Paris, France – La période estivale 2022 a été marquée par de fortes chaleurs, avec, en particulier, trois canicules, précoces, intenses et étendues sur le territoire métropolitain, y compris dans des régions peu habituées à de telles vagues de chaleur. De tels épisodes ne sont pas sans impacter la santé de la population notamment les plus vulnérables. Santé Publique France a cherché à faire le point en dressant un premier bilan de l’excès de décès toutes causes pendant les canicules et plus généralement sur la période allant du 1er juin au 15 septembre [1].
En tout, 10 420 décès supplémentaires ont été observés entre le 1er juin et le 15 septembre par rapport à une moyenne sur les 5 années précédentes (hors années de canicule), soit +6%. Concernant plus spécifiquement les périodes des trois canicules, 2816 décès en excès ont été comptabilisés (+17%).
U n excès de 17% de la mortalité toutes causes pendant les épisodes de canicule
Pendant les trois périodes de canicules, la France a enregistré un excès de 17% de la mortalité toutes causes dans les départements concernés par ces épisodes caniculaires, ce qui représente 2816 décès supplémentaires (par rapport au nombre de décès attendus en absence de canicule).
Les personnes âgées de plus de 75 ans ont été les plus impactées (avec 2 272 décès) et le deuxième épisode de canicule (juillet) a concentré une majorité de ces décès en excès (1901).
En termes de localisation, c’est le sud de la France qui a été le plus concerné avec 1734 décès en excès, et plus particulièrement les départements en vigilance rouge (+557 décès, soit 20%).
Si les températures exceptionnelles ont une part de responsabilité dans cet excès de mortalité, elles ne peuvent l’expliquer à elles seules du fait d’interactions possibles entre l’épidémie de Covid-19 et la chaleur, a tenu à préciser Guillaume Boulanger, responsable de l'unité qualité des milieux de vie et du travail et santé des populations à SPF.
En clair, la chaleur a pu aggraver la vulnérabilité de malades atteints par le Covid-19 tout comme le Covid-19 – 894 décès liés au Covid-19 ont été enregistrés pendant ces périodes caniculaires – a pu aggraver la situation de personnes dont les organismes étaient affaiblis par la chaleur.
Recours aux soins plus importants cet été
Les recours aux soins ont aussi été plus marqués cet été. Entre le 1er juin et le 15 septembre 2022, avec plus de 20 000 actes de recours aux soins d’urgence enregistrés pour l’indicateur sanitaire « iCanicule » regroupant hyperthermies, déshydratations et hyponatrémies, se répartissant entre 17 000 passages aux Urgences et 3500 consultations pour SOS médecins.
Pendant les épisodes de canicule, les passages aux urgences ont été multipliés par 2 et les consultations SOS médecins par 3 par rapport aux périodes hors canicule, a précisé le chercheur de SPF qui signale néanmoins que les recours aux soins ont été importants pendant tout l’été, plus particulièrement chez les plus de 75 ans, mais plus généralement pour toutes les classes d’âge. « La chaleur a eu un impact sur le recours aux soins pendant les canicules, mais aussi en dehors [des pics de chaleur] » a considéré l’épidémiologiste.
Et pour cause, au total, 69 départements ont connu au moins 1 jour de canicule, soit 78% de la population résident en France – un chiffre exceptionnel. Mais, même en dehors de ces vagues caniculaires, l’exposition de la population à la chaleur a été relativement conséquente pendant tout l’été, avec des températures très intenses sur la façade Atlantique pendant 1 à 2 jours – ce qui n’est pas comptabilisé comme un épisode de canicule mais impacte tout de même fortement les organismes. « On a pu observer des expositions sur de très longues périodes à des seuils juste inférieurs aux seuils d’alerte, ce qui a eu un impact sur la santé », a résumé le chercheur de SPF.
Anticiper et accélérer la mise en œuvre de mesures d’adaptation
Pour toute la période estivale (1er juin - 15 sept) – et non plus seulement les épisodes caniculaires – l’excès de mortalité toutes causes a été estimé à 10 420 décès (+ 6%) en France métropolitaine. « Des chiffres qui s’expliquent par les vagues de chaleur, l’épidémie de Covid – 5735 décès Covid-19 enregistrés pendant l’été – mais aussi d’autres causes », rappelle l’épidémiologiste.
SPF devrait d’ailleurs affiner ses données pour être en mesure de donner en 2023 des chiffres de mortalité attribuables uniquement à la température. L’objectif étant « d’anticiper et d’accélérer la mise en œuvre de mesures d’adaptation et d’atténuation pour lutter contre les effets du changement climatique sachant que température et chaleur constituent un risque très élevé pour la santé », a expliqué Sébastien Denys, Directeur Santé Environnement Travail à Santé publique France.
2022 : un été exceptionnel en termes de record de températures
L’été 2022 s’inscrit dans la tendance observée ces dernières années, au cours desquelles une intensification de l’exposition aux canicules a été constatée. « C’est le deuxième été le plus chaud qu’a connu la France depuis au moins 1900., Avec une anomalie thermique de + 2,3°C, il se situe derrière 2003, (+ 2,7°C), a confirmé Matthieu Sorel, climatologue à Météo France.
La période de surveillance estivale 2022 a été marquée par trois épisodes de canicule intenses. Une canicule étant définie par une période d’au moins 3 jours où les moyennes des températures maximales du jour et les moyennes des températures minimales de nuit dépassent les seuils d’alerte définis par département. La première canicule au mois de juin, a été assez courte (5 jours) mais c’est la plus précoce que la France ait jamais enregistré, a indiqué le climatologue. Elle a été suivie d’une deuxième vague de chaleur en juillet de 14 jours, puis d’une troisième en août de 14 jours elle aussi, soit un total de 33 jours. « Un nouveau record dépassant celui de 2003, qui reste la référence en France de part son intensité, sa durée et sa sévérité » a considéré Matthieu Sorel.
Fait nouveau : l’intensité de ces vagues de chaleur, y compris dans des régions peu habituées à de telles températures. Ainsi « beaucoup de départements ont connu un nombre record de jours de vague de chaleur, comme ceux qui s’étendent de la façade ouest jusqu’au sud du pays. D’autres ont eu à faire face à la vague de chaleur la plus intense de leur histoire, c’est le cas de la Seine-Maritime, du Finistère, de la Loire-Atlantique et de la Vendée. D’autres encore ont connu la vague de chaleur la plus longue de leur histoire comme les Bouches du Rhône, les Hautes Alpes et la haute Corse », a détaillé le climatologue.
Dans ce contexte de changement climatique, le bilan de l’impact sanitaire souligne « la nécessité d’une stratégie d’adaptation et d’atténuation au changement climatique renforcée, au niveau national et territorial » conclut SPF.
Europe : au moins 15 000 décès directement liés aux canicules en 2022, selon l’OMS
Au moins 15 000 décès en Europe sont directement liés aux graves vagues de chaleur ayant affecté le continent durant l’été 2022, a estimé l’Organisation mondiale de la santé à l’occasion de la COP27 sur le climat.
Ce bilan – préliminaire – inclut 4 500 morts en Allemagne, près de 4 000 en Espagne, plus de 3 200 au Royaume-Uni et un millier au Portugal. Une estimation qui devrait augmenter au fur et à mesure que d’autres pays signalent des décès excessifs dus à la chaleur, signale l’OMS.
Pour la France, l’OMS fait référence aux chiffres de l’Institut français de la statistique (Insee) qui estimait la surmortalité durant l’été 2022 à 11 000 personnes (par rapport à l’été 2019 précédant la pandémie de Covid). L’Insee avait suggéré que ces chiffres étaient « susceptibles de s’expliquer par la canicule survenue à la mi-juillet, après un premier épisode de canicule dès la mi-juin ».
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Citer cet article: Eté 2022 : plus de 10 000 décès en excès - Medscape - 22 nov 2022.
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