La rémission du diabète de type 2 est-elle un mythe ou une réalité ?

Hélène Joubert

Auteurs et déclarations

21 novembre 2022

Vienne, Autriche — Dans les préoccupations des soignants, alors que la moitié des diabétiques de type 2 français ne sont pas dans la cible glycémique, la question de la rémission de la pathologie passe au second plan derrière l’équilibre glycémique.

Un consensus international [1] estime cependant que la pharmacopée actuelle permet désormais de l’envisager chez des diabétiques récemment diagnostiqués. Les mises en garde sont liées aux rechutes fréquentes de l’hyperglycémie mais également aux conséquences de la « mémoire métabolique ».

Présentée lors du congrès de l’EASD 2022 à Vienne, l’actualisation 2021 du précédent rapport de consensus 2009 sur la rémission du diabète, co-écrite par l’American Diabetes association avec l’ European Association for the Study of Diabetes (EASD) , le Diabetes UK au Royaume-Uni, la Société d’endocrinologie internationale et le Diabetes Surgery Summit a mis un terme aux discussions.

Le terme de rémission est validé pour décrire une amélioration métabolique soutenue du diabète de type 2 (DT2) à des niveaux presque normaux (« atténuation ou disparition des signes et symptômes »).

Cité dans le texte, l’amélioration de la glycémie dans la zone cible « peut survenir chez certaines personnes vivant avec le diabète, soit spontanément, soit après des interventions médicales, et dans certains cas peut persister après l’arrêt de la pharmacothérapie hypoglycémiante. Une telle amélioration soutenue peut maintenant se produire plus souvent en raison de nouvelles formes de traitement ». 

 
Une telle amélioration soutenue peut maintenant se produire plus souvent en raison de nouvelles formes de traitement.
 

Le groupe a opté pour une définition unique : une HbA1c inférieure à 6,5 % (48 mmol/mol) mesurée au moins 3 mois après l’arrêt de la pharmacothérapie hypoglycémiante comme critère diagnostique habituel.

Dans les contextes où l’HbA1c pourrait ne pas être fiable, la mesure des concentrations moyennes de glucose sur 24 h par mesure continue du glucose (CGM) est une alternative jugée acceptable.

L’arrêt des médicaments sous rémission s’applique à toutes les molécules hypoglycémiantes. En revanche, pour celles utilisées pour d’autres effets : la metformine pour le maintien du poids et l’amélioration des marqueurs de risque de maladie cardiovasculaire ou de cancer, ou pour le syndrome des ovaires polykystiques ; les agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide 1 (aGLP-1) pour contrôler le poids ou réduire le risque d’événements cardiovasculaires ; les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose (iSGLT-2) en cas d’insuffisance cardiaque ou pour la protection rénale… la rémission ne peut pas être diagnostiquée, y compris si des niveaux glycémiques presque normaux sont maintenus.

La rémission, envisageable dans les 2 ans après diagnostic de diabète

Les experts du consensus estiment qu’un traitement pharmacologique à court terme au moment de la première présentation du DT2 chez l’adulte peut parfois rétablir un contrôle glycémique presque normal, permettant l’arrêt du traitement [2,3,4].

A la condition d’intervenir précocement, dans les deux premières années suivant le diagnostic, ce qui implique pour le praticien d’avoir l’objectif de la rémission en tête.

 
La rémission est très difficile à obtenir et s’obtient principalement en phase précoce dans l’histoire d’un diabète. Pr Jean-François Gautier
 

Toujours selon les sociétés savantes, l’inversion de la toxicité du glucose accompagnant la restauration du contrôle glycémique au moyen d’une insulinothérapie intensive précoce est aujourd’hui mieux documentée.

C’est aussi le cas avec d’autres interventions, dont les aGLP-1 et les iSGLT-2, sans réel risque hypoglycémique.

De manière impérative et complémentaire, des modifications comportementales, principalement liées à la nutrition et à la gestion du poids (le surpoids/obésité concerne 80,1% des diabétiques de type 2 dans l’étude ENTRED 3 parue le 8/11/22 dans le BEH n°22), sont susceptibles de restaurer des niveaux de glucose presque normaux sur de longues périodes [5,6].

Pour leur part, les interventions chirurgicales ou entérales peuvent induire à la fois une perte de poids significative et une amélioration supplémentaire du contrôle métabolique via divers mécanismes pendant des périodes prolongées [7,8,9], jusqu’à 5 ans et même plus dans certains cas.

En octobre 2022, la HAS a d’ailleurs validé la chirurgie métabolique chez les patients atteints de diabète de type 2 avec une obésité de grade I (IMC entre 30 et 35 kg/m2) en cas d’échec de contrôle glycémique après 12 mois [10]. En effet, dans ce cas précis, comparé à une prise en charge médicale classique, la chirurgie métabolique triple et double les chances de rémission du DT2 à 24 et 36 mois, respectivement. En conséquence, la rémission du DT2 s’observe dans 30 à 40 % des cas à trois ans.

 

L’avis du Pr Jean-François Gautier, chef du service de diabétologie au Centre Universitaire du Diabète et de ses Complications (Hôpital Lariboisière, Paris) et président de la Société francophone du diabète (SFD) : « La rémission est très difficile à obtenir et s’obtient principalement en phase précoce dans l’histoire d’un diabète. En revanche, il est plus honnête de dire qu’il faille viser un contrôle glycémique correct quand le diabète est installé.
La version 2021 de la prise de position de la SFD [19] n’aborde pas la rémission du DT2 et c’est une réflexion que nous allons devoir mener.
On parle beaucoup de rémission dans le diabète de type 2 cétonurique, un sujet de recherche dans notre service, où la mise sous insuline lors de la bourrasque inaugurale permet rapidement une rémission très prolongée. Il est usuel de conserver un traitement hypoglycémiant qui n’expose pas à des hypoglycémies, l’étiquette « diabète » constituant un garde-fou chez certaines personnes. » 

Quel délai pour juger de la rémission du diabète ? 

Lorsque l’intervention est pharmacothérapeutique ou chirurgicale, les effets cliniques sont rapidement apparents (3 mois après une chirurgie bariatrique) et jusqu’à 6 mois pour une stabilisation de l’effet lorsque l’intervention consiste en une modification du mode de vie.

Pour rappel, un délai d’environ 3 mois est nécessaire pour que la variation de l’HbA1c reflète véritablement la glycémie. Une fois la rémission constatée, des mesures ultérieures de l’HbA1c doivent être effectuées chaque trimestre et, au pire, chaque année.

Une récupération potentielle de l’insulinosécrétion et de la sensibilité à l’insuline

Les experts confirment au vu de la littérature scientifique qu’un retour à une régulation glycémique presque normale est très probablement précoce au cours du DT2 et peut impliquer une récupération partielle de la sécrétion d’insuline et de l’action de l’insuline [12].

Tout en soulignant que les effets à long terme sont très liés au type d’intervention.

En effet, lorsqu’une rémission est obtenue après l’utilisation temporaire d’agents hypoglycémiants, les effets directs de la pharmacothérapie ne persistent pas : l’inversion des effets indésirables d’un mauvais contrôle métabolique [13] à la fois sur la sécrétion et sur l’action de l’insuline sur les tissus peut participer de la rémission, mais d’autres anomalies sous-jacentes persistent et la durée de la rémission est par conséquent assez variable.

En revanche, lorsqu’un changement persistant de mode de vie conduit à une rémission, la modification de l’apport alimentaire, de l’activité physique et des facteurs environnementaux peut agir favorablement sur la sécrétion et l’action de l’insuline, pendant de longues périodes.

C’est également le cas avec la chirurgie métabolique, où les effets sont encore plus profonds et généralement plus durables [14]. De plus, les changements structurels du tractus gastro-intestinal conduisent à un nouveau milieu hormonal. Cela inclut, entre autres changements, des concentrations de GLP-1 plusieurs fois plus élevées en post-prandial, ce qui peut réduire l’appétit et l’apport alimentaire, et modifier en outre le métabolisme périphérique. Le rétablissement de l’homéostasie du glucose par ces mécanismes dure généralement plus longtemps. Mais rien n’est acquis : une reprise partielle du poids peut se produire et le déclin continu de la capacité des cellules β peut favoriser l’augmentation des niveaux glycémiques au fil du temps.

Rien n’est gagné : l’hyperglycémie se reproduit fréquemment

Une attention continue au maintien d’un mode de vie sain est nécessaire, rappellent les experts, et certains agents médicamenteux connus pour favoriser l’hyperglycémie, en particulier les glucocorticoïdes et certains antipsychotiques, doivent être évités.

Par ailleurs, il faut savoir que seules certaines personnes font preuve d’une capacité d’auto-efficacité qui leur permet de réaliser l’importance de la rémission vis-à-vis de leur santé future et des changements de règles de vie que cela implique, mais également de les mettre en pratique.

Or, les inégalités en matière sociale, d’éducation, de culture jouent beaucoup dans cette capacité à remettre l’ensemble de ses règles de vie en question. Un accompagnement par le médecin généraliste et le diabétologue est donc indispensable.

Par ailleurs, la mémoire métabolique [15], c’est-à-dire la persistance des effets nocifs d’une hyperglycémie antérieure, est une réalité : même après une rémission, les complications classiques du diabète (rétinopathie, néphropathie, neuropathie) et un risque accru de maladie cardiovasculaire, peuvent toujours survenir [16].

Baisser la garde vis-à-vis d’un dépistage rétinien régulier, d’une évaluation de la fonction rénale et podologique, d’une mesure de la pression artérielle et du poids serait pour cette raison une erreur.

Enfin, un autre risque associé à la rémission est celui d’une aggravation brutale de la maladie microvasculaire à la suite d’une réduction rapide des taux de glucose après une longue période d’hyperglycémie. En particulier, lorsqu’un mauvais contrôle glycémique est associé à une rétinopathie au-delà de la présence de micro-anévrismes, une réduction rapide de la glycémie doit être évitée et le dépistage rétinien répété.

Cette suggestion repose sur l’expérience de l’aggravation de la rétinopathie après le début ou du fait de l’intensification de l’insulinothérapie, si une rétinopathie modérée ou plus sévère est présente au départ[17,18].

 

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