Paris, France — Alors que les médecins et les biologistes libéraux étaient en grève jeudi et vendredi, le budget de 2023 de la sécurité sociale a été définitivement considéré comme adopté vendredi soir, balayant certaines de leurs revendications.
L’Assemblée nationale a rejeté l’ultime motion de censure du gouvernement, déposée par 144 députés, après que la première ministre Élisabeth Borne a fait de nouveau usage de l’article 49.3 de la Constitution, pour passer outre une discussion du texte au Parlement. Elisabeth Borne doit maintenant faire adopter son projet de loi de finances.
« Malheureusement pour notre pays, le 49.3 devient banal », a regretté la députée Les Républicains Marie-Christine Dalloz, lors de l'examen de la l’avant-dernière motion de censure déposée par 75 députés de la France insoumise le 28 novembre dernier.
En tout cinq 49.3 et sixième motion de censure sur ce texte auront été déposés.
Jamais auparavant un projet de loi de financement de la sécurité sociale n'avait connu d'usage aussi dispendieux de cet article de la Constitution qui permet au gouvernement de faire adopter une proposition de loi en se passant de l'avis du Parlement.
La rallonge pour l’hôpital est actée
Le 25 novembre, le ministre de la Santé François Braun avait concédé quelques mesures supplémentaires, notamment une rallonge de plus de 500 millions d'euros pour l'hôpital : « Outre l’effort de 570 millions d’euros pour l’année 2022 présenté au Sénat pour permettre à notre hôpital de faire face entre autres à l’épidémie précoce de bronchiolite, j’annonce que le Gouvernement a déposé un amendement visant à mieux tenir compte en 2022 des surcoûts liés au Covid à l’hôpital, pour un montant de 543 millions d’euros. »
Une 4ème année d’internat en médecine générale
Mais aucune des grèves et protestations des médecins et internes n'a fait fléchir le gouvernement, à l'endroit des mesures les plus décriées. Ainsi, ce même jour, François Braun se vantait « d’améliorer la formation et de faciliter l’installation des médecins généralistes. Il est ainsi prévu la création d’une quatrième année d’internat de médecine générale. Bien sûr, j’entends les inquiétudes, notamment celles des étudiants en médecine, mais je tiens à leur rappeler que je serai à leur côté et particulièrement vigilant à la qualité de cette formation qui sera assurée par des maîtres de stage universitaire. Oui, je l’assume : pour aider nos territoires, il faut inciter à réaliser l’année de stage en priorité dans des zones sous-denses ».
Tout juste a-t-il ajouté un sous-amendement afin « d’introduire un principe d’exception à l’exercice ambulatoire. Cela permettra de soutenir les quelques étudiants ayant des projets professionnels particuliers, par exemple en centres médico-psychologiques ou dans le cadre de la médecine scolaire, de la protection maternelle et infantile ou encore de l’hospitalisation à domicile ».
Obligation de consultation dans les zones sous-denses
Il n'est pas non plus revenu sur l'obligation de consultation dans les zones sous-denses par des médecins libéraux, et a réaffirmé vouloir « déployer des consultations avancées dans ces territoires, comme le souhaite d’ailleurs le groupe de travail transpartisan de la commission ».
Padhue : examen de régularisation repoussé au 31 juillet 2023
Idem pour les Padhue, dont l'examen de leur dossier de régularisation est repoussé au 31 juillet 2023 : « Ce PLFSS est aussi un engagement fort en direction des personnels de santé étrangers, ces femmes et ces hommes que l’on appelle les Padhue, ces praticiens à diplôme hors Union européenne en France, et dont il est urgent de sécuriser les situations individuelles car ces femmes et ces hommes sont des acteurs essentiels pour la continuité des soins. »
Intérim médical : pas de retour en arrière
Autre mesure qui hérissait le poil de la profession médicale, en particulier des jeunes médecins : l'encadrement de l'intérim médical. Pas question pour le gouvernement de faire machine arrière, comme l'a confirmé François Braun : « C’est en ce sens qu’il est proposé d’interdire l’intérim dès la sortie des études et que je me suis engagé à mettre en œuvre la loi que vous avez votée l’année dernière à l’initiative de la rapporteure générale Stéphanie Rist. »
« Il nous faut replacer l’éthique au cœur du fonctionnement de l’hôpital et soutenir les collectifs d’équipe, le recours à l’intérim sera mieux encadré », a indiqué le ministère dans un communiqué le 3 décembre.
Mieux, il a tancé les biologistes médicaux, qui se sont mis en grève pour contrer un coup de rabot de 300 millions d'euros sur les tarifs de la biologie médicale, inscrit dans le PLFSS 2023 : « Je tiens à le dire solennellement aux acteurs de la biologie : dans le contexte général de difficultés économiques et sociales pour beaucoup de Français et d’entreprises, leur mouvement de grève visant notamment à empêcher les remontées d’information liées au Covid est inacceptable et entame la confiance pourtant nécessaire à toute discussion. »
Autres mesures adoptées
La mise en place de rendez-vous aux âges clés de la vie dès l’année prochaine, « qui vont permettre un certain nombre de progrès en matière de prévention des cancers, de santé sexuelle et d’amélioration de la santé des femmes ».
L’élargissement du dépistage gratuit et sans ordonnance des infections sexuellement transmissibles pour les moins de 26 ans.
La gratuité de la contraception d’urgence sans prescription médicale.
Simplification des aides à l’installation des médecins libéraux dans les zones dites sous-dotées.
Dispositions en faveur des médecins retraités qui feraient le choix de reprendre leur activité, en facilitant le cumul emploi-retraite dans les zones sous-dotées : pour 2023, les cotisations retraites pour les médecins en situation de cumul emploi-retraite seront suspendues.
Un nouvel arsenal de mesures pour continuer à prévenir, détecter et mieux sanctionner les dérives de la fraude sociale.
Obstruction
La raideur du gouvernement a provoqué l'ire de l'opposition, surtout lors de la séance du 25 novembre. En effet, la veille, le groupe Renaissance a été accusé par l’opposition d’avoir fait obstruction à l'examen d'une proposition de loi de la France insoumise en vue de la réintégration des personnels soignants non vaccinés.
« Et non, monsieur Braun, ce n’est pas l’Assemblée qui aurait donné une image choquante d’elle-même mais bien le Gouvernement qui a donné de lui une image inadmissible. […] Alors même que le texte sur la réintégration des personnels non vaccinés était examiné à l’occasion d’une journée de niche parlementaire, vous avez usé d’artifices et fait preuve d’imagination pour empêcher son vote. Du jamais vu depuis le début de la Ve République ! », s'est notamment emporté Caroline Fiat, députée de la France insoumise.
Le groupe Les Républicains s'est joint aux protestations de la France insoumise pour regretter cette obstruction au travail du Parlement : « Je ne peux commencer cette intervention sans évoquer la situation chaotique que nous avons vécue hier soir dans l’hémicycle et le fait que la proposition de loi de la députée Caroline Fiat n’a pas été convenablement examinée. Les députés du groupe Les Républicains sont consternés par le comportement de la majorité et du Gouvernement, et nous pesons nos mots », a déclaré le député LR Yannick Neuder.
Inutile d'ajouter que l'examen de ce PLFSS a donné lieu à une véritable bataille entre d'un côté le groupe Renaissance et ses alliés (Modem, Horizons), et l'opposition (Nupes, Les Républicains, Le Rassemblement national). À tel point que des ennemis d'hier se sont ligués pour tenter de faire tomber le gouvernement : ainsi le groupe Rassemblement national a voté la motion de censure de la France insoumise, portant à 218 le nombre de députés favorables à cette motion de censure le 31 octobre dernier.
Quoi qu'il en soit, même si ce texte a été adopté au forceps par l'Assemblée nationale, il n'a pas encore terminé son parcours parlementaire. Il est fort possible que le Conseil constitutionnel l'analyse avant promulgation.
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Citer cet article: PLFSS 2023 définitivement adopté par l'Assemblée nationale : le point - Medscape - 6 déc 2022.
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