Paris, France—Pour compenser l’exonération de cotisation des médecins en cumul emploi-retraite annoncée par le gouvernement, la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) a décidé d’annuler le coup de pouce de 4,8% des pensions du régime complémentaire programmé en 2023. Une décision radicale très mal vécue par les intéressés, en ces temps d’inflation galopante.
2710 euros, c'est en moyenne la pension que touchent les 84 000 médecins libéraux retraités. Ce montant ne devrait pas beaucoup évoluer l'an prochain. Et pour cause ! La Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf), réunie en conseil d'administration, a décidé d’annuler l’augmentation de 4,8% du régime complémentaire (qui représente 45 % de la retraite des praticiens de ville) programmée au 1er janvier 2023, et qui avait été présentée quelques semaines plus tôt en assemblée générale.
La raison de ce revirement ? L'adoption dans le budget de la Sécurité sociale d'un amendement exonérant de cotisations les médecins libéraux en cumul emploi-retraite. Cette disposition, qui s'appliquera sous réserve d’un montant de revenus plafonné fixé par décret, serait « responsable d’une baisse des cotisations de 73 millions d’euros dans ce régime », estime la Carmf.
Une « mesure extrême »
N'ayant pas obtenu de garantie de compensation de la part du gouvernement en dépit d'alertes aux ministres de la Santé et du Travail, le Dr Thierry Lardenois, président de la Carmf, a donc proposé l'annulation de la hausse des retraites du régime complémentaire qui représente peu ou prou le même montant de 73 millions d’euros.
Une « mesure extrême », adoptée par 14 voix contre 10 après d'âpres débats, « pour maintenir l’équilibre financier et l’harmonie intergénérationnelle ». Cette disposition impopulaire et inédite par son ampleur est pleinement assumée par le Dr Lardenois. « Ce n'est pas de gaité de cœur que nous avons pris cette décision, nous l'avons prise car nous n'avions pas d'autres choix », assure le Dr Lardenois à Medscape édition française.
Des syndicats en colère
Plusieurs syndicats de médecins se sont offusqués de ce choix autoritaire, accusant la Carmf d'avoir desservi la profession en revenant sur son engagement.
« Le régime complémentaire vieillesse est en déficit technique, avec des cotisations d’environ un milliard d’euros, pour des prestations d’1,3 milliard d’euros. Mais il est en équilibre financier, avec des réserves estimées à 5,6 milliards d’euros, correspondant à 4 années de prestations », relèvent la CSMF et le Syndicat national des médecins concernés par la retraite (SNMCR) dans un communiqué commun.
La décision est d'autant plus critiquée que la prochaine convention médicale dont les négociations viennent de s'ouvrir, devraient apporter une revalorisation des actes médicaux. De fait, mécaniquement, la hausse des tarifs entraînera une hausse des recettes du régime. Ce qui rend amer le Dr Yves Decalf, président du SNMCR.
« La Carmf veut faire pression sur l’Etat pour obtenir une compensation mais elle s’y prend mal et montre du mépris pour les cotisants, analyse le cardiologue. Il était tout à fait possible d’adopter cette hausse des pensions pour lutter contre l’inflation, rien ne sert de conserver un trésor de guerre et de punir les retraités. »
Pas touche aux réserves
Le Dr Lardenois réfute cette critique. « Ce que personne ne veut entendre, c'est que ces réserves sont des provisions techniques destinées à payer la retraite des médecins, nous ne pouvons pas en faire ce que bon nous semble. »
Le président de la Carmf se dit victime de la décision du gouvernement de changer les règles du jeu en revenant sur la loi du 20 janvier 2014 qui encadre le cumul emploi-retraite et prévoit jusqu’à présent que les médecins retraités reprenant du service paient des cotisations retraite. Pour autant, il l'assure, sa décision n’est « pas politique », elle est purement « comptable ».
S’il a privilégié l’annulation de la revalorisation de la pension du régime complémentaire, c’est pour éviter une hausse des cotisations des praticiens en exercice en compensation de l'exonération des quelque 12 600 médecins retraités actifs qui représentent 10% des cotisants.
« En vingt ans, les cotisations des médecins ont très fortement augmenté de 34% en secteur 1 et de 52% en secteur 2, affirme le Dr Lardenois. Dans le même temps, la valeur du point baissait de 9 points. »
Le gouvernement s’en lave les mains
Le patron de la Carmf a-t-il été agacé par ce coup de pouce gouvernemental au cumul emploi-retraite ? Il est en effet peu favorable à ce dispositif qui n’ouvre droit à aucun droit supplémentaire, lui préférant la retraite en temps choisi qu'il a contribué à mettre en place. Cette option privilégiée par 10 400 médecins leur permet de percevoir une pension majorée par année supplémentaire travaillée au-delà de 65 ans.
Le Dr Lardenois redoute que les exonérations de cotisations des médecins en cumul « incitent certains à avancer la liquidation de leur retraite afin de bénéficier d’un supplément de rémunération », « rente de situation injustifiée ».
L’annonce du gel de la pension des médecins n’a en tout cas pas ému l’exécutif.
« Nous ne prévoyons pas de compensation concernant la retraite complémentaire et laissons le régime s'organiser en indépendance », a indiqué à l'AFP l'entourage du ministre du Travail, Olivier Dussopt.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: La Carmf annule la hausse des pensions de retraite prévue en 2023. Explications - Medscape - 5 déc 2022.
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