Paris, France – Accusé par certains syndicats d’avoir joué contre son camp en défendant la délégation de tâches, le nouveau président de l’Ordre des médecins, le Dr François Arnault, veut rassurer la profession. S’il soutient le transfert de certains actes pour permettre de dégager du temps médical et ainsi améliorer l’accès aux soins, il s’oppose catégoriquement au contournement du médecin et refuse l’accès direct aux infirmiers. Explications.
La nouvelle équipe dirigeante du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a fort à faire depuis son élection, fin juin. En plus de la grave crise démographique que traverse la profession, elle doit faire face à un contexte social rendu compliqué par les attaques parlementaires contre la liberté d’installation des praticiens mais aussi à la négociation de la future convention qui s’annonce, elle aussi, compliquée. Des syndicats de médecins libéraux appellent leurs confrères à fermer leur cabinet les 1er et 2 décembre pour réclamer une revalorisation de la consultation.
Déléguer ou déréguler ?
La position défendue par l’Ordre ces dernières semaines, en faveur de la délégation de tâches pour lutter contre la désertification médicale en dégageant du temps aux médecins, n’est pas du goût de toute la profession. Les syndicats de praticiens libéraux déplorent en effet cet engagement ordinal. Pour les uns, le risque est grand de « déréguler » le métier. Pour les autres, cela achèverait le dispositif du médecin traitant déjà mal en point, 6 millions de Français en étant dépourvus.
Les propositions du Comité de liaison des Ordres (Clio) de « développer le partage d’actes et d’activités entre médecins et autres professionnels de santé » et les « transferts d’activités » sur lesquelles le ministère de la Santé a communiqué avec empressement le 13 octobre, ont agacé plus d’un syndicaliste. Au point que dès le 3 novembre, l’Ordre des médecins a tenté de corriger le tir en cosignant avec les syndicats de médecins libéraux un communiqué commun pour réaffirmer « le rôle incontournable du médecin traitant ». « La compétence médicale est seule à même de poser un diagnostic et d’établir un plan de soins », assénaient les signataires.
Retrouver du temps pour soigner
Déléguer sans être contourné, tel est donc le dilemme devant lequel se trouvent les médecins. Jeudi 24 novembre, le Dr François Arnault a tenté de justifier la position de l’Ordre devant la presse. « Plus de 650 000 patients en ALD se trouvent sans médecin traitant, les difficultés d’accès aux soins touchent tout le territoire, cet état de fait est inacceptable pour les médecins, il faut qu’ils se mobilisent pour proposer des solutions », a-t-il analysé.
Les médecins ne poussant pas sous les sabots d’un cheval, il apparaît au président de l’Ordre qu’« on ne trouvera pas de solutions si les praticiens ne travaillent pas avec les autres professionnels de santé ». L’ORL retraité maintient que la délégation de tâches est davantage une solution qu’un problème, devant permettre aux médecins de dégager du temps de soins. « Tout doit être organisé pour que les patients puissent avoir accès à un médecin, a-t-il argumenté. On ne peut pas imaginer un système de santé à deux vitesses avec d’un côté des patients qui auraient accès à un médecin et à un diagnostic et d’autres qui n’en auraient pas. »
Non à l’accès direct des infirmiers
Le patron de l’Ordre des médecins refuse en revanche que l’accord du Clio amène certaines professions paramédicales, à l’instar des infirmiers, à revendiquer l’accès direct à leur profession. « Nous ne nous sommes pas engagés dans une discussion avec les autres professions de santé pour organiser le remplacement du médecin par une autre profession », affirme le Dr Arnault. Le patron de l’Ordre estime que l’accès direct des infirmiers poserait des questions de formation et de responsabilité. « Demander à un infirmier de prendre en charge la douleur d’une épaule, est-ce raisonnable ? Est-il formé pour détecter qu’il s’agit d’une douleur d’origine mécanique, une tendinite ou dire que c’est une douleur coronarienne ? Non, et ce n’est pas bien de lui demander de le faire. »
Le texte commun – signé dans le cadre du Clio par les Ordres (des kinés, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, dentistes, pédicures-podologues et médecins) et promu par le ministre de la Santé – prévoit que dans les territoires où le patient peine à accéder à un médecin, un professionnel de santé peut le mettre en contact le plus vite possible avec un service d’accès aux soins (SAS), un service d’urgence si nécessaire, et l’aide à entrer dans une équipe de soins coordonnées. Pour certaines professions paramédicales, la tentation est grande de demander un accès direct aux patients. « Or, il n’est écrit nulle part que les kinés ou les infirmiers auront un accès direct, tempête le Dr Arnault […] On n’a pas compris la même chose de ce qu’on a signé. »
L’élargissement des compétences au programme
Le président de l’Ordre des médecins s’est en revanche déclaré favorable à ce que des infirmiers puissent établir les certificats de décès, comme le prévoit un article du PLFSS. « Il faut penser aux familles qui attendent parfois 24h pour avoir le certificat de décès et entamer la prise en charge par les pompes funèbres. Ce n’est pas admissible. Refuser l’intervention des infirmiers ne serait pas déontologique. »
En dépit de cette mise au point de l’Ordre des médecins, la question des délégations de tâches est bel et bien dans les tuyaux. Elle figure parmi les priorités inscrites par le ministre de la Santé dans sa lettre de cadrage des négociations conventionnelles. Dans un entretien au Quotidien du Médecin, la ministre déléguée chargée des professions de santé prévoit des élargissements et des enrichissements de compétences. « Il y a vingt professions sur lesquelles nous sommes en train de travailler, une par une, en regardant leurs compétences et leurs actes », affirme-t-elle. […] « Pourquoi les infirmières libérales peuvent-elles, par exemple, prescrire les pansements mais pas les antiseptiques pour faire leurs soins ? Poser la question, c'est déjà y répondre. »
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Citer cet article: L’Ordre soutient la délégation de tâches mais refuse le contournement du médecin - Medscape - 30 nov 2022.
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