Le vitiligo, une maladie fréquente de mieux en mieux connue et traitée

Anne-Gaëlle Moulun

Auteurs et déclarations

22 décembre 2022

Lyon, France – De l’espoir dans le vitiligo. Si l’altération de la qualité de vie associée à cette pathologie dermatologique est conséquente, une prise en charge médicale précoce, basée sur les traitements locaux et/ou oraux associés à la photothérapie, peut soulager grandement les patients, contrairement à ce que pensent encore de trop nombreux médecins généralistes. Par ailleurs, de nouveaux traitements se profilent, comme le ruxolitimib, un inhibiteur de kinase qui a obtenu une AMM aux Etats-Unis cet été dans le vitiligo non segmentaire. Alors que les avancées dans le vitiligo ont fait l'objet d'une session dédiée lors des Journées Dermatologiques de Paris 2022, la Dr Cécile Lesort, dermatologue à l’hôpital Édouard Herriot à Lyon (69) a fait le point pour Medscape.

Une maladie auto-immune purement dermatologique

Le vitiligo est une maladie auto-immune chronique caractérisée par une dépigmentation (perte de couleur) de la peau affectant 0,5 à 1 % de la population. Aux États-Unis, plus de 1,5 million de personnes sont diagnostiquées avec le vitiligo. Le vitiligo peut survenir à tout âge, mais débute souvent avant 30 ans.

La maladie peut apparaître dans l’enfance ou à l’âge adulte, avec parfois un facteur déclenchant type stress physique (infection, traumatisme) ou psychique retrouvé à l’interrogatoire. Elle se caractérise par des lésions dépigmentées sur la peau, débutant volontiers sur les zones de frottements, qui peuvent s’étendre. Les atteintes cutanées peuvent également toucher les poils et les cheveux. L’ancien premier ministre Édouard Philippe par exemple, souffre d’un vitiligo de la barbe.

Sur le plan physiopathologique, il s’agit d’une maladie auto-immune d’origine polygénique. On en distingue deux formes : segmentaire (atteinte localisée ou unilatérale stable le plus souvent) ; et non-segmentaire (ou généralisée).

« Le vitiligo touche autant les hommes que les femmes. On retrouve parfois des antécédents de vitiligo ou d’autres maladies auto-immunes dans la famille », précise la Dr Cécile Lesort, dermatologue à l’hôpital Édouard Herriot à Lyon. Le risque lorsqu’on est atteint de transmettre un vitiligo à ses enfants est de l’ordre de 5 à 10 % En cas de vrais jumeaux dont l’un est atteint, le risque de développer la maladie pour le deuxième est d’environ 25 %.

« Le vitiligo est une maladie auto-immune purement dermatologique, mais qui peut être associée à d’autres maladies auto-immunes qu’il faut dépister, notamment des maladies de la thyroïde, ajoute-t-elle. Le vitiligo en lui-même n’est pas associé à un risque médicale particulier, mais reste une dermatose affichante extrêmement mal vécue par les patients et souvent responsable d’une souffrance psychique majeure.

Sur le plan clinique, les lésions sont le plus souvent asymptomatiques. Certains patients rapportent un prurit précédant parfois les poussées de la maladie.

Diagnostic permettant de détecter l’absence de pigments

Le diagnostic est clinique et repose notamment sur un examen en lumière de Wood (une lampe avec une lumière bleue), permettant de détecter des lésions achromiques (totalement dépourvues de pigments).

« En lumière de Wood, la peau sur les lésions est complètement dépigmentée (achromique) dans le cadre du vitiligo ; contrairement à d’autres dermatoses où les lésions sont seulement hypochromes », précise le Dr Lesort. Ceci permet d’écarter la plupart des diagnostics différentiels avec d’autres dermatoses responsables de lésions dépigmentées comme les eczématides achromiantes chez l’enfant (formes d’eczéma non inflammatoire fréquente chez les petits).

Elle insiste sur le fait que cette maladie est auto-immune et non psychosomatique. S’il est vrai que le stress peut être rapporté comme facteur déclenchant d’une poussée, il ne s’agit en aucune cas de l’origine de la dermatose.

« Encore trop de médecins disent aux patients que c’est une maladie psychosomatique, ce qui entraîne une errance médicale et un retard de prise en charge », déplore-t-elle. « J’ai développé une consultation vitiligo à l’hôpital Édouard Herriot à Lyon. J’y reçois certains patients avec un vitiligo depuis 30 ans, qui sont reconnaissants d’être juste écoutés. Leur dire que leur pathologie, source d’énormément de souffrances pour eux, est psychosomatique, a un côté très culpabilisant ».

Il est également important d’informer les patients que le vitiligo n’est pas associé à un sur-risque de cancer de la peau, ce qui est important car l’exposition solaire fait partie du traitement. « Les patients atteints de vitiligo font 3 fois moins de mélanomes que les autres. C’est important de le mentionner aux patients pour les rassurer et pour favoriser leur adhésion au traitement par photothérapie », souligne la dermatologue.

 
Leur dire que leur pathologie, source d’énormément de souffrances pour eux, est psychosomatique, a un côté très culpabilisant. Dr Cécile Lesort
 

L’exposition solaire, primordiale en traitement curatif et en prévention des récidives

Contrairement à certaines croyances, le fait de souffrir d’un vitiligo ne doit pas inciter les patients à se protéger du soleil car leur risque de cancer de la peau serait augmenté, a rappelé le Pr Thierry Passeron (chef du service de drematologie et vénérologie, CHU de Nice, chef équipe INSERM, C3M), lors d’une conférence de presse en amont des JDP 2022 . Les personnes concernées ont en réalité trois fois moins de mélanomes que les autres et moins de carcinomes de la peau. En revanche, ils peuvent souffrir de coup de soleil. A l’inverse, le soleil, les ultraviolets, sont indispensables à la bonne repigmentation de la peau, en particulier lorsqu’ils reçoivent des traitements.

La prise en charge thérapeutique du vitiligo a plusieurs objectifs :
- Stopper l’inflammation pour mettre un terme à l’évolution de la maladie : ceci est possible grâce à l’utilisation de traitements immunosuppresseurs locaux (en cas de maladie localisée : dermocorticoïdes ou tacrolimus topique) ou généraux (corticothérapie orale par mini-pulse). Plus le traitement est précoce, plus les chances de repigmenter sont grandes.

- Induire une repigmentation : cela est possible grâce à la photothérapie qui doit toujours être associée au traitement local ou oral. Celle-ci peut être réalisée par exposition solaire naturelle notamment l’été, en cabine de photothérapie chez un dermatologue ou encore par le biais de lampes UV que peuvent se procurer les patients à domicile. Certaines lampes ou laser Excimer peuvent également être utilisés.

- Prévenir les récidives : par la poursuite d’une photothérapie régulière notamment.

En complément de ces stratégies, des compléments alimentaires à base de superoxyde dismutase ont également montré un bénéfice sur la repigmentation, en association bien sûr avec les traitements cités précédemment.

Il est à noter que malgré son utilisation très fréquente et les réels bénéfices en termes de repigmentation, la prescription de tacrolimus topique dans le vitiligo est pour l’instant encore hors AMM et donc non prise en charge par la sécurité sociale.

Nouvelles perspectives thérapeutiques : les anti-JAK

Utilisés depuis maintenant plusieurs années dans le cadre d’autres maladies auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde, les inhibiteurs de JAK sont des immunosuppresseurs actuellement à l’étude dans le vitiligo avec des résultats très positifs (voir encadré). Leur utilisation par voie topique est générale représente une grande avancée dans la prise en charge du vitiligo. « Ces traitements sont pour l’instant disponibles uniquement dans le cadre d’études cliniques et n’ont pas encore d’AMM en France dans cette indication », ajoute le Dr Lesort.

« Traiter une maladie peu grave avec un traitement connu pour ses nombreux effets secondaires est délicat, car il y a une balance bénéfice-risque à peser avant de prescrire ce médicament », alerte la spécialiste. Pour l’instant, ces traitements n’ont pas d’AMM en France et ne sont donc pas remboursés.

Par ailleurs, « pour certains vitiligos stables, notamment les vitiligos segmentaires, il est possible d’effectuer des greffes mélanocytaires pour repigmenter certaines zones limitées. Les médecins prélèvent quelques cellules de la peau avec un kit, puis les cultivent et les transplantent. Mais on ne peut pas faire cela sur des corps entiers, il faut un vitiligo très localisé. De plus, seules certains centres le pratiquent en France », ajoute-t-elle.

Maladie chronique

« Le vitiligo est une maladie chronique. Il n’existe pas de traitement définitif et curatif, tient à souligner le Dr Lesort. L’objectif de la prise en charge reste néanmoins une rémission complète, même s’il existe un risque ultérieur de rechute.

La physiopathologie est de mieux en mieux connue, ce qui ouvre des perspectives thérapeutiques de plus en plus nombreuses pour les patients à l’avenir.

Il est en effet important de pouvoir donner de l’espoir à ces patients souvent en grande souffrance et parfois prêt à dépenser beaucoup d’argent pour soigner leur vitiligo, quitte à être victimes de propositions malhonnêtes de traitements « miracles », notamment vendus en ligne. « C’est aussi notre rôle de médecin de mettre en garde les patients contre ces dérives », souligne le Dr Lesort.

En France, l’association française du Vitiligo (AFV), regroupe des bénévoles et organise des groupes de paroles vers lesquels les médecins peuvent rediriger leurs patients, ce qui les aide beaucoup. « Nous travaillons beaucoup avec eux. Ils publient des informations sur les études en cours, les endroits où les patients peuvent participer à des essais thérapeutiques, etc. ». Ils peuvent également aider les patients à bénéficier d’un soutien psychologique souvent indispensable.

 

De nouveaux traitements en cours de développement
Le New England Journal of Medicine (NEJM) a publié le 20 octobre les données du programme d'essais cliniques pivotaux de phase 3 TRuE-V d'Incyte évaluant la crème de ruxolitinib (Opzelura™) chez des patients âgés de 12 ans et plus atteints de vitiligo non segmentaire. Ces données sont les premières à montrer des améliorations significatives de la repigmentation avec un traitement topique du vitiligo et ont servi de base à l'approbation récente (juillet 2022) d'Opzelura, le premier et seul traitement approuvé par la FDA pour la repigmentation chez les patients atteints de vitiligo non segmentaire. En France, c’est la biotech spécialisée en oncologie Incyte, qui s’est lancée récemment dans les traitements topiques du vitiligo et a déposé une demande d’AMM en France qui devrait être étudiée en 2023.

« Dès que le médicament sera autorisé en France, il devrait devenir la première ligne de traitement contre le vitiligo, au mieux associé aux UV, chez les enfants et les adultes, en particulier pour les formes les moins étendues. Le traitement consiste en l'application de ce médicaments sur les lésions matin et soir pendant 6 à 24 mois », a commenté le Pr  Passeron qui ajoute que « la recherche sur le vitiligo foisonne ».

Financements et liens d’intérêts :  Le Dr Cécile Lesort ne déclare aucun lien d’intérêt dans le cadre de cet article

 

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