France – À l'occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, ce vendredi 25 novembre, la Haute Autorité de santé (HAS) publie un nouvel outil, court et très pratique (1 page A4), pour encourager les médecins généralistes à questionner systématiquement toutes leurs patientes sur l'existence de violences conjugales, actuelles ou passées [1]. Testé auprès de médecins volontaires, il a permis d’augmenter de façon notoire le nombre de femmes questionnées [2]. Pour favoriser son adoption par l’ensemble des professionnels de premier recours, la HAS le diffuse désormais au niveau national [3].
Le rôle-clé des médecins généralistes
Qu’elles soient psychologiques, verbales, physiques, sexuelles, économiques, toutes les femmes, quel que soit leur statut socio-économique, leur âge, leur orientation sexuelle, leur état de santé, leur handicap peuvent être concernées par les violences dirigées contre elles (encadré chiffres). C’est pourquoi dans ses travaux sur le « Repérage des femmes victimes de violences au sein du couple » publiés en 2019, la HAS recommande aux professionnels de santé de premier recours de questionner leurs patientes lors de la consultation, même en l'absence de signes d'alerte, sur d'éventuelles violences conjugales actuelles ou passées. En pratique, il semble que très peu de femmes ayant consulté un médecin généraliste au cours des 18 derniers mois se rappellent avoir été interrogées sur ce sujet. Cette recommandation est peu appliquée, – 3% selon une enquête barométrique menée par l'institut BVA* pour la HAS.
Pourtant, le médecin a un rôle-clé. « D'ailleurs, plus de 8 femmes sur 10 estiment que c'est important, légitime et rassurant que le médecin questionne ses patientes au sujet des violences, et 96 % considèrent qu'un questionnement systématique est une bonne chose » écrit la HAS. En revanche, il est vrai qu’aborder la question de la violence conjugale n’est pas chose aisée et les obstacles nombreux : certains professionnels de santé n’ont pas connaissance de cette recommandation, d’autres manquent de formation (ampleur du problème, phénomène d'emprise…), ont peur de dégrader la relation avec la patiente, ressentent un sentiment d'impuissance face à la situation…
*Étude BVA pour la HAS, octobre 2022, sur un échantillon national représentatif en termes d'âge, CSP du foyer, région et taille d'agglomération, de 875 femmes ayant consulté un médecin généraliste (traitant ou non) au cours des derniers 18 mois au cabinet ou en téléconsultation.
Étude randomisée sur 1 153 médecins généralistes
Pour les aider dans cette tâche difficile, la HAS a d’abord élaboré deux outils pratiques, une recommandation simplifiée et un questionnaire qu’elle a fait tester par des chercheurs de l'équipe de sciences comportementales de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) auprès de médecins recrutés grâce à un e-mail envoyé par le médecin conseil de l’Assurance Maladie. L’expérimentation a pris la forme d’une étude randomisée dans laquelle l’échantillon de 1 153 médecins inscrits a été divisé de manière aléatoire en deux groupes : le groupe Intervention qui a reçu les solutions proposées et le groupe Contrôle qui n’a reçu aucune solution.
Résultat : les médecins ayant reçu la recommandation simplifiée et le questionnaire de prévention ont augmenté le nombre de femmes questionnées de 76 %, ce qui représente 2 femmes de plus questionnées chaque semaine.
« Cette augmentation est importante et encourageante, ont considéré les chercheurs du DITP [2]. Les solutions fournies permettent donc d’encourager les médecins à dépister plus souvent, mais pas encore de manière systématique car les femmes questionnées restent toutefois une minorité : entre 4,5 % et 8 % des patientes vues, respectivement dans les groupes Contrôle et Intervention.
« Ça fait réfléchir le patient même si ça n’aboutit pas toujours dans la consultation qui suit. Ça peut être une graine semée pour plus tard » a commenté l’un des médecins participant. Il n’empêche que plus de 4 médecins sur 10 rapportent ne pas être à l’aise avec le fait de questionner leurs patientes à propos des violences conjugales des taux sont similaires dans les deux groupes (Contrôle et Intervention). Une des façons de réduire le nombre de réactions perçues comme négatives, ainsi que la gêne des médecins, peut être de prévenir les femmes que le médecin peut être amené à les interroger à ce sujet avant leur consultation (par le biais d’un poster en salle d’attente par exemple), considère les chercheurs – une recommandation reprise par la HAS.
L’essentiel en 1 page
Au vu de ces résultats néanmoins encourageants – et après quelques ajustements –, la HAS a décidé de déployer au niveau national un outil d'aide au repérage des violences conjugales. Contrairement au questionnaire, la recommandation simplifiée ayant beaucoup plu, notamment les conseils et les accompagnements à proposer, qui permettent de former et d’outiller des médecins souvent réticents de dépister sans savoir que faire ensuite, c’est ce document qui a été choisi par la HAS (voir fiche ci-dessous).

Pourquoi dépister ? Quand et comment dépister ? Que faire en cas de violences ? Le médecin généraliste trouvera donc les réponses à ces questions sur ce document d'une page. C’est aussi l'occasion pour la HAS de rappeler que les médecins « peuvent s'appuyer sur les acteurs du secteur social, associatif, médico-social et judiciaire, pour initier des actions concrètes adaptées aux besoins de la patiente ».
Voir aussi les conseils du Dr Ghada Hatem, gynécologue obstétricien et fondatrice de La Maison des femmes (Saint-Denis) – membre du groupe de travail.
Dans les suites de ce projet, la HAS prévoit de poursuivre ses efforts pour améliorer l’appropriation de cette recommandation par les professionnels : elle organisera notamment un webinaire sur le sujet des violences conjugales en 2023. Elle mesurera par ailleurs, en reproduisant l’enquête barométrique BVA à échéance régulière, l’évolution de la mise en œuvre de cette recommandation en médecine générale.
Violences conjugales en chiffres
En moyenne en France, 219 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur ancien ou actuel partenaire intime, au cours d’une année ;
Seulement 19 % de ces victimes déclarent avoir déposé une plainte auprès de l’autorité (gendarmerie ou commissariat de police) à la suite de ces violences ;
En 2018, 121 femmes ont été tuées dans un contexte de violences au sein du couple (122 en 2021) ;
Vingt et un enfants mineurs sont décédés, ont été tués cette même année, sur fond de conflit conjugal ;
Les femmes restent les premières victimes de violences conjugales, mais il faut rappeler que les hommes peuvent aussi être victimes de ces violences.
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Citer cet article: Violences faites aux femmes : la HAS publie un document pratique et concis pour aider au repérage par les MG - Medscape - 25 nov 2022.
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