Paris, France __ L’explosion des prix de l’électricité préoccupe fortement les acteurs du secteur de la santé. Energivores, les établissements de santé tentent de réduire leur consommation. Les centres et maisons de santé alertent les pouvoirs publics sur le péril économique que font peser les factures énergétiques et demandent à bénéficier du bouclier tarifaire pour en limiter le montant.
La crise énergétique qui frappe la France fait redouter des coupures d’électricité. Mais pas seulement. La maintenance de nombreuses centrales nucléaires en France et le conflit russo-ukrainien ont entraîné de fortes tensions d’approvisionnement qui ont des répercussions sur les prix de l’électricité. La forte hausse des factures EDF, ces derniers mois, inquiète les acteurs du secteur, certains redoutant même pour l’équilibre économique de leur structure.
Les hôpitaux français sont tout particulièrement concernés. L’ensemble des établissements publics et privés, qui représentent 130 millions de mètres carrés, ont une consommation électrique équivalente à celle de 5 millions de foyers selon l'Agence nationale d’appui à la performance (Anap).
Des factures multipliées par 2, 3 ou 4 à l’hôpital
La hausse des coûts de l’énergie est au cœur des préoccupations de l’ensemble des fédérations hospitalières. Fin septembre dernier, la FHF (hôpitaux publics), la FHP (cliniques), la Fehap (privé non lucratif), la Fnehad (hospitalisation à domicile) et les centres anti-cancer (Unicancer) exigeaient, dans une lettre au ministre de la santé François Braun, « une pleine compensation de l'inflation correspondant aux surcoûts constatés par les établissements, tant en 2022 qu'en 2023 ».
N’étant pas concernés par le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement pour les particuliers et les petites entreprises, les hôpitaux s’attendent à une envolée de leurs factures. « Elles devraient être multipliées en moyenne par trois ou quatre, a récemment estimé à l’AFP Rudy Chouvel, responsable développement durable à la Fédération hospitalière de France (FHF). Cela représente des millions d’euros et va rendre la gestion financière de beaucoup d’établissements très difficile. »
A l’hôpital de Valenciennes par exemple, le budget énergétique a doublé cette année, notamment à cause de la guerre en Ukraine. « En 2021, on dépensait pour le gaz et l’électricité 4,7 millions d’euros. Cette année, la facture atteint 9 millions », affirme Fabrice Decourcelles, directeur du pôle logistique de l’hôpital, dans un reportage de RFI.
Plus de sobriété pour moins dépenser
Confrontés à la hausse des factures, beaucoup d’hôpitaux se sont lancés dans la chasse au gaspi d’énergie. A Valenciennes, l’hôpital fait passer l’ensemble de ces 32 000 luminaires en ampoules LED, ou encore éteint les ordinateurs plutôt que de les laisser en veille.
Outre l’électricité, de nombreux autres postes affectent les hôpitaux, consommateurs de gaz pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire, les services de blanchisserie ou encore les cuisines.
La FHF a donné l’exemple en présentant en octobre 20 propositions pour renforcer la sobriété énergétique des établissements sanitaires et médico-sociaux. La fédération a également publié un guide pratique permettant des « gains rapides » aux établissements pour amorcer ou accélérer leur transition énergétique. La rénovation des bâtiments, un meilleur suivi des consommations, la régulation de la température et des climatiseurs font partie des pistes d’économie immédiates.
Il est important pour les établissements d’agir pour limiter les conséquences de la hausse « stratosphérique du coût de l’énergie dans le budget des hôpitaux ». « Les prévisions budgétaires pour 2023 ne peuvent qu’alerter sur l’urgence du problème : une multiplication parfois par sept pour la facture de gaz est prévue, et, pour l’électricité, le prix du mégawattheure a déjà bondi de 85 euros à plus de 1 000 euros.[...] Traduit en euros, il faut donc s’attendre à une augmentation à au moins sept chiffres pour une structure de taille moyenne », alertaient dans une tribune au Monde , il y a quelques semaines, Steven Le Gouill et Anne-Claire de Reboul, à la direction de l’Institut Curie.
Les maisons et centres de santé en péril ?
Les centres et maisons de santé sont également très inquiets de la situation. Il y a quelques jours à peine, leurs fédérations AVECsanté, la FNCS et l’USMCS ont cosigné avec la Mutualité française un communiqué pour alerter les pouvoirs publics.
Selon eux, la crise énergétique met en « péril économique » leurs structures et complique leur mission de soins.
« Des MSP et centres ont reçu un courrier de leur fournisseur d’électricité leur annonçant une très forte hausse de leur facture en 2023 – pouvant passer dans certains cas de 8 000 euros à 48 000 euros annuels –, qui s’avérera difficile à honorer », mettent-ils en garde.
Le bouclier tarifaire a bien été prolongé en 2023 et étendu aux petites entreprises de moins de 10 salariés et 2 millions de chiffre d’affaires annuel (avec une hausse des prix limitée à 15 % en janvier 2023 pour le gaz et à 15 % en février 2023 pour l’électricité). Mais la plupart des centres et maisons de santé ne sont pas éligibles à ce bouclier tarifaire et demandent donc à en bénéficier ou de disposer d’une aide au paiement des factures d’électricité.
Facture salée pour les radiologues
La situation est tout aussi compliquée pour les cabinets de radiologie libéraux qui utilisent des scanners et IRM, très gros consommateurs d’énergie. Selon une enquête lancée auprès de ses adhérents à laquelle ont répondu plus d’une centaine de groupes de radiologues, la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) a relevé que les factures EDF devrait être multipliées entre 4 et 7 ! « Un radiologue lyonnais qui a plusieurs sites m’a envoyé ses factures EDF qui sont passées de 240 000 euros en 2022 à 1,1 million d’euros en 2023 », explique le Dr Jean-Philippe Masson, président de la FNMR.
Reçu au ministère de la Transition énergétique, le patron des radiologues a eu l’assurance que les radiologues seraient éligibles au bouclier tarifaire (de 1er ou 2e niveau). « J’attends encore », affirme le Dr Masson. « Pour l’instant, je ne sais pas comment cela va se passer mais j’ai eu des échos de certains hôpitaux qui ont eu des autorisations de scanner mais qui vont se limiter en nombre d’examens (scanners et IRM) pour rester en dessous des 6000 examens par an qui leur permet des toucher 90 euros par examen (le forfait est réduit à 50 euros au-delà de ce seuil, ndlr). » Le président de la FNMR redoute que la crise énergétique ait des répercussions sur la prise en charge des patients et sur les délais de rendez-vous qui étaient à la baisse ces dernières années.
Le sujet devrait être évoqué lors des négociations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les praticiens libéraux. « Il est important que les médecins ne soient pas concernés par les éventuels délestages mais aussi qu’ils soient accompagnés pour faire face à la hausse des factures d’électricité, confie à Medscape édition française le Dr Franck Devulder, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Or, jusqu’à présent, nous n’avons reçu aucun message d’aucune sorte. »
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: La flambée des coûts énergétiques glace le monde de la santé - Medscape - 15 déc 2022.
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