Vitamine D, oméga 3, phytothérapie, yoga, …L’AHA fait le point sur l’intérêt des médecines complémentaires dans l’insuffisance cardiaque

Megan Brooks

Auteurs et déclarations

19 décembre 2022

Dallas, Etats-Unis — Yoga, Tai chi, vitamine D, plantes… Les médecines alternatives et compléments alimentaires sont très utilisés par les patients atteints d’insuffisance cardiaque mais leurs effets sont souvent méconnus. L’Americain Heart Association (AHA) vient de publier une prise de position sur le sujet dans Circulation le 8 décembre 2022 [1] .

Si la pratique du yoga, le tai chi ou les acides gras polyinsaturés omega-3 peuvent avoir des bénéfices sur les symptômes de l’IC, des doutes subsistent concernant la sécurité d’autres médecines complémentaires comme la vitamine D, l’actée à grappes bleues [Caulophyllum thalictroides] ou le muguet [Convallaria majalis], mentionne le groupe de travail.

 

 

On estime qu’environ 1 patient sur 3 atteint d’insuffisance cardiaque utilise des médecines complémentaires. Or, ils ne le signalent souvent pas à leur médecin et ces derniers ne demandent pas systématiquement à leurs patients s’ils ont recours à des thérapies alternatives. Aussi, les médecins ne disposent souvent pas d’éléments pour évaluer les bénéfices thérapeutiques des médecines complémentaires, a commenté Sheryl L. Chow, pharmacologue (Western University of Health Sciences, Pomona, and University of California Irvine) pour the heart.org/Medscape Cardiology,

« Cela représente un problème majeur de santé publique. Les utilisateurs achètent fréquemment ces produits potentiellement dangereux et insuffisamment contrôlés sans l’agrément ni l’avis d’un professionnel de santé », souligne Sheryl Chow.

 
Cela représente un problème majeur de santé publique. Les utilisateurs achètent fréquemment ces produits potentiellement dangereux et insuffisamment contrôlés.
 

Des thérapies complémentaires intéressantes

Le rapport scientifique définit les médecines complémentaires comme étant des pratiques médicales, des produits, et des approches qui ne sont pas conformes aux recommandations basées sur des preuves. Les produits sont délivrés sans prescription ni indication médicale par les pharmacies, les magasins de bien-être et par des sites en ligne.

« Ces produits sont complètement en dehors de la régulation par la FDA et les fabricants n’ont pas besoin de démontrer leur efficacité ni même leur sécurité. Il est important qu’à la fois les soignants et les patients améliorent leurs communications vis-à-vis de ces thérapeutiques en vente libre, qu’ils soient éduqués sur l’efficacité potentielle et les risques, ainsi, ils partageront en connaissance de cause ce qu’il faut faire [ou ne pas faire] », précise Sheryl Show.

En termes de méthodologie, le groupe de travail a réalisé une revue de la littérature des articles portant sur les médecines complémentaires utilisées par les patients insuffisants cardiaques publiés avant novembre 2021.

Il en ressort que les acides gras polyinsaturés omega-3 (PUFA) comme l’huile de poisson, sont ceux pour lesquels il existe le plus grand nombre de preuves d’une efficacité clinique dans l’IC. Ils peuvent être utilisés avec modération sans risque par les patients en accord avec l’équipe médicale, indiquent les rédacteurs du rapport.

Les recherches ont démontré que les PUFA oméga-3 sont associés à un risque plus faible de survenue d’IC mais aussi qu’ils peuvent améliorer la fonction systolique ventriculaire gauche, soulignent-ils.

Cependant, deux essais cliniques ont trouvé une incidence plus grande de fibrillations auriculaires lors de l’administration de fortes doses de PUFA oméga-3. « Le risque semble être dose dépendant et il augmente quand on dépasse 2g/J d’huile de poissons, » précisent les auteurs.

En parallèle, une recherche suggère que le yoga et le tai chi quand ils sont associés au traitement standard de l’IC peuvent améliorer la tolérance à l’effort, la qualité de la vie et diminuer la tension artérielle.

Thérapies alternatives peu concluantes ou potentiellement dangereuses

D’autres produits utilisés dans l’IC n’ont pas fait preuve de leur efficacité, ont des effets mitigés ou sont même dangereux. Les rapporteurs mettent en lumière quelques exemples :

  • A l’évidence, la supplémentation en vitamine D chez les patients ayant une IC demeure ‘’non-concluante ‘’ et pourrait être néfaste quand elle est administrée avec d’autres médicaments utilisés dans l’IC comme la digoxine, les inhibiteurs calciques et les diurétiques.

  • La supplémentation avec la thiamine chez les patients en IC sans qu’il soit cliniquement évident qu’il y a un déficit en thiamine peut ne pas être efficace et doit être évitée.

  • Concernant l’alcool, les données sont variables, certaines montrent que consommer des quantités minimes ou modérées (un ou deux verres par jour) peut aider à prévenir l’IC, mais dans le même temps on sait que des quantités plus importantes prises de façon régulière contribuent à la survenue d’une IC.

  • La littérature est partagée au sujet de la vitamine E. Elle peut avoir quelque bénéfice en réduisant le risque de survenue d’une IC à fraction d’éjection préservée mais elle a aussi été associée à un risque accru d’hospitalisations pour IC.

  • Le coenzyme Q 10 (Co-Q10) communément utilisé comme supplément quotidien, peut améliorer le stade fonctionnel de l’IC, les symptômes et la qualité de vie mais il peut aussi interférer avec les médicaments anti-hypertenseurs et les anticoagulants. Actuellement l’intérêt du Co-Q10 demeure ‘’incertaine’’ dans l’IC. De grands essais contrôlés randomisés sont indispensables avant d’avoir une idée claire de leur rapport bénéfice-risque.

  • L’aubépine [Crataegus monogyna, arbuste à fleurs], dans certaines études elle a montré un effet favorable sur la tolérance à l‘effort et a amélioré des symptômes comme la fatigue de l’IC. Pour autant, elle aurait le risque potentiel d’aggraver l’IC et serait associé à un risque d’interférence possible avec la digoxine, ce qui fait l’objet de recherches controversées.

  • L’infusion à base d’actées à grappes bleues, préparée à partir des racines de cette plante fleurie que l’on trouve dans les futaies pourrait déclencher des tachycardies, des douleurs thoraciques augmenter la tension artérielle et provoquer une hyperglycémie. Elle peut aussi diminuer les effets traitements de l’hypertension artérielle et du diabète de type 2, notent les auteurs. 

  • Le muguet dont les racines, la tige et les fleurs sont incluses dans certaines préparations, a longtemps été employé dans l’IC modérée car contenant des composants chimiques actifs similaires à la digoxine. Mais associé à la digoxine il peut provoquer des hypokaliémies.

Sheryl Chow conclut : « finalement, des études de bonne qualité et de robustes essais contrôlés randomisés sont nécessaires pour mieux comprendre les risques et les bénéfices » des médecines complémentaires dans l’IC.

 
Des études de bonne qualité et de robustes essais contrôlés randomisés sont nécessaires pour mieux comprendre les risques et les bénéfices.
 

« Ce document scientifique fournit des informations cruciales aux professionnels de santé qui soignent les patients ayant une insuffisance cardiaque. C’est aussi une ressource d’informations pour les consommateurs de compléments alimentaires et de médecines parallèles », ajoute-t-elle.

Les experts de l’AHA encouragent les professionnels de santé à demander systématiquement à leurs patients insuffisants cardiaques s’ils ont recours à des thérapies complémentaires. Ils ajoutent que les pharmaciens devraient être associés à l’équipe multidisciplinaire dans les consultations relatives aux thérapies complémentaires dans l’IC.

A noter que les recherches de l’AHA n’ont pas porté sur le cannabis et sur la médecine traditionnelle chinoise qui sont aussi utilisés dans l’IC.

En 2020, l’AHA a publié séparément un document scientifique sur le rôle thérapeutique de la marijuana et du cannabis dans l’insuffisance cardiaque précédemment commenté [2]  dans Theheart.org/ Medscape Cardiology.

 

Ce document scientifique sur les médecines complémentaires dans l’IC a été réalisé par un groupe de rédacteurs bénévoles pour le compte de l’AHA Clinical Pharmacology Comittee and Heart Failure and Transplantation Comittee of the Council on Clinical Cardiology, le Council on Epidemiology and Prevention, ainsi que Le Council on Cardiovascular ans Stroke Nursing.

 

Megan Brooks. New AHA Statement on Complementary Medicine in Heart failure. Traduction du Dr Jean-Pierre Usdin

 

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