Avec l’option santé, une collectivité du Lot veut susciter les vocations médicales au lycée

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

9 novembre 2022

Saint-Céré, Lot – La communauté de communes de Causses et Vallée de la Dordogne (Cauvaldor), située au nord du Lot (46), a lancé une option santé dès le lycée pour aider les jeunes du pays à préparer et à réussir leurs études de santé. L’objectif : que ces jeunes, une fois diplômés, viennent s’installer sur leurs terres d’origine. Un pari gagnant contre la désertification médicale ? Les explications de Raphaël Daubet, président de la communauté de communes Cauvaldor et chirurgien-dentiste de métier, qui est à l’initiative du projet et témoignage d’une étudiante en Pass à Limoges, qui a suivi l’option.

Option santé – gratuite – en première et en terminale

La désertification médicale n’est pas une fatalité. Dans les territoires ruraux, des collectivités se mobilisent pour attirer les jeunes médecins ou les praticiens étrangers. Depuis deux ans, la communauté de communes de Causses et Vallée de la Dordogne (Cauvaldor), qui représente 50 000 habitants dans le nord du Lot, a choisi une autre option. C’est le cas de le dire puisqu’elle a mis en place une option santé au lycée Jean-Lurçat de Saint-Céré (Lot) pour aider les jeunes des zones rurales à préparer le concours de première année d’études de santé. Dans ce lycée généraliste de 380 élèves, les lycéens peuvent suivre une option santé – gratuite – en première et en terminale. Ils disposent de trois heures par semaine de cours adaptés en première (deux heures par semaine en terminale).

Au programme : des cours de physique-chimie, sciences et vie de la terre (SVT), des initiations à l’anatomie, la biologie cellulaire, la génétique, l’immunologie, la physiologie générale ou encore la chimie organique… Les étudiants sont aussi formés à la méthodologie (prise de notes, lecture rapide de documents), et à mûrir leur esprit de synthèse. On leur apprend également à gérer leur stress. Le suivi est assuré par des médecins et des professeurs mais aussi par des étudiants en PASS qui font du tutorat. En tout, ce sont 60 à 90 heures d’enseignements spécifiques par an qui sont dispensées aux lycéens.

« Plus facile de faire revenir un jeune du coin… »

Avec cette option santé, Cauvaldor veut offrir aux jeunes des zones rurales la possibilité d’embrasser une carrière médicale et espère leur donner envie de s’installer sur le territoire à l’issue de leur cursus. « Nous faisons un pari sans savoir combien de ces jeunes réussiront, mais si même seulement un tiers d’entre eux revenait exercer sur le territoire en tant que professionnels de santé, nous serions déjà gagnants », reconnaît Raphaël Daubet, président de la communauté de communes Cauvaldor. Chirurgien-dentiste de métier, Raphaël Daubet a eu l’idée de lancer ce projet après avoir eu deux enfants du pays en stage de 3e à son cabinet, il y a environ 10 à 12 ans, qui sont aujourd’hui… des confrère et consœur dont l’un s’est installé près de chez lui !

« Aller draguer un médecin de la Côte-d’Azur est plus compliqué que de faire revenir un jeune du coin », veut croire le président de Cauvaldor. Et quoi de mieux que d’aider les lycéens à franchir la première année de santé (le taux de réussite est très faible en médecine). « J’ai moi-même passé le concours de 1re année de médecine en 1997 à une époque où il était très difficile avec un numerus clausus très bas, explique Raphaël Daubet (3 576, entre 1990 et 2000, le numerus clausus a connu son étiage avec entre 3500 et 4000 admissions en 2e année de médecine, ndlr). Je connais le niveau de sélection de ces études. » Une fois diplômé, le chirurgien-dentiste est revenu s’installer dans son « pays », la Dordogne.

« Ces dernières années, j’avais le sentiment qu’il y avait de moins en moins de candidats dans nos campagnes, et je ressentais une baisse d’ambition des jeunes et de leurs familles. Certains n'imaginent pas aller à Clermont-Ferrand, Toulouse ou Limoges, à 2h30 de route, pour faire médecine. Je veux leur redonner de l’ambition ! » Maire de Martel, commune lotoise de 1600 âmes, Raphaël Daubet est persuadé que les jeunes du terroir, initiés à la vie à la campagne, seront de bons candidats au retour au pays.

Susciter des vocations

L’initiative semble en tout cas séduire puisqu’une trentaine de lycéens suivent l’option ; 18 en première ont commencé cette année et 13 autres qui avaient fait partie de la première promotion, sont aujourd’hui en terminale. L’élu est en tout cas satisfait du bilan de la première année de ce projet puisque sur les cinq élèves de terminale engagés dans la promotion 2021-2022, trois ont été admis en PASS à Limoges et un en école d’infirmiers.

L’option santé séduit des candidats de territoires voisins, qui peuvent être logés dans l’internat du lycée Jean-Lurçat. Les « lauréats » sont sélectionnés par l’équipe enseignante et la direction du lycée sur dossier. « Nous prenons des gamins méritants, explique Raphaël Daubet, les lycéens retenus sont ensuite répartis entre les différentes classes du lycée pour éviter d’avoir une classe élitiste et ils se retrouvent pour les enseignements spécifiques. »

Un tutorat a été mis en place avec la fac de Limoges et un partenariat avec le SAMU de Toulouse pour proposer une visite des urgences du CHU. « Nous voulons susciter les vocations et mettre ces jeunes dans le meilleur état d’esprit, les aider à se projeter et leur donner envie de réussir. »

Sur les cinq élèves de terminale engagés dans la promotion 2021-2022, trois ont été admis en PASS à Limoges et un en école d’infirmiers.

 

Un partenariat avec le SAMU de Toulouse pour proposer une visite des urgences du CHU

Dans le bain avant la première année

Etudiante en première année de médecine à Limoges après un bac S mention B, Emilie Riocreux, 18 ans, est très heureuse d’avoir suivi l’option santé en terminale. « Beaucoup de cours de la Pass reprennent ce que l’on a vu en anatomie et en chimie, par exemple. L’option santé nous a mis dans le bain, elle nous a donné de bonnes bases et nous a permis d’avoir tout de suite les bonnes méthodes de travail. » L’option santé est sans doute aussi un coup de pouce sur ParcoursSup pour aider les jeunes bacheliers à obtenir l’affectation de leur choix pour leurs études supérieures, veut croire la jeune femme. Emilie Riocreux, qui veut devenir médecin depuis sa plus tendre enfance, disposera d’une bourse pendant ses études grâce au dispositif ParcoursM’aides mis en place par Cauvaldor (voir encadré). « Cette bourse va m’aider pendant mes études et m’installer dans le Lot une fois diplômée, si je réussis, n’est pas une contrainte pour moi, au contraire, ça m’arrange, c’est mon projet ! », conclut l’étudiante.

L’option santé nous a mis dans le bain, elle nous a donné de bonnes bases et nous a permis d’avoir tout de suite les bonnes méthodes de travail Emilie Riocreux, étudiante en Pass à Limoges

 

Une vingtaine d’étudiants boursiers, autant de renforts pour le Lot ?

Cauvalcor a mis en place ParcoursM’aides, un dispositif permettant aux étudiants du Lot de disposer d’une bourse pendant leurs études en échange de l’engagement des bénéficiaires à participer à l’offre de soins sur le territoire. L’aide est de 800 euros en 1re année (sans contrepartie), elle est de 200 euros par mois en 2e et 3e années et de 300 euros par mois de la 4e à la 6e année, pour aider à se loger. En contrepartie, le bénéficiaire s’engage à suivre les cours avec assiduité et à réaliser au moins un stage d’externat auprès d’un médecin généraliste de Cauvaldor. De la 7e à la 9e année, les internes peuvent avoir une bourse annuelle de 5 000 euros s’ils s’engagent à s’installer pour au moins 6 ans dans une zone de Cauvaldor ou de 2 500 euros s’ils acceptent de réaliser des remplacements de 10 à 12 semaines par an pendant 3 ans auprès de médecins généralistes de la communauté de communes du Lot. Au total, 20 étudiants en médecine de différents niveaux ont signé une convention pour bénéficier de bourses qui représentent un budget d’environ 50 000 euros par an pour la communauté de communes.

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....