Les CPTS gagnent du terrain mais manquent toujours de moyens

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

22 novembre 2022

Paris, France – Outils de lutte contre la désertification médicale, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont, chaque année, plus nombreuses en France. L’objectif présidentiel d’un millier de communautés d’ici à la fin 2022 ne sera cependant pas atteint. Si les professionnels de santé libéraux s’engagent dans ces nouvelles structures d’exercice coordonné, les CPTS doivent fonctionner avec des financements qu’elles jugent insuffisants pour se structurer et remplir l’ensemble de leurs missions.

Un an après son accession à l’Elysée, Emmanuel Macron souhaitait qu’un millier de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) voient le jour en France d’ici à la fin 2022 pour améliorer l’accès aux soins. Cet objectif ne sera pas atteint même si le résultat s’en approche.

Selon le dernier décompte établi par la Fédération des CPTS (FCPTS), 738 communautés étaient « en fonctionnement et/ou en projet » à fin octobre 2022. Mais sur ce total, seules 340 CPTS ont élaboré un projet de santé validé par l’ARS, signé le fameux accord cadre interprofessionnel (ACI-CPTS) et sont donc pleinement opérationnelles. Certaines régions sont particulièrement dynamiques : le Centre Val-de-Loire, la Réunion, la Martinique, Rhône-Alpes et Paca.

« Les CPTS couvrent presque 55 millions d'habitants, soit une moyenne de 80 000 à 85 000 habitants par communauté », déclarait en septembre dernier à Nantes en ouverture des journées de la FCPTS, le Dr Claude Leicher, médecin généraliste et ancien patron de MG France, qui présida la fédération pendant les cinq premières années de son existence.

CPTS : des organisations incontournables

Son successeur, David Guillet, infirmier, veut croire que le système de santé français se trouve à l’aube d’un « basculement » et qu’il prendra le virage ambulatoire grâce aux CPTS. « Certains redoutaient que les CPTS soient à la main des agences régionales de santé et on se rend compte que ce n’est pas le cas. Au début, des médecins étaient arc-boutés contre cette organisation géographique, ils sont maintenant la profession en proportion la plus représentée dans les CPTS. » La dynamique des CPTS s’explique notamment par la souplesse de cette entité : les professionnels ne sont pas obligés d’être rattachés à une maison ou à un pôle de santé pour intégrer une communauté, ils peuvent rester physiquement dans leur cabinet solo.

Longtemps considérées comme le pendant libéral des Groupements hospitaliers de territoires (GHT), les CPTS sont devenues des organisations incontournables, sur lesquelles misent les pouvoirs publics pour coordonner l’exercice des libéraux dans les territoires. Lors du lancement du Conseil national de la refondation (CNR) santé au Mans, le 3 octobre dernier, le ministre de la Santé a rappelé leur importance. « Je souhaite que tout le territoire soit couvert par des CPTS d’ici fin 2023, a affirmé François Braun, car c’est l’organisation par laquelle nous gagnerons le pari de la responsabilité collective. » Le ministre de la Santé a indiqué qu’il souhaitait en particulier que les CPTS se mobilisent pour aider prioritairement les Français les plus fragiles (patients âgés, en ALD, handicapés…) à trouver un médecin traitant d’ici à la fin du quinquennat. L’accès aux soins et particulièrement l’accès à un médecin traitant est la première mission des CPTS qui est aussi chargée d’organiser la prise en charge des soins non programmés en ville, les parcours de soins des patients grâce à une meilleure coordination des acteurs, la prévention et la préparation aux crises sanitaires.

 
Je souhaite que tout le territoire soit couvert par des CPTS d’ici fin 2023 François Braun.
 

Manque chronique de moyens

Mais si en théorie, les CPTS sont devenus des acteurs de pilotage de premier plan dans les territoires, en pratique les communautés rencontrent des difficultés.

« La construction de ces structures est très administrée avec les ARS, qui ont des demandes très technocratiques et des indicateurs dont il est parfois difficile de s’emparer », analyse le Dr Sébastien Adnot, médecin généraliste à Carpentras (Vaucluse) et président de la CPTS Synapse du Comtat Venaissin.

La constitution des CPTS repose avant tout sur l’engagement et le bénévolat des porteurs de projet qui doivent prendre de leur temps sur leur activité libérale. Surtout, la faiblesse des moyens, qui était déjà soulevée dans un rapport de l’IGAS en 2018, est problématique.

« Dans beaucoup de cas, les financements des CPTS sont insuffisants pour leur permettre de recruter du personnel et mener leurs missions », relève Julien Dufrêne, expert-comptable et commissaire aux comptes à PKF Arsilon, qui exerce une mission de conseil et accompagne à ce jour près d’une dizaine de CPTS. L’aide financière versée aux CPTS est proportionnelle à la taille de la population qu’elles couvrent et l’étendue des missions conduites. Elle peut varier de 287 500 euros par an pour les plus petites communautés (-de 40 000 habitants) à 580 000 euros par an pour les plus vastes (+ de 175 000 habitants). « Le budget d’une CPTS est l’équivalent de celui d’un grand artisan, il ne permet pas de recruter beaucoup de collaborateurs outre le coordinateur », estime le Dr Adnot.  

Ce budget global est en réalité constitué de six enveloppes, auxquelles sont attribuées des missions particulières. « Ce fonctionnement rend la gestion financière des CPTS complexe, poursuit Julien Dufrêne. La mise en place d’un budget prévisionnel et de tableaux de bord est vitale. Elle permet d’éclairer chaque prise de décision et de garantir la survie des structures ».

De l’avis de l’expert-comptable, l’avenir des CPTS passera par des moyens financiers supplémentaires mais aussi une formation plus complète de ses dirigeants et notamment des coordinateurs, qui sont tenus notamment de remplir les tâches administratives, de développement de partenariats et de communication.

 
Dans beaucoup de cas, les financements des CPTS sont insuffisants pour leur permettre de recruter du personnel et mener leurs missions. Julien Dufrêne
 

Des formations pour gagner en compétences

« En dépit de leur bonne volonté, les soignants deviennent parfois coordinateurs au sein des CPTS sans savoir comment animer un groupe de travail, comment mobiliser les équipes pour atteindre les objectifs des indicateurs », observe Julie Alary, coordinatrice de la CPTS Synapse. « Il nous faut acquérir des connaissances en matière de gouvernance, abonde le Dr Adnot. Nous n’avons pas forcément de savoir-faire entrepreneurial, il nous faut acquérir des compétences managériales, de gestion d’équipes et de projet. »

Ces dernières années, les offres de formations à destination des coordinateurs et des dirigeants se sont multipliées. « Nous avons mis en place une formation de 300 heures à destination des coordinateurs de CPTS avec l’EHESP, l’espace Sentein, en partenariat avec l’URPS médecins libéraux de Paca », explique le Dr Adnot. Celle-ci permet de s’initier à la comptabilité, au droit du travail, au management des équipes, à la chefferie de projets, la conclusion de partenariats…

« Optimiste convaincu », David Guillet est pour sa part persuadé que les CPTS, encore en phase de démarrage, sont sur le bon chemin. « Les communautés vont être de mieux en mieux dimensionnées et financées en retour de la mobilisation des professionnels et de leurs bons résultats », affirme-t-il.
Le patron de la FCPTS rappelle que la structuration se poursuit avec la création d’un collège national de 200 coordinateurs et la création de formations spécifiques à ce nouveau métier mais aussi adressées spécifiquement aux dirigeants des CPTS.

 

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