Paris, France - Jusqu’alors, les études soutenant les durées d’antibiothérapie en cas d’infection urinaire chez l’homme étaient parcellaires et rétrospectives.
De récents essais randomisés permettent d'asseoir les recommandations sur des analyses plus solides.
En résumé, une infection urinaire non fébrile se traite pendant 7 jours, et une infection urinaire fébrile pendant un minimum de 14 jours, afin de maximiser le succès clinique et microbiologique.
Revue de littérature avec le Dr Matthieu Lafaurie, de l’unité transversale d’infectiologie U21 (Hôpital Saint Louis, Paris) au 116e congrès français d’urologie ( AFU 2022 ) [1].
Infections urinaires chez l’homme, que préconisent les recommandations ?
L’European Association of Urology (EAU) considère dans un texte actualisé en 2022 que la « cystite chez l’homme sans atteinte de la prostate est rare et doit être classée comme infection compliquée. Par conséquent, un traitement avec des antimicrobiens pénétrant le tissu prostatique est nécessaire chez les hommes présentant des symptômes d’infection urinaire. » Concernant les prostatites, la classification du National Institute of Health (NIH) américain distingue la prostatite aigüe (symptômes d’infection urinaire ; Stade I) de la prostatite chronique (infection récidivante par un même micro-organisme ; Stade II).
Si la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) opère une distinction entre une infection urinaire masculine fébrile ou non fébrile, en revanche, la société savante ne tient pas compte de la notion de fièvre dans la décision du choix et de la durée des antibiotiques : un minimum de 14 jours de traitement est recommandé si l’on opte pour les fluoroquinolones, la triméthoprime-sulfaméthoxazole (cotrimoxazole) ou les bêtalactamines injectables, et au moins de 21 jours pour les autres molécules ou s’il existe une uropathie sous-jacente non corrigée.
Pour sa part, l’EAU préconise pour traiter les cystites une durée de traitement d’au moins 7 jours, de préférence au moyen de la triméthoprime-sulfaméthoxazole ou une fluoroquinolone en fonction du test de sensibilité. En cas de prostatite aiguë, la durée du traitement par fluoroquinolones doit être au moins de 14 jours.
Que disent les études dans les infections urinaires non fébriles de l’homme ?
Si les hommes sont inclus dans les études de traitement des cystites compliquées, c’est de façon variable et minoritaire, tout au plus 10 % des participants. Quant aux quelques données spécifiques chez l’homme, à commencer par les infections urinaires non fébriles, celles-ci sont essentiellement rétrospectives et portent sur de faibles effectifs. L’une d’entre-elles est une cohorte de ville (2013-2014) [2] incluant 422 hommes (18-104 ans) présentant une infection urinaire non fébrile (dysurie aiguë, pollakiurie et/ou urgenturie, température <38 °C, pas de signes généraux). Un traitement antibiotique avait été prescrit dans 60 % des cas et, dans plus de 55 % des cas, sa durée était comprise entre 1 et 7 jours par cotrimoxazole, quinolones et nitrofurantoïne.
Une autre étude a montré, toujours de manière observationnelle et rétrospective, l’intérêt de la nitrofurantoïne (50 mg/8h dans 94 % des cas ; 69 patients au total) et du pivmecillinam (200 mg/8h pour 65 % des patients, 200 mg/12h pour 30 % des patients ; 57 patients) dans le traitement d’une infection du bas appareil urinaire chez l’homme [3], avec une durée médiane de traitement de 7 jours. Les taux d’échec étaient de 1,4 % et 12 %, respectivement. Comparé au traitement considéré comme la référence, le triméthoprime (10 jours/800 mg/12 h ; 45 patients), les rechutes sont de 11 % et de 26 % pour la nitrofurantoïne et le pivmecillinam, contre 7 % pour la triméthoprime. Les taux de rechute les plus importants sont constatés pour le pivmecillinam lorsque le traitement est donné pendant moins de 7 jours.
C’est le seul facteur de risque de re-traitement antibiotique et/ou de rechute, sans différence significative entre les trois molécules sur les autres paramètres (symptômes d’infection urinaire, hypertrophie bénigne de prostate, cancer de la prostate, bactérie à gram positif, etc.).
Une autre étude rétrospective, européenne, parue en 2015 sur la nitrofurantoïne [4] a analysé le cas de 485 patients (100mg x2/jour dans 71 % des cas). La guérison clinique était définie par l’absence de signes urinaires 14 jours après la fin du traitement. Le taux de guérison était de 77 % et une meilleure efficacité était obtenue en cas de bactérie gram négatif (versus gram positif). Succès ou échec, la durée du traitement ne différait pas significativement (succès clinique lorsque le traitement était pris pendant 8,6 +/- 3,6 jours et échec lorsque le traitement était pris pendant 9,3 +/- 6,9 jours ; p= 0,28).
A propos du pivmecillinam, une cohorte rétrospective 2010-2016 [5] incluant 21 864 adultes dont 2524 hommes ayant reçu un traitement empirique par pivmecillinam (400 mg x3/jour) pour bactériurie significative à E. Coli et une infection urinaire basse, a conclu que chez les hommes, le taux de succès était identique que le traitement dure 5 ou 7 jours.
Une autre cohorte rétrospective américaine [6] de ville (urologues, médecins généralistes, services de médecine interne) a réuni 573 hommes entre 2011-2015 souffrant d’une infection urinaire basse non fébrile et ayant reçu un traitement antibiotique par fluoroquinolones (69,7 %), cotrimoxazole (21,2 %), nitrofurantoïne (5, 3%), triméthoprime, bêtalactamine ou aminoside. Aucun avantage clinique à traiter une infection des voies urinaires chez l’homme pendant plus de sept jours n’a été mis en évidence.
Quelques données existent sur l’emploi de la fosfomycine. Une cohorte rétrospective observationnelle [7] comprenant 25 hommes sur 52 adultes (leucocyturie et E.Coli > 105, BSLE) traités par fosfomycine trométamol selon le schéma 3g à J1, J3 et J5 chiffrait le succès clinique et microbiologique à 94 % et 78,5 % respectivement, sans distinguo entre les sexes. Ce résultat est confirmé par une autre cohorte, elle aussi rétrospective observationnelle chez les adultes (18 hommes sur 75 adultes, sans fièvre ni hyperleucocytose), fondée sur le même schéma d’administration de la fosfomycine trométamol [8]. Le taux de guérison clinique ou un ECBU stérile était de 69 % à 13 jours. Le facteur de risque d’échec était, comme attendu, une infection à K. Pneumoniae, peu sensible à la fosfomycine contrairement à E. Coli.
Enfin, l’étude la plus récente en ce domaine est parue en 2021[9]. Elle est également la première étude randomisée en double aveugle contre placebo. 272 hommes de plus de 18 ans avaient reçu pour 7 à 14 jours une prescription soit de ciprofloxacine, soit de cotrimoxazole pour soigner une infection urinaire non fébrile. Ils devaient présenter au moins un signe clinique typique d’infection urinaire parmi ceux-ci : dysurie, pollakiurie, urgenturie, hématurie, douleur de l’angle costo-vertébral, ou du périnée ou du flanc ou sus-pubienne. L’ECBU n’était pas nécessaire, l’approche étant uniquement syndromique. Le traitement était prescrit pour 7 jours, avec un tirage au sort à J8 pour le traitement pris pendant les 7 jours suivants, (molécule ou placebo). Sur le critère principal, à savoir la résolution des signes cliniques d’infection urinaire 14 jours après l’arrêt du traitement, en intention de traiter ou en per-protocole, la différence d’efficacité entre les deux molécules est largement en dessous des 10 % requis, d’où une non-infériorité de la durée de traitement de 7 jours comparé à 14 jours.
« En 2022, concernant la durée du traitement de l’infection urinaire masculine non fébrile, les éléments de preuve, pas tout à fait irréfutables, s’accumulent néanmoins en faveur de la possibilité d’un traitement sur 7 jours (voire 5), a indiqué le Dr Matthieu Lafaurie. Il est possible d’utiliser les fluoroquinolones (ofloxacine, lévofloxacine, ciprofloxacine) et le cotrimoxazole mais également d’autres antibiotiques comme le pivmecillinam, la nitrofurantoïne, ou la fosfomycine trométamol, même s’ils diffusent moins facilement dans la prostate ; un intérêt d’ailleurs pas si évident. »

D’après la présentation du Dr Matthieu Lafaurie (CFU2022)
Quelles études dans l’infection urinaire fébrile ?
En ce qui concerne l’infection urinaire fébrile, une étude prospective monocentrique ancienne (2003) [10] ayant randomisé en ouvert 72 hommes hospitalisés selon la durée de délivrance (deux contre quatre semaines) de ciprofloxacine 500 mg x2/jour a constitué l’argument majeur pour justifier la recommandation d’une antibiothérapie de 14 jours.
Une autre étude de non-infériorité parue en 2017, randomisée contre placebo [11], comparait le traitement 7 ou 14 jours par ciprofloxacine 500 mg au placebo 2x par semaine. Chez l’homme, 7 jours d’antibiothérapie est inférieur à 14 jours lors d’un suivi à court terme mais il n’est pas inférieur lors d’un suivi plus long.
Une étude décisive actuellement en phase de soumission peut trancher le débat. « Dans notre essai de non-infériorité multicentrique randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo [12], nous avons inclus 240 hommes de plus de 18 ans souffrant d’une infection fébrile documentée par une fièvre de 38 °C ou plus, des signes cliniques d’infection et une leucocyturie au moins supérieure à 10/mm3 et une durée des symptômes de moins de 3 mois », a détaillé le Dr Matthieu Lafaurie, le coordinateur de l’essai.
Le critère principal d’efficacité était le succès microbiologique et clinique à 6 semaines. Les patients recevaient soit de l’ofloxacine, soit de la ceftriaxone ou de la cefotaxime (deux céphalosporines de troisième génération, appartenant à la famille des bêtalactamines).
« Nous montrons de façon nette que pour une durée de 7 jours, le taux de succès clinique est de 55,7 % et, pour une durée de 14 jours, celui-ci atteint 77,6 % », ceci sans différence en termes d’effets indésirables ni de sélection de germes résistants. Les facteurs prédictifs de succès sont un traitement de 14 jours et un âge inférieur à 50 ans ».
« Au contraire de l’infection urinaire de l’homme non fébrile, en cas d’infection urinaire fébrile une durée de 7 jours est insuffisante, et un minimum à 14 jours est requis pour viser un succès clinique et microbiologique », a conclu Matthieu Lafaurie.
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Citer cet article: Prostatites : quelle durée d’antibiothérapie ? - Medscape - 29 nov 2022.
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