Dépistage organisé du cancer du poumon: où en sommes-nous ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

30 novembre 2022

Paris, France – Organisé depuis 2013 aux États-Unis, le dépistage précoce chez les gros fumeurs ou ex-gros fumeurs a fait ses preuves et voit le nombre de pays en passe d’y adhérer augmenter.

Longtemps, l’un des principaux arguments contre ce dépistage ciblé a été le fort taux de faux positifs rapporté dans la première étude publiée sur le sujet en 2011, l’essai NLST (taux autour de 25 %). Mais, quelques années plus tard, l’essai NELSON, avec une autre méthodologie, a changé la donne en permettant une nette amélioration de la sensibilité de ce dépistage, tout en conservant un impact similaire sur la mortalité, soit une baisse de mortalité par cancer de poumon avoisinant 24 % à 10 ans.

Contrairement à la méthodologie de l’étude NSLT qui considérait que le dépistage était positif en présence d’un nodule > 5 mm, celle élaborée par les investigateurs de l’essai NELSON a tenu compte de l’évolution du volume du nodule dans le temps ce qui a permis, grâce à une surveillance active, d’affiner les résultats.

Démarrage imminent en Europe

Sur la base, notamment, de l’essai NELSON, l’Union Européenne a appelé fin septembre ses états membres à se lancer dans le dépistage du cancer du poumon pour les gros fumeurs actuels et les anciens fumeurs âgés de 50 à 75 ans.

Le Royaume-Uni et la Pologne ont déjà établi un budget institutionnel et lancé des programmes pilotes régionaux de dépistage du cancer du poumon et d'autres pays sont prêts à lancer des évaluations pour des programmes de dépistage à grande échelle.

En ce qui concerne la France, la Haute Autorité de Santé jusque-là réticente à ce dépistage organisé du cancer du poumon, a fait volteface et encourage depuis le début d’année « la mise en place d'expérimentations en vie réelle, et notamment d'un programme pilote par l'INCA, afin de ne pas retarder l'accès à cette modalité de dépistage ».

Ce revirement de la HAS est en partie lié aux résultats positifs d’une étude menée à l’échelle du département de la Somme qui a confirmé l’efficacité et la faisabilité d’un tel dépistage organisé chez les individus volontaires âgés de 54 à 75 ans, ayant fumé au moins 30 paquets-années, soit l’équivalent d’une consommation de 20 cigarettes/jour pendant 30 ans ou 40 cigarettes/jour pendant 15 ans. Une baisse de la mortalité globale de 6,7 % a été rapportée avec un taux de faux positif de 2,4 % (lorsqu’un nouveau scanner à faible dose était réalisé à un an d’intervalle en cas de détection d’un nodule lors du premier examen).

Un retour positif des États-Unis

Outre-Atlantique, le pas a été sauté depuis 2013 avec des premiers retours positifs sur la détection précoce des cancers.

Après avoir approuvé en 2013 le dépistage du cancer du poumon à partir de 55 ans chez les individus asymptomatiques fumant ou ayant fumé 30 paquets-années (20 cigarettes/jour pendant 30 ans ou 40 cigarettes/jour pendant 15 ans), le groupe de travail des services préventifs des États-Unis (USPSTF) a même avancé en 2021 l’âge du dépistage à 50 ans et réduit le seuil d’intensité du tabagisme à 20 paquets-années, ce qui représente presque deux fois plus de personnes éligibles.

Seul bémol, moins de 6 % des fumeurs à haut risque se soumettent, en fait, à un dépistage annuel du cancer du poumon aux États-Unis, selon un rapport de la Société américaine du cancer du poumon. Pourtant, la même association estime qu'environ 48 000 vies pourraient être sauvées chaque année si toutes les personnes éligibles se faisaient dépister.

Témoignant de l’efficacité de ce dépistage ciblé, l’étude américaine SEER (Surveillance, Epidemiology and End Results) présentée à l’ASCO 2022 a montré une baisse du taux de diagnostic des formes avancées de cancers bronchiques de 50 % chez les femmes et de 30 % chez les hommes aux États-Unis entre 2015-2018 (post-dépistage) et 2004-2014 (pré-dépistage).

Aussi, plus récemment, l'étude international Early Lung Cancer Action Program (I-ELCAP) a montré que la découverte précoce du cancer du poumon grâce à un scanner annuel à faible dose améliorait considérablement la survie à long terme. Le taux de survie global à 20 ans pour les 1 285 participants au dépistage ayant reçu un diagnostic de cancer au stade précoce était de 80 %.

Un dépistage coût-efficace ?

L’une des questions soulevées par la mise en place de ce dépistage est celle de son coût.

En Europe, une revue publiée dans la revue Cancers en 2020 a rapporté une série d’analyses sur l’efficience du dépistage ciblé pour différents pays. Elle se révèle en faveur du dépistage.

« Bien que les résultats soient très hétérogènes, même au sein d'un même pays européen, les études indiquent globalement des rapports coût-efficacité différentiel favorables. En effet, toute valeur inférieure à 30 000 £ par QALY gagnée peut être considérée comme une preuve du rapport coût-efficacité. De plus, les développements récents dans le traitement des cas tardifs (avec une immunothérapie coûteuse) sont susceptibles d'améliorer encore le rapport coût-efficacité du dépistage dans la plupart des pays », ont indiqué les chercheurs.

En Allemagne, par exemple, deux études ont trouvé un rapport coût-efficacité différentiel (RCED) de 19 302 € par année de vie gagnée (30 241 € par QALY) et de 16 754 à 23 847 € par année de vie gagnée.

Au Royaume-Uni, deux études ont trouvé un RCED inférieur à 11 000 £ par QALY, tandis que l'étude la plus récente a trouvé un RCED entre 20 000 et 30 000 £ par QALY.

En Pologne, un RCED de 1 353 € par année de vie gagnée a été calculé.

Enfin, pour l'Italie, un RCED de 3 297 € par QALY gagnée et de 2 944 € par année de vie gagnée a été rapporté en 2020. A noter que cette étude publiée en 2020 a inclus l'immunothérapie pour le traitement des stades III et IV.

Dépistage organisé : quelles modalités de lecture des scanners ?

Pour une interprétation optimale des scans, faut-il organiser une double lecture par expert comme dans l’étude NELSON ? Quel rôle peut jouer l’intelligence artificielle dans la détection des anomalies ? Pour répondre à cette question, l’étude pilote CASCADE (AP-HP) cofinancée par le ministère de la Santé et des Solidarités et par l’Inca a été lancée avec pour objectif de démontrer que la lecture des scanners faible dose de dépistage chez 2 400 femmes, fumeuses ou ex-fumeuses, entre 50 et 74 ans, peut être faite par un seul radiologue, formé au dépistage et aidé d’un logiciel de détection.

 

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