Chicago, Etats-Unis – Le traitement par statines est bien associé à une hausse de la glycémie et du diabète de type 2, mais l’effet est très limité et le risque apparait minime par rapport au bénéfice du traitement hypolipémiant sur le plan cardiovasculaire, rapporte une nouvelle méta-analyse, portant sur 23 études pour un total de plus de 150 000 participants inclus [1]. Les résultats ont été présentés lors du congrès AHA2022.
L’analyse montre que le traitement par statine augmente de manière significative le risque de diabète et d’aggravation de la glycémie « par une hausse très légère, mais systématique du glucose » dans le sang, a souligné l’un des auteurs de l’étude, le Dr David Preiss (School of Cardiovascular and Metabolic Health, University of Oxford, Royaume-Uni), lors de sa présentation. L’effet est plus important avec les statines à doses élevées comparativement à des doses plus faibles.
Impact léger sur le taux d’HbA1c
Malgré tout, « les bénéfices des statines sur le plan cardiovasculaire restent majeurs », autant chez les patients ayant un diabète ou un prédiabète que chez ceux qui présentent une glycémie normale, note le cardiologue. Même l’impact des statines à doses élevées sur la glycémie et l‘hémoglobine glyquée (HbA1c) apparait « extrêmement minime » et « n’enlève en rien le bénéfice du traitement par statines ».
Pour illustrer ces différences entre le bénéfice apporté et les risques liés à la hausse de la glycémie, le Dr Preiss a précisé, en se basant sur les résultats de l’analyse, que le traitement de 10 000 personnes par statines à doses élevées pendant 5 ans en prévention secondaire du risque cardiovasculaire induit 150 nouveaux cas de diabète, mais permet d’éviter 1 000 évènements cardiovasculaires.
En prévention primaire, on observerait 130 cas de diabètes en plus et 500 événements cardiovasculaires en moins pour 10 000 patients à haut risque cardiovasculaires traités par statines à doses élevées.
Dans cette méta-analyse, les auteurs ont colligé les données de 19 études randomisées contre placebo pour un total de 123 940 participants, dont 21% de diabétiques, suivis pendant 4,3 ans en moyenne, auxquelles ils ont ajouté celles de 4 études comparant des statines chez 30 734 participants suivis pendant 4,9 ans. Les études ont évalué l’atorvastatine, la fluvastatine, la lovastatine, la pravastatine, la rosuvastatine et la simvastatine.
Un effet plus marqué chez les diabétiques
L’analyse montre que le traitement par statine à dose élevée augmente les taux de diabète et de glycémie aggravée respectivement de 36% et 24%, par rapport au groupe contrôle.
Sous statines à doses intermédiaires ou faibles, ces taux sont accrus de 10%. L’effet n’est pas impacté par la durée des traitements, le type de statine ou par des facteurs liés au patient (âge, sexe, présence d’un diabète, d’une insuffisance rénale…).
Un traitement par statine à dose élevée entraine une hausse moyenne de 0,08% de l’hémoglobine glyquée HbA1c chez les personnes non diabétiques lors de l’inclusion et de 0,24 % chez les diabétiques. Pour rappel, un taux d’HbA1c ≥ 6,5% est considéré comme un critère diagnostique du diabète.
Concernant la glycémie, elle augmente en moyenne de 0,04 mmol/L (moins de 1 mg/dL) chez les non diabétiques et de 0,22 mmol/L (environ 4 mg/dL) chez les diabétiques. Une glycémie normale à jeun est comprise entre 70 et 110 mg/dL. Avec les statines à doses inférieures, les hausses sont plus faibles, mais restent significatives.
« Nous ne parlons pas de patients passant d’une absence de diabète à un diabète confirmé, mais plutôt d’un traitement par statines amenant un très petit nombre de patients en prédiabète à franchir le seuil de l’HbA1c à 6,5%, un seuil en soi assez arbitraire puisqu’il a été fixé sur la base d’un risque accru de développer une rétinopathie », a précisé le Dr Preiss.
En appliquant cet effet sur la cohorte UK Biobank, qui rassemble les données de plus de 500 000 sujets britanniques âgés de 40 à 69 ans, la prévalence des d’une HbA1c ≥ 6,5% passerait de 4,5% à 5,7%, a précisé le cardiologue. Dans cette cohorte, l’HbA1c médian est de 5,5%.
Plus bénéfique chez les diabétiques
Plusieurs cardiologues présents lors de la session ont également estimé qu’au regard de ces résultats, le bénéfice du traitement par statine sur le plan cardiovasculaire supplante largement les risques liés à l’effet diabétogène des hypolipémiants.
« Il est clairement démontré que le faible risque d’hyperglycémie associé à l’utilisation des statines est plus que contrebalancé par son avantage en termes de réduction des évènement cardiovasculaires », a commenté le Dr Neil Stone (Northwestern University, Chicago, Etats-Unis) auprès de nos confrères américains.
« Pour les personnes avec un prédiabète, la légère hausse de la glycémie associée aux statines ne devrait pas les dissuader de prendre le traitement puisque le bénéfice apporté est important. Elles devraient plutôt focaliser leurs efforts sur l’amélioration de leur alimentation, l’augmentation de l’activité physique ou le contrôle du poids ».
Le cardiologue spécialisé en prévention a rappelé que dans l’essai JUPITER, des patients à risque de diabète mis sous traitement par rosuvastatine à haute dose (20 mg/jour) ont développé plus rapidement un diabète (en 5,4 semaines environ), comparativement au groupe contrôle, mais le bénéfice du traitement sur le plan cardiovasculaire est apparu nettement significatif [2].
Egalement interrogé, la Dr Brenda Everett (Brigham and Women's Hospital, Boston, Etats-Unis) s’est montrée du même avis. « Je suis d’accord avec le Dr Preiss: les avantages des statines sur le risque d’arrêt cardiaque, d’accident vasculaire cérébral et de décès cardiovasculaire l’emportent largement, comparativement aux effets modestes sur la glycémie ».
« C’est particulièrement vrai pour les personnes atteintes de prédiabète ou de diabète, qui présentent un risque élevé d’événements liées à l’athérosclérose et qui peuvent, par conséquent, bénéficier plus particulièrement du traitement par statines. »
Une action sur la glycémie mal comprise
Pour le Dr Marc Sabatine (Harvard Medical School, Boston, Etats-Unis), « ces résultats confirment qu’il existe un risque [avec les statines], mais le point le plus important est que la différence de HbA1C est très, très légère. Cette information est connue depuis longtemps, mais l’analyse a été menée de manière rigoureuse. »
Cette « légère hausse du diabète » est liée au fait que le traitement peut pousser certains patients au-delà du seuil définissant le diabète », poursuit le cardiologue. « Cela ne doit pas dissuader de traiter les patients de manière intensive pour réduire leur risque cardiovasculaire. Il faut surveiller leur niveau d’HbA1c et s’il augmente et qu’il ne peut pas être contrôlé par des changements de mode de vie, on dispose d’autres médicaments pour le faire ».
L’effet des statines sur la glycémie n’est pas encore bien expliqué. Des recherches suggèrent qu’il s’agirait d’une conséquence directe de l’inhibition de l'hydroxyméthylglutaryl-CoA réductase (HMG-CoA réductase), impliquée dans le métabolisme du cholestérol.
Cet article a été publié dans l’édition anglaise de Medscape.com sous le titre Statins Boost Glycemia Slightly, but CVD Benefits Prevail. Traduit et adapté par Vincent Richeux.
Les Drs Preiss et Stone n’ont pas déclaré d’intérêt en lien avec le sujet.
Le Dr Everett a des liens avec Eli Lilly, Gilead, Ipsen, Janssen et Provention.
Le Dr Sabatine a des liens avec Althera, Amgen, Anthos Therapeutics, AstraZeneca, Beren Therapeutics, Bristol-Myers Squibb, DalCor, Dr Reddy's Laboratories, Fibrogen, Intarcia, Merck, Moderna, Novo Nordisk et Silence Therapeutics
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Statines: la hausse de la glycémie compensée par le bénéfice cardiovasculaire - Medscape - 30 nov 2022.
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