Faux départ des négos conventionnelles, les médecins demandent des gages sur les revalorisations

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

14 novembre 2022

Paris, France - La séance inaugurale des négociations conventionnelles des médecins a tourné court mercredi 9 novembre. Les syndicats de médecins libéraux ont posé plusieurs conditions à l’ouverture réelle des discussions visant à conclure avant fin février la future convention médicale. Ils veulent sécuriser l’accès au secteur 2 et une indexation de leur retraite sur l’inflation. Surtout, ils demandent à l’Assurance maladie d’aborder sans plus tarder les revalorisations de leurs actes.

Quatre mois, c’est le délai dont disposent théoriquement l’Assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux pour conclure la future convention médicale. A défaut d’accord, un expert pourrait être nommé pour écrire un règlement arbitral. « Quatre mois, ce n’est pas un délai extravagant », a reconnu le directeur de la Cnam Thomas Fatôme, mercredi soir, au terme d’une première séance de 1h30 écourtée après la présentation initiale du calendrier et des grandes lignes de cette négociation.

Les syndicats de médecins (CSMF, FMF, SML, MG France, Avenir Spé-Le Bloc et UFML) ont en effet quitté l’Assurance maladie après avoir posé plusieurs conditions préalables à la reprise des échanges.

Impossible selon eux, d’attendre les ultimes réunions pour aborder, comme c’est l’usage, la question du tarif des actes. « Les médecins ont eu l’occasion de dire qu’ils avaient des attentes en termes de revalorisation mais l’exercice conventionnel ne consiste pas seulement à aborder les revendications tarifaires », a réagi Thomas Fatôme, visiblement agacé par le comportement de ses interlocuteurs.

 
Nous avons demandé à ce que l’on parle rapidement des tarifs, on ne peut pas attendre janvier pour le faire. Dr Franck Devulder
 

Les tarifs, un prérequis

Cette première séance ne fut donc pas un round d’observation, les syndicats de médecins n’hésitant pas à entamer immédiatement le bras de fer. « Nous avons demandé à ce que l’on parle rapidement des tarifs, on ne peut pas attendre janvier pour le faire, confie à Medscape édition française le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. Il s’agit d’un prérequis car les tarifs sont un levier important pour faire évoluer les organisations et prendre en charge plus de patients. »

L’impatience des médecins est d’autant plus grande que la profession voit ses charges augmenter du fait de l’inflation et de la crise énergétique qui fait flamber les prix. « Nous voulons savoir quels seront les moyens mis sur la table pour les rémunérations et pas discuter pour des bricoles, abonde la Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF. Il n’est pas question que l’on donne tout aux forfaits et aux assistants et qu’il ne reste rien pour revaloriser les actes. Nous ne voulons pas être les agriculteurs de demain sous perfusion de subventions. »

 
Nous ne voulons pas être les agriculteurs de demain sous perfusion de subventions. Dr Corinne Le Sauder
 

Retraite et secteur 2 : deux points à éclaircir

Le niveau des pensions de retraite, alors que l’âge moyen des médecins est de 56 ans pour les hommes, 49 ans pour les femmes, a également été mis sur la table.

« Nous avons demandé une mise à niveau de la retraite des médecins et que, pour le régime ASV (qui représente un tiers de la pension), le point de retraite soit indexé à l’inflation », explique le Dr Le Sauder.

Un dernier point a été posé en préalable par les médecins spécialistes : la clarification des conditions d’accès au secteur 2. « Avec la réforme des études médicales et l’arrivée du statut du Docteur Junior, les textes réglementaires n’ont pas été ajustés, nous demandons que ce statut soit inscrit noir sur blanc comme donnant accès au secteur 2 », détaille le Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé-Le Bloc.

Sur la retraite et le secteur 2, l’Assurance maladie s’est engagée à apporter des précisions rapidement. Le directeur de la Cnam a également eu un mot sur les tarifs qui étaient absents du document initial adressé aux syndicats avant la séance.

« Il y aura des revalorisations dans cette convention et nous sommes aussi ici pour en discuter, a-t-il affirmé. Nous devrons assumer des priorités claires, je pense à la médecine générale et évidemment à certaines spécialités cliniques qui sont aujourd’hui en souffrance comme la pédiatrie ou encore la psychiatrie. »

Le patron de l’Assurance maladie se dit prêt au « dialogue social » sur ce sujet. Mais il n’a pas l’intention de chambouler complètement son calendrier qui prévoit à ce jour 11 séances de négociation plénières et deux temps de rencontres bilatérales.

L’accès aux soins, enjeu crucial

S’ils ont marqué les esprits lors de cette séance inaugurale, les médecins sont conscients qu’il leur sera difficile d’échapper à la négociation et de trouver des avancées, notamment pour améliorer l’accès aux soins.

Thomas Fatôme a rappelé aux syndicats que « la réponse aux besoins de soins des patients » était « l’enjeu central » de la future convention. L’objectif d’un médecin traitant pour tous a été réaffirmée. Pour y parvenir, la Cnam propose de faciliter le déploiement de 10 000 assistants médicaux à l’horizon 2025, d’encourager la collaboration des médecins avec les infirmiers ou d’inciter les médecins en âge de prendre leur retraite à prolonger leur activité.

« Si nous mettons en place toutes ces mesures, nous avons la capacité de faire diminuer le nombre d’assurés sans médecin traitant (aujourd’hui de 6 millions de personnes) », assure Thomas Fatôme.

« La pression autour de cette négociation est immense, reconnaît le Dr Devulder. Nous avons conscience que si la convention n’apporte pas des réponses à la problématique de l’accès aux soins, nous devrons faire face dans six mois à de nouvelles propositions de loi recommandant la coercition. »

Pour autant, la profession, qui traverse une profonde crise démographique sans précédent n’est pas prête à accepter sans broncher de nouvelles contraintes.

Une journée de grève et de fermeture des cabinets est programmée le jeudi 1er décembre et certains interlocuteurs évoquent une possible grève de la permanence des soins. Quatre mois ne seront donc pas de trop pour calmer les esprits et tenter de parvenir à un accord.

 
Si la convention n’apporte pas des réponses à la problématique de l’accès aux soins, nous devrons faire face dans six mois à de nouvelles propositions de loi recommandant la coercition
 

 

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