Paris, France — La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a rendu son rapport d'activité, lequel fait apparaitre une multiplication des pratiques non conventionnelles dans le secteur de la santé.
Créée en 2002, la Miviludes accorde une grande importance au secteur de la santé. Pour une raison simple : le patient, ou la personne en cours de soins, est une personne hautement vulnérable, totalement perméable à des pratiques ou des discours sectaires.
Selon cet organisme, la crise du Covid a entrainé une remise en cause de la médecine conventionnelle, nourrie par des théories complotistes.
« Dans ce contexte, la place des pratiques de soins non conventionnelles devient un enjeu de santé publique. La désertification médicale des campagnes françaises n’est pas étrangère à ce phénomène qui prend des proportions inquiétantes et contribue à créer une insécurité sanitaire », analyse la Miviludes.
Comme alternative à la médecine conventionnelle, des groupes sectaires investissent donc le domaine de la santé, et proposent qui des régimes ultra-carencés, qui des médecines prophétiques tel l'hijama humide ou sèche, qui consiste dans la pratique d'incisions sur le corps, au-dessus desquelles on applique des ventouses.
1011 saisines attribuées aux conseillers du pôle santé
En 2021, la Miviludes a rapporté 4 020 saisines au total, soit une augmentation de 86,1 % par rapport à 2015 et de 33,6 % par rapport à 2020.
Plus spécifiquement, dans le domaine de la santé, cette augmentation des dérives sectaires s'est concrétisée par 1011 saisines attribuées aux conseillers du pôle santé.
Quelles sont ces pratiques ? La Miviludes profite de la publication de son rapport d'activité pour dresser un panorama de ces dérives. En premier lieu desquels elle place la méthode Hamer, du nom du médecin allemand Hamer, décédé en 2017. La méthode que ce médecin a développée, dite médecine nouvelle germanique, est une méthode « naturelle de traitement des maladies fondée sur la psychothérapie et sur des capacités personnelles de guérison du malade », détaille la Miviludes.
« Dans cette perspective, selon le Dr Hamer, il n’existe pas de maladies incurables, seulement des malades qui ne sont pas capables d’accéder à leurs facultés personnelles de guérison », poursuit la Miviludes, qui conclut que cette méthode fait peser sur les malades un grand sentiment de culpabilité, « renforçant une vulnérabilité déjà présente ».
Cette méthode a été adoptée en France par une association dénommée « association stop au cancer » basée à Chambéry. Elle a également rencontré un certain écho chez des médecins, dont le Dr Claude Sabbah. Il y aurait actuellement au moins 123 praticiens pratiquant cette méthode, autrement appelée « décodage biologique ».
Jeûne et dérapeutes
La pratique du jeûne fait aussi partie des méthodes usitées par certains groupes sectaires qui ont investi le domaine de la santé. Le « respirianisme » promu en France par une certaine Ellen Greve, surnommée Jasmuhen, s'appuie sur un jeûne total de 21 jours. Cette pratique serait responsable de 7 décès à l'étranger.
Également dans la ligne de mire de la Miviludes: les « dérapeutes », contraction de deux mots, dérapage et thérapeutes. Parmi eux, Thierry Casasnovas, ciblé par 54 saisines de la Miviludes en 2021. Il se présente comme un naturopathe, adepte du jeûne et du régime alimentaire cru.
Selon la Miviludes, Thierry Casasnovas « use également d’un discours s’inscrivant dans le complotisme pour s’opposer à la médecine conventionnelle. Dans ses vidéos YouTube, il affirme que les maladies n’existent pas et accuse les médicaments et la vaccination d’être nocifs pour la santé ».
Cette rhétorique est dangereuse car elle pourrait inciter ses adeptes à « changer radicalement leur mode de vie ainsi qu'à arrêter leur traitement médical ».
Jean-Jacques Crèvecœur est un autre de ses dérapeutes. La miviludes a enregistré en 2021 8 saisines le concernant. Jean-Jacques Crèvecœur ne dispose selon la Miviludes d'aucune expertise médicale, ce qui ne l'empêche pas de mener une véritable croisade contre la médecine conventionnelle.
« Jean-Jacques Crevecoeur soutient ainsi que l’épidémie de Covid-19 est le fruit d’un gigantesque complot. Le virus aurait été volontairement répandu pour justifier le recours à des vaccins dont le seul objet serait d’implanter un « gel nanotechnologique » permettant d’identifier et de contrôler chaque citoyen grâce au déploiement de la 5G », décrit la Miviludes.
En guide d'alternative à la médecine conventionnelle, Jean-Jacques Crèvecœur propose ses méthodes de guérison, basées sur les ressources psychologiques du patient.
« L’absence de guérison sera toujours imputable au malade puisqu’elle ne dépend que de sa capacité à suivre les préceptes de Jean- Jacques Crevecoeur. S’ensuit une situation de dépendance, de soumission et de culpabilisation du malade. Celui-ci est isolé, Jean-Jacques Crevecoeur expliquant que, bien souvent, les proches sont une « entrave » à la guérison et que leur scepticisme pourrait relever d’un « assassinat ».
Les conséquences de ces méthodes peuvent être extrêmement dangereuses : « Une personne expliquait notamment que l’un de ses proches avait contracté la Covid-19 durant une formation de Jean-Jacques Crevecoeur facturée 1 500 euros. L’individu avait été incité à ne pas prendre de précautions vis-à-vis du virus. Après trois mois en réanimation, la personne décédait. »
La législation au sujet du statut de psychothérapeute
- « La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a en effet prévu explicitement que l’usage du titre est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes »
- « Le décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 est quant à lui venu renforcer l’arsenal législatif et réglementaire en matière de lutte contre les dérives sectaires. Il prévoit deux conditions pour pouvoir user du titre de psychothérapeute :
tous les professionnels souhaitant user du titre de psychothérapeute doivent s’inscrire sur une liste départementale tenue par le préfet après instruction de la demande par l’Agence Régionale de Santé ;
cette inscription est subordonnée à la validation d’une formation en psychopathologie clinique de 400 heures minimum et d’un stage pratique, d’une durée minimale correspondant à cinq mois, effectué dans les conditions prévues à l’article 4 du décret. »
Malheureusement, constate le Miviludes, ces dispositions législatives et réglementaires ont été contournées par les pseudo-thérapeutes, qui usent d'autres qualificatifs : coach, psychospécialiste, psychosomatothérapeute...
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Les dérives sectaires ont explosé depuis la pandémie de COVID - Medscape - 10 nov 2022.
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