New York, Etats-Unis – Une nouvelle prise de position collaborative stipule que les femmes enceintes peuvent travailler en toute sécurité dans un environnement de rayonnements ionisants si l'exposition du fœtus ne dépasse pas certains seuils de radiation.
Ne pas décourager les femmes
Cette prise de position vise à « éviter de décourager » les femmes enceintes de poursuivre leur travail en cardiologie ou électrophysiologie interventionnelle (CI/EI) et à « supprimer » une barrière selon laquelle « le travail avec exposition aux rayons X serait, sans la moindre nuance, incompatible avec une grossesse », explique l'auteure principale, la Dr Stéphane Manzo-Silberman (Institut de Cardiologie/Sorbonne Université) à theheart.org | Medscape Cardiologie.
« Le point principal consistait à montrer qu'il est possible de poursuivre en toute sécurité une activité professionnelle sous rayonnement X pendant la grossesse, compte tenu des données dont nous disposons sur le risque fœtal aux doses auxquelles les femmes concernées sont exposées, ainsi que de la réglementation et des retours d'expérience. Les données dont nous disposons actuellement nous permettent d'être largement rassurants. »
La recherche a montré que des effets néfastes sur le fœtus ne se produisent généralement qu’avec une exposition aux rayonnements dépassant 100 mGy. La plupart des pays autorisant les femmes enceintes à travailler en CI/EI exigent que la dose cumulée au cours de la grossesse soit inférieure à 1 mSv. Une exception : aux États-Unis, ce plafond est fixé à 5 mSv.
Ce positionnement est le fruit d’une collaboration entre l'Association européenne des interventions cardiovasculaires percutanées, l'Association européenne du rythme cardiaque, l'Association européenne d'imagerie cardiovasculaire, le comité des affaires réglementaires de la Société européenne de cardiologie et Women as One. Il été publié en ligne le 22 novembre par la revue EuroIntervention[1].
Les exigences actuelles et les risques
Le document aborde les réglementations en vigueur dans différents pays, les doses de rayonnement fœtal qui ont été associées à des effets néfastes (notamment des avortements, des malformations et des réductions du quotient intellectuel), la probabilité spontanée d'avoir un nouveau-né atteint d'une malformation congénitale ou d'un cancer infantile, ainsi que les propositions pour améliorer les pratiques.
Les points clés :
• les réglementations européennes, nord-américaines, japonaises et australiennes autorisent les femmes enceintes à travailler si elles sont étroitement surveillées au moyen d’un dosimètre abdominal. Certains pays comme l'Autriche, la Hongrie, le Portugal et la Roumanie n'autorisent pas les femmes à exercer en CI/EI pendant la grossesse ou l'allaitement.
• La dose maximale d'exposition fœtale est de 1 mSv en Europe, en Australie et en Israël, de 2 mSV au Japon et de 5 mSv aux États-Unis.
• Les doses associées à des lésions fœtales sont 100 fois plus élevées que celles autorisées pendant toute la grossesse d'une cardiologue interventionnelle.
• On n’a observé qu’une augmentation négligeable du risque de la probabilité spontanée qu'un nouveau-né présente une malformation congénitale ou un cancer infantile lorsque le niveau d'exposition professionnelle de la mère respecte les limites imposées dans son pays.
• Aucune étude n'a montré un risque accru d'effets indésirables non cancéreux suite à une exposition prénatale aux rayonnements inférieure à 50 mSv.
Pour améliorer la pratique, le document de synthèse suggère que :
• les opérateurs de fluoroscopie soient guidés par le principe du «niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre » : l'obtention d'images optimales doit être mise en balance avec la sécurité de la procédure,
• le rayonnement de diffusion émis par le patient soit la principale source d'exposition pour l'opérateur et le personnel. Réduire le rayonnement du patient réduira l'exposition du personnel,
• les trois principes fondamentaux de la radioprotection pour l’opérateur soient (1) le temps, (2) la distance et (3) le blindage, associé à la surveillance dosimétrique. La notion de temps fait référence au temps que l'opérateur passe à utiliser le système à rayons X. Celle de distance signifie sa maximisation par rapport à la source de rayons X. Quant au blindage, il comprend la protection personnelle, la protection sur la table ou la protection externe, chaque forme de protection ayant un degré d'équivalence en plomb définissant son effet contre le rayonnement,
• des changements soient apportés aux programmes des études de médecine, en y ajoutant la création d'un environnement de travail plus convivial pour les familles et les interventionnistes enceintes, comme éléments des stratégies favorisant l'équité entre les sexes dans la profession.
« Des programmes institutionnels de radioprotection devraient être mis en place pour accroître les connaissances sur l'exposition aux rayonnements et améliorer les exigences spécifiques de sécurité pour tous. Cela garantirait une exposition sûre pour tous les médecins, [y compris] pendant la grossesse », conclut Stéphane Manzo-Silberman, ajoutant que « comme cela a déjà été démontré dans le monde des affaires, l'amélioration de la représentation, de l'équité entre les sexes et de la diversité est essentielle pour améliorer les résultats et l'efficacité. Dans le domaine de la santé, cela se traduit par une meilleure prise en charge de nos patients et de meilleures conditions de travail pour les professionnels de la santé. »
La Dr Stéphane Manzo-Silberman a perçu des honoraires de consultance de la part de Bayer, d’Organon et d’Exeltis, des honoraires de conférence par Bayer, BMS, Exeltis et Organon. Elle a par ailleurs siégé au comité de sélection d'une étude pour le compte de Biotronik.
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Cet article a été publié initialement par Medscape.com et intitulé Pregnancy Not a Barrier to Interventional Cardiology Career. Traduction-adaptation du Dr Claude Leroy.
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Citer cet article: La grossesse n’interdit pas la pratique en cardiologie interventionnelle - Medscape - 13 déc 2022.
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