Alerte sur la pénurie d'amoxicilline : infectiologues et pédiatres force de propositions

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

24 novembre 2022

France – Dans un communiqué commun, pédiatres et infectiologues* alertent sur l’imminence d’une « crise majeure de Santé Publique en pédiatrie », conséquence de la pénurie d’amoxicilline et d’amoxicilline-acide
clavulanique[1]. Les ruptures de stock concernent actuellement les 2 antibiotiques les plus prescrits en pédiatrie, soit 60 à 70 % des prescriptions.

« Cette crise pourrait représenter, en termes de morbi-mortalité, un risque supérieur à celui de l’épidémie de bronchiolite », craignent les médecins qui demandent « la mise en place d’une cellule de crise ou d’un conseil scientifique auprès du ministère de la Santé et de la Prévention dans les plus brefs délais ».

Pour les médecins, « les stocks des alternatives aux formes pédiatriques d’amoxicilline ne permettront pas de tenir au-delà de quelques semaines ». Or, « le report sur les formes adultes, par effet domino, induit un risque majeur de pénurie des présentations d’amoxicilline « adultes » encore « disponibles », suivi très rapidement d’un risque majeur de pénurie des alternatives adultes ». « La situation va s’avérer très compliquée à gérer ».

 
Les stocks des alternatives aux formes pédiatriques d’amoxicilline ne permettront pas de tenir au-delà de quelques semaines.
 

Les mesures d’urgence

Les infectiologues et les pédiatres demandent que soit mise en place rapidement une campagne d’information auprès des professionnels de la santé, des associations de patients et du grand public sous l’égide du ministère des solidarités et de la santé. Mais aussi, d’inclure les médecins généralistes dans toutes les réflexions et prises de décision futures.

Ils appellent à une restriction drastique des prescriptions d’antibiotiques par un ensemble de mesures dont des modifications des conditions de délivrance.

« Il sera probablement nécessaire de revoir un grand nombre de recommandations et de les faire appliquer de façon plus contraignante », soulignent-ils.

 
Il sera probablement nécessaire de revoir un grand nombre de recommandations et de les faire appliquer de façon plus contraignante.
 

Adapter les recommandations selon deux niveaux possibles de pénurie

Les experts ont envisagé d’adapter les recommandations à deux scénarios de pénurie, au-dessus et en-dessous de 40 %.

Si le déficit ne dépasse pas 40%, l’application stricte des recommandations HAS/
SPILF/GPIP en vigueur [2,3] chez l’adulte et chez l’enfant devrait suffire :

-Éliminer toutes les prescriptions injustifiées : rhinopharyngite, bronchite, angine non streptococcique (TDR obligatoirement positif avant traitement et certifié sur l’ordonnance), angine avant 3 ans, otite congestive, otite de diagnostic incertain, otite séreuse, bronchiolite, laryngite, fièvre non expliquée, bronchite aiguë, suspicion de pneumonie sans examen de confirmation (Radiographie ou échographie, dosage de la CRP sérique), crise d’asthme fébrile.

-Toute prescription de ces antibiotiques en téléconsultation doit être proscrite.

-Trouver des moyens de faire appliquer plus strictement ces recommandations.

Si la pénurie est plus importante « ce qui semble se dessiner » :

- Utilisation des formes d’antibiotiques destinées aux adultes « diluables »

Formes adultes facilement utilisables chez l’enfant
- amoxicilline 1 gr cp dispersibles
- amox-clav sachet 1 gramme pourraient être utilisées.
On peut diluer ces produits dans 10 ou 20 ml d’eau et donner la dose unitaire adaptée au poids de l’enfant : un enfant de 10 Kg c’est 1/2 cp ou 1/2 sachet matin et soir.

-Raccourcissement des durées de traitement à 5 jours pour l’ensemble des pathologies courantes pour lesquels les antibiotiques sont indiqués. La différence du risque additionnel d’échec n’est que d’environ 10% pour les
otites du moins de 2 ans par exemple [3,4] .

-Diminution des doses prescrites, en restant dans les posologies actives, à la condition que cela puisse être réellement contrôlé au niveau des officines pharmaceutiques pour permettre une baisse des doses dispensées : la prescription en mg/kg permettrait un contrôle par le pharmacien.

-Adopter la prise en charge des otites préconisée dans plusieurs pays d’Europe du Nord, c’est-à-dire ne traiter par antibiotiques en première intention, que les enfants de moins de 6 mois, et les otites compliquées. Dans les autres cas, les antibiotiques ne seraient prescrits que secondairement si aucune amélioration n’a été observée en 36 à 48 heures sous traitement antalgique seul [5] .

-Ne traiter que les angines les plus sévères même à streptocoque [6] .

-Déconditionnement des présentations par les pharmaciens pour s’assurer de
l’utilisation optimale des doses disponibles.

-Modifications des conditions de délivrance (diagnostic inscrit sur l’ordonnance, restriction des prescriptions par les médecins).

-Contrôle de la distribution des stocks résiduels par les grossistes/répartiteurs, pour empêcher tout risque de stockage « sauvage », comme cela a été vu, par les patients eux même, pour le paracétamol.

Les formes pédiatriques particulièrement « en tension »
L'ANSM a précisé dernièrement que les formes pédiatriques les plus concernées sont le Clamoxyl (amoxicilline) et ses génériques (dosages 125 mg/5ml, 250 mg/5 ml et 500 mg/5 ml), ainsi que l'Augmentin (amoxicilline/acide clavulanique) et génériques (dosage 100 mg/12,5 mg/ml).

 

*Dr Castan Bernard Pr Gras Le Guen Pr Robert Cohen Dr Andreas Werner
Président de la SPILF Présidente de la SFP Président du GPIP Président de l’AFPA

 

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