponse était de 47 % et la survie globale à un an de 81 %. Des effets indésirables sont survenus chez 75 pts (31 %) ; les plus fréquents (>2,5 %) étaient l’asthénie, les diarrhées, la cholestase et le prurit ; 22 pts (9 %) ont présenté au moins un effet indésirable de grade 3–4. Un patient est décédé d’un syndrome de Lyell lié au traitement et 16 pts (7 %) ont arrêté le traitement du fait d’un effet indésirable.

La HAS se contentera-t-elle de ces nouvelles données en vie réelle alors qu’un essai de phase 3 semble complexe à mettre en œuvre  ? Affaire à suivre.

 

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