Paris, France — Une intersyndicale a lancé une enquête auprès des étudiants en médecine pour mesurer les conséquences (néfastes) de l'ajout d'une quatrième année dans le DES de médecine générale. Résultat : plus de la moitié de ceux qui comptaient s'engager en médecine générale songent à y renoncer.
Enquête sur les réseaux sociaux
Alors que le gouvernement a une nouvelle fois usé de l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter définitivement le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, une intersyndicale étudiante, en prélude à la manifestation du 17 novembre, avait organisé une conférence de presse pour rendre publique une étude sur les conséquences, pour les étudiants en médecine, du vote de l'une des mesures de ce PLFSS : l'ajout d'une quatrième année au DES de médecine générale. « Nous ne nous attendions pas à des chiffres aussi alarmants. Oui, les étudiants vont mal. Nous le savions. Oui, nous savions aussi que cet état allait de mal en pis. À ce point ? Personne ne pouvait le prédire », a notamment déclaré Yaël Thomas, le président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), qui participe à l’intersyndicale, aux côtés de l'Isni, de l'Isnar, de Réagjir, de la FMF, la CSMF, et MG France.
Cette enquête a été effectuée entre les 9 et 13 novembre 2022, sur les réseaux sociaux et par mails, auprès de quelque 6562 étudiants dont 2252 étudiantes de premier cycle et 4310 étudiants de deuxième cycle. « Cet état des lieux se compose de deux parties principales : la première concerne l’attractivité de la médecine générale et de l’exercice de la médecine en France au vu du contexte politique, la deuxième étudie l’impact des dernières annonces sur le bien-être étudiant, notamment celles concernant la mise en place de la quatrième année au DES de médecine générale », détaille l'intersyndicale.
Attractivité de la médecine générale
Sans surprise, les étudiants interrogés sont désenchantés, pour ne pas dire désespérés par les mesures prises par le Parlement. Avant l'annonce de l'ajout d'une quatrième année de médecine générale, « 31,3 % des étudiants en médecine désiraient la médecine générale en tant que premier choix parmi les 44 spécialités possibles, et 43,5 % d’entre eux l’envisageaient sans que cela ne soit leur premier choix ». Après l'annonce de l'ajout d'une quatrième année, la moitié des étudiants qui pensaient choisir médecine générale en premier choix n'en sont plus sûrs, tandis que 7,7% d'entre eux ont définitivement renoncé à cette spécialité. Parmi les étudiants qui envisageaient la médecine générale, (soit 43,5%) en choix non prioritaire, la moitié d'entre eux ont exclu définitivement la possibilité de choisir médecine générale, et seulement 1 étudiant sur 5 l'envisage comme spécialité secondaire. « J'hésitais entre médecine d'urgence et médecine générale, aujourd'hui l'incertitude quant au déroulement de la 4ème année vient peser dans la balance en défaveur de la médecine générale », témoigne une étudiante qui a répondu à cette enquête.
Exercice à l’étranger
La réforme du DES de médecine générale entraine également une fuite des étudiants hors de France. « Avant l’annonce de l’ajout d’une quatrième année au DES de médecine générale, seulement 1,8 % des étudiants, dont le premier choix était la médecine générale, pensaient poursuivre leurs études ou exercer à l’étranger. Cependant depuis les annonces gouvernementales, 5,2 % de ces étudiants sont maintenant sûrs d’aller exercer à l’étranger et plus d’un sur deux l’envisagent ».
Coercition
Mais la quatrième année de médecine générale n'est pas le seul repoussoir de ce PLFSS. D'autres articles du PLFSS tendent à rendre obligatoires les consultations dans les déserts médicaux, ou encore imposent aux jeunes médecins un conventionnement sélectif. Ces mesures ont pour conséquence d'organiser la fuite des cerveaux : « Avant ces annonces, 94,7 % des étudiants dont la médecine générale n’était pas le premier choix souhaitaient s’installer en France. En revanche, depuis le dépôt de toutes ces propositions, 56,9% d’entre eux réfléchissent de plus en plus à exercer en dehors de la France et 3,5% des étudiants sont sûrs d’exercer dans un autre pays », établit l'intersyndicale.
Anxiété
À très court terme, ces décisions prises dans le cadre du PLFSS ont donc aussi eu un impact majeur sur la santé mentale des étudiants en médecine. Depuis la mise en place d’une quatrième année au DES de médecine générale dans le PLFSS, un peu plus de 4 étudiants sur 5 (81,1 %) ont l’impression de ressentir davantage d’anxiété et, parmi eux, 92,1 % pensent que ce regain d'anxiété est “plutôt” ou “entièrement lié” au contexte et aux annonces politiques de ces dernières semaines. Parmi les témoignages recueillis par l'intersyndicale, celui de cette étudiante est éloquent : « Depuis le passage en force 49,3 je ne dors plus aussi bien. J’ai des attaques de panique en pensant à mon avenir. J’avais un plan. Je me voyais dans 4 ans finir mes études et avoir ma vie de famille…
J’ai deux enfants ! Et là, l’idée de devoir partir un an sans les voir tous les jours est impensable ! »
Selon l'intersyndicale, 66% des étudiants ont moins de motivation à travailler depuis l'annonce des réformes du DES de médecine générale. L'intersyndicale demande le retrait de cette quatrième année, mais aussi de tout projet visant à réguler l'installation des médecins. « Certains pourraient dire “Ce n’est qu’une année supplémentaire ! Ils nous doivent bien ça.” Non ! Ce n’est pas QU’UNE ANNÉE supplémentaire. Si la colère était jusque-là silencieuse, cela fait des années qu’elle monte et que les étudiants subissent sans broncher la casse de leurs études et la destruction sous leurs yeux du système de santé dans lequel ils souhaiteraient exercer », a déclaré Yaël Thomas, président de l'Anemf.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: L’ajout d’une 4ème année décourage près de la moitié des étudiants à choisir la médecine générale - Medscape - 25 nov 2022.
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