New York, États-Unis – Une nouvelle étude publiée dans le JAMA Network Open montre que l’acupuncture est associée à une réduction significative et à long terme des douleurs articulaires chez les femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein précoce et souffrant d’arthralgies liées aux inhibiteurs de l’aromatase (IA). [1]
Dans une étude multicentrique avec plus de 200 participantes, les résultats ont montré que chez les patientes qui ont reçu une intervention d’acupuncture de 12 semaines, la douleur articulaire a été réduite jusqu’à 52 semaines par rapport aux patientes qui ont reçu une séance d'acupuncture fictive ou qui étaient dans un groupe de contrôle sur liste d’attente.
Ces résultats soulignent la durabilité d’une intervention d’acupuncture, notent les chercheurs.
« Il est rassurant de constater que les effets peuvent être maintenus sans avoir besoin de traitements continus », a déclaré à Medscape Medical News l’auteur principal de l’étude, la Dr Dawn L. Hershman, professeure de médecine et d’épidémiologie au centre médical de l’Université Columbia (New York).
La Dre Hershman a ajouté que les cliniciens devraient « proposer cette option aux patientes sous traitement par IA qui se plaignent de douleurs articulaires importantes et plaider pour que les assureurs couvrent les coûts ».
Pour rappel, les IA empêchent une enzyme présente dans les tissus adipeux (l’aromatase) de transformer d’autres hormones en œstrogènes. Ils sont utilisés pour traiter le cancer du sein hormono-sensible. Or, environ 80 % des cancers du sein sont positifs aux récepteurs d’œstrogènes.
Pour plus de 50 % des patientes, les arthralgies et la raideur contribuent à la non-observance du traitement.
L’analyse actuelle inclut les résultats à 52 semaines de l’essai SWOG
Dans l’étude Southwest Oncology Group (SWOG) S1200, l’acupuncture a été comparée à de l’acupuncture fictive et au fait d’être dans un groupe témoin sur liste d’attente.
Les premiers résultats ont montré que l’acupuncture était associée à une réduction statistiquement significative des douleurs articulaires liées aux IA à 6 semaines chez les femmes atteintes d’un cancer du sein à un stade précoce. Les nouveaux résultats présentés portent sur une période de 52 semaines.
Plus précisément, l’étude menée dans 11 centres comprenait 226 femmes ménopausées (87,7 % de femmes blanches ; âge moyen de 60,7 ans) atteintes d’un cancer du sein à un stade précoce (I-III) et prenant un traitement anti-aromatase. Toutes avaient un score de 3 ou plus sur l’échelle de 10 points du Brief Pain Inventory Worst Pain (BPI-WP), dans laquelle des scores plus élevés représentent des symptômes plus graves (score de base moyen : 6,7).
Les chercheurs ont assigné de manière aléatoire les participants à l’acupuncture réelle (n = 110), à l’acupuncture fictive (n = 59), au groupe témoin sur liste d’attente ou aux soins habituels (n = 57). Bien que l’acupuncture fictive présente l’avantage de l’aveugle, elle peut avoir certains effets physiologiques ayant une incidence sur la taille de l’effet.
Le groupe témoin a été inclus dans l’essai pour tenir compte de cette possibilité. L’absence d'aveugle dans le groupe recevant les soins habituels aurait pu influencer la déclaration de la douleur, a déclaré la Dre Hershman.
L’acupuncture réelle et l’acupuncture fictive consistaient en des séances de 30 à 45 minutes deux fois par semaine pendant 6 semaines, suivies d’une séance par semaine pendant 6 semaines supplémentaires. Pour l’acupuncture, les aiguilles étaient insérées à des profondeurs et des angles traditionnels. Le protocole d’acupuncture fictive ciblait des points ne correspondant pas à des points d'acupuncture avec des aiguilles fines et courtes insérées superficiellement.
Le groupe témoin n’a pas reçu d’acupuncture pendant les 24 premières semaines. À partir de là, toutes les participantes de l’étude ont reçu des bons pour 10 séances d’acupuncture.
Le critère d’évaluation principal était l’évaluation du BPI-WP à 52 semaines. Les scores du BPI-WP à l'inclusion et à 52 semaines étaient disponibles pour l’analyse chez 82,7 % des participantes affectées à l’acupuncture, 89,8 % au traitement fictif et 82,5 % au groupe témoin.
Significatif d’un point de vue clinique
En comparaison avec les chiffres à l'inclusion (référence), le BPI-WP était plus bas de 2,72 points à 52 semaines dans le groupe acupuncture, de 1,46 points dans le groupe acupuncture fictive et de 1,55 points dans le groupe témoin sur liste d’attente.
Les différences des scores moyens ajustés du BPI-WP étaient de 1,08 points (IC 95 %, 0,24 – 1,91 points) entre les groupes d’acupuncture réelle et fictive (P = 0,01) et de 0,99 points (IC 95 %, 0,12 – 1,86 points) entre les groupes d’acupuncture réelle et le groupe témoin sur liste d’attente (P = 0,03).
« Nous avons montré qu’après une intervention de 12 semaines, il y avait une réduction continue du score moyen de la pire douleur d’environ 1 point entre l’acupuncture réelle et l’acupuncture fictive et entre l’acupuncture réelle et la liste témoin », a déclaré la Dre Hershman.
Elle a noté que la plupart des études considèrent que cette différence entre les scores moyens est cliniquement « significative ». Cependant, la douleur est subjective et il n’existe pas de définition reconnue de l’amélioration notable de la douleur, écrivent les chercheurs. Ils ont également précisé que l’évaluation des stratégies de contrôle de la douleur peut être laborieuse.
La réduction de la douleur à 52 semaines avec l’acupuncture était « assez similaire » à ce que les chercheurs ont observé à 6 semaines, a rapporté la Dre Hershman.
Le seul événement indésirable chez les patients recevant l’acupuncture était « une quantité minime d’ecchymoses de grade 1 », a-t-elle déclaré.
Selon les propos du Dre Hershman, les mécanismes exacts par lesquels l’acupuncture réduit les douleurs articulaires ne sont pas clairs, bien qu’il existe plusieurs théories. La « plus simpliste » d’entre elles est que l’intervention libère des neurotransmetteurs ; mais il se pourrait aussi qu’elle stimule l’axe vagal-surrénalien ou réduise l’inflammation.
Cette intervention est attrayante pour certains patients en raison du peu d’effets indésirables qui en découlent par rapport à ceux qu’entraînent les médicaments, a-t-elle noté. Cependant, elle n’est pas couverte par de nombreux régimes d’assurance.
La réponse à une problématique importante
Le Dr Robert Bonakdar, directeur de la gestion de la douleur au Scripps Center for Integrative Medicine (La Jolla, Californie), a déclaré à Medscape Medical News, que l’étude était « très bien faite » et qu’elle permettait de répondre à une question restée en suspens lors des essais précédents : « Combien de temps dure le bénéfice de l’acupuncture pour les patients souffrant de douleurs articulaires liées aux IA ? »
« L’acupuncture dans ce contexte démontre un bénéfice à partir d’un essai initial de 12 semaines qui a persisté à un an, ce qui est similaire aux essais sur d’autres douleurs », a déclaré le Dr Bonakdar, qui n’était pas impliqué dans l’étude.
Il a noté que le suivi était beaucoup plus long que celui de nombreux médicaments couramment utilisés pour ces douleurs.
« Nous espérons que cet essai donnera confiance aux cliniciens et aux patients pour utiliser ce traitement bien toléré », a déclaré le Dr Bonakdar.
Financements et liens d’intérêts
Cette étude a été soutenue par le National Center for Complementary and Integrative Health des National Institutes of Health et le Office of Research on Women’s Health. Les Drs Hershman et Bonakdar n’ont signalé aucune relation financière pertinente.
Cet article a initialement été publié sur Medscape.com sous l’intitulé Acupuncture Linked to Reduced Joint Pain for Up to a Year. Traduit par Mona El-Guechati
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Cancer du sein et anti-aromatases : l’acupuncture réduit les douleurs articulaires à long terme - Medscape - 24 nov 2022.
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