Pau, France — Comment accompagner une femme qui envisage une nouvelle grossesse après une mort fœtale in utero (MFIU) ? Au cours du congrès Infogyn2022, le Pr Christophe Vayssière (Service gynécologie obstétrique, CHU de Toulouse) a rappelé la nécessité de mettre en place un suivi personnalisé, avec si besoin un soutien psychologique, sans passer par l’escalade des examens complémentaires souvent exigés par les patientes pour se rassurer [1]. En cas de MFIU inexpliquée, le risque de récidive lors de la grossesse suivante n’est pas augmenté, a-t-il rappelé.
En l’absence de facteur de risque de complications fœtales et néonatales, « une écoute et une prise en charge personnalisée sont recommandées, en évitant une surveillance trop importante » pendant la nouvelle grossesse, a souligné le gynécologue. Il suggère également de proposer un déclenchement de la grossesse entre 37 et 39 semaines d’aménorrhée pour réduire les risques de complications.
Très souvent de cause inexpliquée
La mort fœtale in utero (MFIU) est définie par le décès du fœtus après 22 semaines d’aménorrhée. Dans les pays à hauts revenus, on compte environ 3,5 MFIU pour 1 000 naissances. Si la cause principale identifiée par le bilan étiologique est liée à des anomalies du placenta (un tiers des cas), le décès reste inexpliqué dans une part variable mais non négligeable de MFIU (15 à 60% des cas, selon la littérature).
Quelle prise en charge pour ces femmes après une MFIU? Tout d’abord, il est important de prendre un rendez-vous avec la patiente après le décès pour « faire le point sur l’événement », estime le Pr Vayssière. La consultation est non seulement l’occasion de présenter les résultats du bilan étiologique (examen du placenta et autopsie du fœtus), mais aussi de « demander ce qui lui convient le mieux » au cours du suivi de la nouvelle grossesse.
« Il peut persister des zones d’ombre après l’évènement. Ce rendez-vous peut aider la patiente à avoir une idée plus précise du suivi envisagé pour une potentielle grossesse ». Après une MFIU, « elle a besoin d’un cadre rassurant », précise le gynécologue. Il peut alors lui être proposé de choisir une personne référente en qui elle a confiance pour assurer le suivi.
La question de la récidive est inévitablement une source majeure d’inquiétude qui peut amener la patiente à exiger une surveillance accrue lors d’une nouvelle grossesse. « Il faudra gérer au cas par cas, en essayant d’éviter un maximum d’examens pour ne pas rentrer dans un cercle vicieux ». Une surveillance accrue peut en effet accentuer l’anxiété, ce qui pousse la patiente à réclamer toujours plus d’examens.
Renforcer la surveillance après 32 semaines
Selon un consensus américain de l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) et de la Society for Maternal Fetal Medicine (SMFM), il est recommandé d’effectuer un examen par échographie entre 18 et 20 semaines d’aménorrhée, en plus de l’échographie mensuelle, pour évaluer le risque vasculaire [2]. Une recommandation « à adapter selon le profil de la patiente », estime le Pr Vayssière.
Dans ce consensus, une surveillance renforcée est également préconisée à partir de 32 semaines de la nouvelle grossesse ou une à deux semaines avant la mort fœtale survenue lors de la grossesse précédente. Il suggère également de proposer un déclenchement de la grossesse à partir de 39 semaines. « Un délai entre 37 et 39 semaines est aussi acceptable », estime le gynécologue.
Argument majeur pour rassurer les patientes : la littérature montre que le risque de récidive n’est pas augmenté après une MFIU de cause inexpliquée, a précisé le gynécologue. « D’où l’importance de bien faire un bilan étiologique » après une mort fœtale. Un bilan étiologique qui n’éclaire pas sur l’origine du décès peut paradoxalement aider à rassurer la patiente sur la perspective d’une nouvelle grossesse.
Cette absence de sur-risque concernant la récidive de mort fœtale a notamment été mis en évidence dans une revue systématique de la littérature portant sur plus de 4 millions de femmes enceintes [3]. Sur l’ensemble des grossesses, 0,7% se sont conclues par une MFIU. Lors de la grossesse suivante, l’incidence est passée à 2,5%, soit un risque multiplié par 4. Néanmoins, en considérant uniquement les cas de MFIU non expliquée, le risque de récidive n’est pas augmenté.
Contrôler les facteurs de risque
Une large étude observationnelle s’est montrée également rassurante en ce qui concerne le délai à respecter après une MFIU avant de retomber enceinte [3]. Selon les résultats, concevoir un enfant dans l'année qui suit l’événement n'est pas associé à un risque plus élevé de mort fœtale in utero ou de naissance prématurée, comparativement à un écart d’au moins deux ans.
En revanche, lorsque la MFIU est liée à une pathologie vasculaire retrouvée au niveau du placenta, le risque de complications néonatales lors de la grossesse suivante est doublé, selon une étude observationnelle italienne [5]. L’aspirine à faible dose est recommandée en prévention chez les femmes à risque d’insuffisance placentaire, même si une revue Cochrane n’a pas pu confirmer ce bénéfice par manque de données, a indiqué le Pr Vayssière [6].
Chez les femmes à risque élevé de récidive, « la surveillance rapprochée est à adapter selon la pathologie maternelle », en particulier lorsqu’elles présentent des facteurs de risque de MFIU comme l’obésité, l’hypertension artérielle chronique et le diabète. La perte de poids fait d’ailleurs partie des mesures préventives à appliquer, tout comme le sevrage tabagique et la recherche d’un équilibre glycémique chez la patiente diabétique.
Selon le consensus ACOG/SMFM, un diabète non contrôlé est associé à un risque de MFIU multiplié par cinq, tandis que le risque est multiplié par trois en cas d’obésité ou de tabagisme.
Suivez Medscape en français sur Twitter.
Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.
Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix
Crédit de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2022 WebMD, LLC
Citer cet article: Mort fœtale in utero: quel suivi pour une nouvelle grossesse? - Medscape - 14 nov 2022.
Commenter