Stockholm, Suède— Une importante méta analyse n’a pas montré d’association significative entre les traitements du Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH) et la survenue de complications cardiovasculaires quel que soit l’âge dans différents groupes de patients.
Cependant l’existence d’un risque modérément plus élevé ne peut pas être éliminé chez certains individus.
« Dans l’ensemble, cette méta analyse apporte des données rassurantes sur l’éventualité d’un risque cardiovasculaire associé aux traitements du TDAH mais la survenue possible d’un arrêt cardiaque, ou d’une tachyarythmie chez les femmes ou les sujets ayant une maladie cardiovasculaire (MCV) préexistante nécessite de futures investigations », a déclaré le Dr Zheng Chang (Karolinska Institute, Stockholm, Suède) à Medscape Medical News.
L’étude a été publiée en ligne le 23 novembre dans JAMA Network Open[1]
Biologiquement plausible
Les médicaments anti-TDAH peuvent augmenter le rythme cardiaque et la tension artérielle, ce qui rend biologiquement plausible la majoration du risque de MCV, notamment les arythmies, spécialement chez les patients prédisposés.
Jusque-là, les données de la littérature n’étaient pas concluantes aussi une mise à jour s’avérait nécessaire pour lever les limites existant dans les études antérieures, indiquent les auteurs dans leur article.
A cette fin, ils ont analysé 19 études menées aux USA, en Corée du Sud, au Canada, Danemark, Espagne et Hong Kong. Ces études ont inclus pratiquement 3,9 millions d’enfants, adolescents et adultes (61% d’hommes, avec une médiane de suivi de 1,5 an).
Les résultats n’ont montré aucune association statistiquement significative entre la prise d’anti-TDAH et un événement cardiovasculaire quel qu’en soit le type chez les enfants et les adolescents (le risque relatif groupé ajusté [RR] est 1,18 ; IC 95% : 0,91-1,53) ni chez les adultes jeunes ou d’âge moyen (RR : 1,04 ; IC 95% : 0,43-2,48), ou encore les sujets âgés (RR : 1,59 ; IC 95% : 0,62-4,05) ni dans l’ensemble du groupe (RR : 1,22 ; IC 95% : 0,88-1,68).
Selon le type de médicament, il n’a pas noté d’association que ce soit pour les médicaments à effet psychostimulant (RR : 1,24 ; IC 95% : 8,84-1,83) ou dénué d’effet psychostimulant (RR : 1,22 ; IC 95% : 0,25-5,67).
En ce qui concerne la survenue de complications cardiovasculaires spécifiques, il n’a pas été observé d’association statiquement significative pour les arrêts cardiaques ou autres arythmies (RR : 1,60 ; IC 95% : 0,94-2,72) ni pour les accidents vasculaires cérébraux (RR :0,91 ; IC 95% : 0,72-1,15) ou encore la survenue d’infarctus du myocarde (RR : 1,06 ; IC 95% : 0,68-1,65).
Le risque de survenue de complications lié au traitement anti-TDAH semblait être plus élevé chez ceux qui avaient une affection cardiovasculaire préexistante (RR : 1,31 ; IC 95% : 0,80-2,16) par rapport à ceux qui n’avaient pas d’antécédent de MCV, cependant l’association n’atteignait pas le seuil de la différence statistique.
A noter que le risque de MCV associé aux anti-TDAH avaient tendance à être plus élevé chez les femmes que chez les hommes (RR : 1,88 ; IC 95% : 0,43-8,24).
« De nouvelles recherches sont nécessaires pour étudier ce risque cardiovasculaire chez les femmes et chez les patients qui ont une MCV préexistante et les risques à long terme des médicaments contre le TDAH », concluent les auteurs.
Des limites importantes
Dans seulement 2 des 19 études, la durée de surveillance était suffisante pour rendre compte du risque de MCV associé au traitement anti-TDAH et ces études s’avéraient être de qualité moyenne.
Aussi, il n’a pas été possible d’étudier les liens spécifiques avec un traitement donné en raison de la grande hétérogénéité des études.
De surcroit, peu d’études ont rapporté les doses et la durée du traitement.
« Il est important [de mentionner], » a commenté le Pr Chang pour Medscape Medical News « que ces résultats portent sur un ensemble de patients alors qu’en pratique clinique, c’est au niveau individuel que les cliniciens estiment le risque de survenue de complications cardiovasculaires et l’apprécient en fonction des risques et bénéfices des médicaments ».
Travail important… à interpréter avec précaution
Le Dr Roy Ziegelstein, du Johns Hopkins University School of Medicine, Baltimore, Etats-Unis, invité à commenter l’étude [2] reste lui aussi mesuré : « les auteurs sont avec raison prudents dans l’interprétation des conclusions de cette étude. Il doit en être de même pour les médecins qui doivent se montrer attentifs concernant la sécurité des traitements contre le TDAH, en particulier chez les sujets âgés ayant une MCV connue ».
Le Dr Ziegelstein note également que la prescription des médicaments contre le TDAH augmentant chez les adultes, la probabilité pour que des patients ayant une affection cardiovasculaire soient exposés au traitement augmente en parallèle.
Il signale qu’une étude publiée l’année dernière [3] a montré que les sujets âgés qui prenaient des amphétamines, avaient un risque plus élevé de survenue de complications cardiovasculaires comparativement à ceux n’en n’utilisaient pas (Odds Ratio : 6,16 ; IC 95% : 4,22-8,99).
Une autre étude [4] chez des patients âgés a rapporté que la prescription de psychostimulants était associée à un risque accru de complications à 30 jours quand ils avaient une MCV, avec un risque relatif de survenue d’arythmies ventriculaires (RR : 3,0 ; IC 95% : 1,1-8,7) et d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou ischémiques transitoires (RR 1,6 ; IC 95% : 1,1-2,1).
Il est important de remarquer, souligne le Dr Ziegelstein, que la polymédication est fréquente chez les patients âgés et le risque d’interactions médicamenteuses est évidemment plus important.
« Toute décision thérapeutique est un choix entre les risques potentiels et les bénéfices attendus et ce choix est différent chez chaque individu en prenant compte sa propre biologie …et d’autres différences importantes psychologiques, sociales, culturelles et économiques, propres au patient examiné », rappelle le Dr Ziegelstein.
Bien que l’étude de Chang et ses collègues soit « rassurante à bien des égards, les professionnels de santé doivent précautionneusement évaluer ces facteurs quand ils prescrivent des traitements pour le TDAH, surtout chez les sujets âgés, ayant une MCV et quand il existe des comorbidités augmentant le risque de MCV », conclut le Dr Ziegelstein.
Le dictionnaire Vidal TM précise : « Un bilan cardiovasculaire (incluant la mesure de la tension artérielle et la fréquence cardiaque) doit être réalisé avant de débuter le traitement par méthylphénidate. Ensuite, un suivi régulier est indispensable pendant le traitement pour limiter les éventuels effets indésirables ; il comprend une surveillance de la tension artérielle, du rythme cardiaque, de la taille et du poids »…Aussi, « un examen cardiaque spécialisé devra ensuite être réalisé si les résultats initiaux font suspecter une cardiopathie ou de tels antécédents ».
Nos confrères, neuro psychiatres notamment pédopsychiatres prescrivent volontiers « …ECG avec évaluation du QT avant prescription de méthylphénidate ».
Cette méta analyse montre que cela va au-delà du simple ECG et de la mesure du QT/QTc. Le principe de précaution les incite aussi à demander d’emblée une écho cardiaque, augmentant le risque d’incidentalomes. Curieusement d’ailleurs il est rare de revoir les enfants en consultation cardiologique, est-ce la preuve que le traitement est bien toléré ou d’une confiance en ces produits ?
Dr Jean-Pierre Usdin
Financements et liens d’intérêts
L’étude a été sponsorisée par le programme de recherche et innovation. Le Dr Chang n’a pas rapporté de conflit d’intérêts. La liste complète des conflits financiers est disponible dans l’article original. Le Dr Ziegelstein n’a pas mentionné de conflits d’intérêt en rapport avec l’étude.
ADHD Meds and Cardiovascular Safety: New Data - Medscape - Nov 28, 2022.Traduit de l’américain par le Dr Jean-Pierre Usdin.
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Crédit de Une : BSIP
Actualités Medscape © 2022
Citer cet article: Médicaments contre le TDAH et sécurité cardiovasculaire : nouvelles données - Medscape - 5 déc 2022.
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