Paris, France — En dix ans, le nombre de vasectomie a été multiplié par dix en France. Lié principalement à une volonté d’équilibrer le poids de la contraception au sein du couple, l’intérêt pour cette méthode de contraception définitive devrait être renforcé par la pratique de la vasectomie mini-invasive, dite « sans scalpel », désormais à privilégier. Signe d’une tendance nouvelle, plusieurs présentations ont abordé le sujet lors du 116ème congrès de l’Association française d’urologie (AFU 2022).
Même si elle reste encore une pratique marginale par rapport à d’autres pays, la vasectomie progresse nettement en France. Selon les derniers chiffres de l’Assurance maladie, le nombre de vasectomies remboursées est passé de 1 908 en 2010 à 23 306 en 2021. En parallèle, chez les femmes, la contraception définitive par ligature des trompes régresse. De 31 473 en 2010, le nombre d’interventions pour cette méthode de stérilisation est tombé à 21 490 en 2021, soit à un niveau désormais inférieur à celui de la vasectomie.
Interdite jusqu’en 2001
La vasectomie « devrait continuer à se démocratiser en France », a commenté le Dr Wafik Touil (CHU de Toulouse), au cours de son intervention [1]. Alors que cette contraception définitive était quasi exclusivement envisagée par des hommes de plus de 35 ans en couple stable avec enfants, « la situation est en train de changer. On voit de plus en plus de jeunes hommes célibataires » demander l’opération, a précisé le Pr Eric Huygues (CHU de Toulouse), lors d’un échange avec le public.
Cette tendance en faveur de la vasectomie est très récente en France. Il faut dire que l’intervention était jusqu’en 2001 interdite car considérée comme une atteinte à l’intégrité physique du patient. Angoisse de la castration, peur de regretter, d’avoir une vie sexuelle altérée… de nombreux freins, souvent basés sur des préjugés, ont par la suite empêché d’envisager sérieusement une telle option, alors que ni l’éjaculation, ni la sexualité ne sont modifiées par l’opération.
A l’étranger et en particulier dans les pays anglo-saxons, cette méthode contraceptive définitive ne suscite pas autant de réticences. Au Canada et au Royaume-Uni, elle concerne respectivement 22% et 19% des hommes. Au Québec, où le recours à la vasectomie a dépassé la ligature des trompes au début des années 1990, on estime qu’un homme de 50 ans sur trois est vasectomisé.
En France, l’intérêt pour la vasectomie s’est surtout développé au début des années 2010, lorsque l’usage de la pilule a été remis en question, poussant ainsi les hommes à y trouver un moyen de prendre part à la contraception. Selon une enquête menée par le Dr Touil et ses collègues auprès de 207 hommes pris en charge pour vasectomie, le basculement de la charge contraceptive de la femme vers l’homme est la principale motivation pour 76% d’entre eux.
Vie sexuelle améliorée
L’enquête a été menée en ligne en avril 2022 alors que les patients avaient été opérés dans un délai médian de quasiment trois ans. Au moment de la chirurgie, seuls 8% des hommes étaient célibataires et 18% sans enfant. La réalisation de la vasectomie était une décision de couple dans 45 % des cas, après un délai de réflexion de plus d’un an dans la majorité des cas. Presque tous se sont déclarés satisfaits d’avoir eu une vasectomie (97% des hommes interrogés) et ne présentaient aucun regret (98%).
« Il existe peu de données récentes sur le retour d’expérience des patients après une vasectomie », a commenté le Dr Touil. L’une des principales préoccupations des hommes concernent l’impact éventuel de l’opération sur la vie sexuelle et les répercussions sur le couple.
Selon les résultats de l’enquête, « la vasectomie ne semble pas délétère sur la vie sexuelle », a commenté l’urologue. Dans l’ensemble, les hommes rapportent « une stabilité au niveau de la libido, du nombre de rapports sexuels, de la qualité des érections et de la quantité de sperme remarquée lors de l’éjaculation ».
Si la majorité des hommes (88%) ont indiqué que la qualité des rapports sexuels est restée inchangée, 11% des patients vasectomisés considèrent que leur vie sexuelle s’est améliorée et que leur libido s’est même renforcée après l’opération.
Extérioriser le canal déférent
Après vasectomie, 24% des hommes ont signalé avoir eu une complication. Il s’agissait majoritairement d’un hématome scrotal (un cas sur deux) et de douleurs (8,6%) qui, chez certains patients, ont eu un impact sur la qualité de vie. Des douleurs persistantes pendant plus de trois mois ont tout de même été rapportées par 14 patients et une reprise chirurgicale a été nécessaire pour 3% des patients, notamment pour une évacuation d’hématome.
« Le passage à la vasectomie sans scalpel devrait réduire le nombre d’hématomes », a commenté le Pr Huygues. Alors qu’elle est employée depuis très longtemps à l’étranger, cette technique mini-invasive est utilisée depuis seulement un an en France. La vasectomie se fait alors sous anesthésie locale, en ambulatoire. Aux Etats-Unis, où la technique a été introduite dans les années 1980, l’opération a été cette année pour la première fois réalisée dans une unité mobile, le « Nutcracker » (voir encadré).
Contrairement à la vasectomie conventionnelle, qui implique d’ouvrir le scrotum pour intervenir sur les canaux déférents, la vasectomie mini-invasive consiste à extérioriser les canaux à l’aide d’une pince à anneau après avoir réalisé une petite perforation à travers la peau du scrotum. Une fois hors du scrotum, le canal est sectionné, puis une occlusion est réalisée (ligature et cautérisation). L’opération dure une dizaine de minutes.
« Cette technique est simple et aussi, voire plus efficace » que la technique conventionnelle, a précisé le Pr Huygues lors d’une autre présentation dédiée à cette approche. Les recommandations du Comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’AFU (CAMS-AFU) sur la vasectomie, qui devraient être prochainement publiées, précisent que la méthode mini-invasive doit désormais être privilégiée « en raison du taux de complications moins élevé », a précisé l’urologue, qui a participé à la rédaction du document.
Une anesthésie locale délicate
C’est après avoir fait ce constat que le CAMS-AFU s’est mobilisé pour rendre disponible en France les instruments spécifiques à la vasectomie mini-invasive et permettre ainsi une prise en main par les urologues, a indiqué le Pr Huygues. La volonté de s’affranchir de l’anesthésie générale pour réaliser l’opération a également été un argument majeur.
L’anesthésie locale, qui se fait en deux temps, nécessite toutefois une certaine pratique, au risque de provoquer un hématome, a rappelé le Dr Vincent Hupertan (clinique Turin, Paris), invité à témoigner de son expérience dans la vasectomie mini-invasive [3]. L’injection se fait au niveau de la zone de l’incision, puis à travers le canal déférent après l’avoir identifié au toucher.
On estime qu’un accompagnement est nécessaire pendant au moins 20 vasectomies avant de maitriser correctement le geste.
Aux Etats-unis, une vasectomie itinérante
A l’occasion de la journée mondiale de la vasectomie, qui a eu lieu le 12 novembre, la clinique américaine SimpleVas, spécialisée dans cette intervention, a trouvé un moyen original de promouvoir la vasectomie mini-invasive: aller directement à la rencontre des hommes avec une unité mobile, baptisée pour l’occasion la « Nutcracker » (casse-noisette en français). La clinique prévoit de parcourir ainsi l’Etat de l’Iowa pour offrir des vasectomies aux hommes sans couverture sociale.
La clinique vise également à montrer que l’approche mini-invasive, largement utilisée aux Etats-Unis, est simple à réaliser. « Lorsque vous disposez d’un lieu avec de bonnes conditions d’hygiène, propre et confortable, il est possible d’y pratiquer des vasectomies, qu’importe si on se déplace d’un endroit à un autre » a souligné le Dr Esgar Guarin, directeur de la clinique américaine, dans une interview à un média local.
Aux Etats-Unis, les demandes de vasectomie sont également en hausse, surtout depuis la révocation du droit à l’avortement au niveau fédéral par la Cour suprême. Selon le Dr Guarin, « 50% des patients habituellement reçus en un mois ont pris rendez-vous dans les deux jours qui ont suivi l’annulation de l’arrêt Roe vs Wade », qui accordait depuis 1973 aux Américains le droit d’avorter dans tout le pays.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Vasectomie: l’approche mini-invasive enfin privilégiée en France - Medscape - 5 déc 2022.
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