Bronchiolite : un plan blanc qui pourrait à terme aggraver la situation ?

Marine Cygler

10 novembre 2022

France –  Santé Publique France (SPF) a révélé dans son dernier point de surveillance qu'au cours de la semaine 44, du 31 octobre au 6 novembre 2022, les « nombres de passages aux urgences et d’hospitalisations pour bronchiolite [avaient été] très élevés et à des niveaux supérieurs à ceux observés aux pics épidémiques depuis plus de dix ans ». Face à cette situation épidémique, le ministre de la santé a déclenché le plan blanc mercredi 9 novembre. Concrètement, quels changements d'organisation sont à attendre dans les services avec ce plan Orsan ? Qu'en pensent les pédiatres hospitaliers ? Medscape édition française a interrogé deux professionnels engagés dans cette crise et représentants de la profession qui tentent d'alerter les politiques semaine après semaine de l'urgence à prendre des mesures concrètes, notamment sur les conditions de travail et les rémunérations, afin de sauver la pédiatrie hospitalière.

Orsan est un outil administratif qui permet de continuer à mettre la pression sur les soignants et qui aura un effet contre-productif

Annonce d’un plan blanc

« Nous renforçons les moyens de chaque région pour soutenir les soignants et assurer la prise en charge des enfants et des familles », a indiqué le ministre de la santé, le médecin François Braun dans un tweet, dans lequel il a annoncé aussi le déclenchement du plan Orsan (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles). 

Le site du ministère de la santé détaille les mesures de ce dispositif qui existe depuis 2014. Il s'agit notamment « de renforcer les moyens locaux (rappel du personnel hospitalier, renforcement de la permanence des soins ambulatoires, ouverture de lits supplémentaires…) ».

Sur le terrain, comment va se concrétiser ce plan blanc ?

« Concrètement, cela veut dire des déprogrammations de chirurgies ou d'hospitalisations pour bilan et adaptations des traitements des enfants souffrant de maladies chroniques graves comme l'épilepsie ou le diabète de type 1, l'annulation des congés des professionnels en fonction des besoins mais aussi le reploiement de personnels d'un service à l'autre » comprend la Dr Julie Starck (pédiatre réanimatrice, hôpital Trousseau, Paris).

« A court terme, cela va en effet permettre de libérer des soignants pour s'occuper des enfants hospitalisés pour bronchiolite. Mais à quel prix ? Des malades chroniques aggravés, des soins dégradés, des soignants de plus en plus épuisés et probablement une nouvelle vague de départs massifs au printemps prochain », poursuit-elle.

Pression sur des soignants épuisés  

« Orsan est un outil administratif qui permet de continuer à mettre la pression sur les soignants et qui aura un effet contre-productif », s'inquiète aussi le Dr Laurent Dupic (responsable du Smur pédiatrique, Hôpital Necker- Enfants malades, Paris), représentant du collectif Inter-Hôpitaux. Pour lui, ce dispositif, solution à court terme, va finir par épuiser totalement les équipes qui peineraient déjà à trouver du sens dans leur métier aujourd'hui.

« Ce qui m'inquiète le plus, c'est de voir des infirmières expérimentées très compétentes qui finissent par démissionner pour changer de métier. C'est trop difficile pour elles de porter la culpabilité de mal faire leur métier », complète Julie Starck qui a vu des départs de soignants par dizaines depuis quelques années. A Trousseau, les infirmières sont aujourd'hui recrutées à la sortie de l'école, laquelle ne les prépare plus à la pédiatrie. Non formées, expérimentant des conditions de travail « catastrophiques », elles finissent par quitter les services de pédiatrie, se désole la Dr Starck.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est de voir des infirmières expérimentées très compétentes qui finissent par démissionner pour changer de métier Dr Julie Starck

Un plan blanc qui ne sauvera pas l'hôpital public

Ce médecin et Laurent Dupic ne comprennent pas l'absence d'engagement sur la mise en œuvre et le financement de mesures structurelles indispensables à long terme comme l'augmentation du ratio soignant-patient ou des engagements sur les rémunérations. Ils ne s'expliquent pas non plus le silence du Président de la République, destinataire d'une lettre ouverte le 22 octobre dernier.

« De la part de la Présidence de la République, il y a une incapacité à prendre la mesure du drame qui se produit. Ce sont donc des mesures annoncées au coup par coup qui ne permettent pas de sauver l'hôpital public », indique Laurent Dupic. Avant de poursuivre : « Pourtant, il y aurait des tas de choses, déjà recensées dans des rapports de l'Igas et du Cese, pour lancer des changements pérennes pour la pédiatrie hospitalière, la pédiatrie libérale et l'hôpital public en général. »

De la part de la Présidence de la République, il y a une incapacité à prendre la mesure du drame qui se produit Laurent Dupic

 

 

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