Dans ENNOBLE-ATE, l’édoxaban sûr et efficace chez les enfants ayant une maladie cardiaque 

Patrice Wendling

Auteurs et déclarations

7 novembre 2022

Chicago, USA – Chez les enfants ayant une maladie cardiaque nécessitant une prophylaxie thrombo-embolique, le traitement par l’inhibiteur direct du facteur Xa édoxaban (Lixiana ® , Daiichi Sankyo) a provoqué moins d’hémorragies cliniquement significatives et moins de thromboembolies (TE) par comparaison aux anticoagulants de référence (ACR) comme l’héparine de bas poids moléculaire et les antagonistes de la vitamine K.

Les résultats de l’étude phase 3 ENNOBLE-ATE ont été publiés en ligne [1] dans le Journal of American College of Cardiology et ont été présentés le 6 novembre à la session des Awards de la recherche en Cardiologie pédiatrique lors du Congrès de l’ American Heart Association (AHA2022) [2].

Une alternative intéressante

Parmi les 167 enfants inclus dans la cohorte modifiée en intention de traiter, ont été recensées une hémorragie significative selon les critères définis (une épistaxis) dans le groupe de l’AOD édoxaban durant 15 jours et une dans le groupe ACR au 54ème jour (un méléna).

Il n’y a pas eu d’événement TE tel que prédéfini avec l’édoxaban et un seulement (une thrombophlébite compliquée d’embolie pulmonaire) dans le groupe ACR.

Parmi les 147 enfants traités au cours d’une phase de prolongation de 9 mois d’Edoxaban, on a noté 1 saignement significatif (0,7% : une hémorragie intra abdominale secondaire à une plaie du foie provoquée par un accident) et 4 TE (2,8% : 2 accidents vasculaires cérébraux et 2 thromboses coronaires et/ou infarctus du myocarde).

Après que l’on ait clôt la base des données pour arbitrage, un accident vasculaire cérébral hémorragique – initialement attribué à une TE – a été réexaminé par le comité scientifique des événements cliniques puis secondairement défini comme une hémorragie majeure. Si l’on prend on compte ce nouveau classement, on dénombre alors 2 (1,4%) événements hémorragiques et 3 (2,1%) événements thrombotiques au cours de la période prolongée.

« Dans l’ensemble, les résultats de cette étude soutiennent le fait que l’édoxaban est approprié et est peut-être même l’alternative intéressante au traitement par les ACR (héparine de bas poids moléculaire et antagonistes de la vitamine K) dans cette population pédiatrique », concluent le Dr Michael A. Portman et coll. du Seattle Children's Research Institute (University of Washington).

 
Dans l’ensemble, les résultats de cette étude soutiennent le fait que l’édoxaban est approprié et est peut-être même l’alternative intéressante au traitement par les ACR.
 

La thromboprophylaxie est un défi chez les enfants

La thromboprophylaxie est un réel défi chez les enfants, remarquent-ils, parce que l’aspirine a montré une efficacité sous-optimale chez ceux à haut risque de TE, que l’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) nécessite deux injections sous cutanées quotidiennes et que les antivitamine K (AVK) ont un délai d’action retardé, une zone thérapeutique étroite, et de multiples interactions médicamenteuses et alimentaires et nécessitent des tests sanguins fréquents.

L’édoxaban est en une prise par jour, alors que l’administration des autres anticoagulants oraux directs (AOD) nécessite souvent deux ou trois prises par jour, ajoute-t-il.

ENNOBLE-ATE est la première étude publiée comparant une anticoagulation avec AOD à celle d’un ACR pour la thromboprophylaxie primaire et secondaire chez l’enfant ayant une affection cardiaque, mentionnent les auteurs.

Les AOD tels que le dabigatran (Pradaxa) et le rivaroxaban (Xarelto) avaient précédemment démontré leur non-infériorité par rapport au traitement anticoagulant standard dans l’efficacité et la sécurité de la maladie thrombo-embolique aiguë et la thrombo-prophylaxie dans les études en 2021 DIVERSITY [3] et en 2019 EINSTEIN-Jr[4] respectivement.

Pour se replacer dans le contexte, le taux des saignements cliniquement pertinent est de 0,9% dans cette étude, de 3% dans EINSTEIN et 1% dans DIVERSITY dans le groupe recevant le médicament pendant une période de 3 mois, indique le Dr Portman.

168 enfants jusqu’à l’âge de 18 ans

L’étude multinationale a inclus 168 [167] enfants (âgés de plus de 38 semaines jusqu’à l’âge de 18 ans) ayant une affection cardiaque à risque TE et nécessitant au moins 3 mois d’un traitement anticoagulant prophylactique.

Ils ont été répartis au selon une séquence 2 : 1 au traitement avec un comprimé par jour d’édoxaban ou une ACR pendant 3 mois avec l’option d’une extension du traitement avec l’édoxaban en mode ouvert pendant 9 mois supplémentaires.

Dans le groupe ACR, 3 patients ont reçu une HBPM deux fois par jour et 47 ont eu un traitement par AVK, avec un temps moyen dans l’intervalle thérapeutique de 45%.

L’adhésion au traitement par édoxaban (recevant 80 à 120% de la dose prescrite) était de 96% dans l’étude principale mais a diminué à 55% lors de la phase d’extension. Les auteurs suggèrent que cela pourrait être dû au fait que cette partie de l’étude a eu lieu pendant la pandémie de Covid.

Pendant la période principale du traitement les effets secondaires indésirables sont survenus chez 51 patients (47%) dans le bras édoxaban et chez 24 patients (41%) des patients dans le groupe ACR.

Cinq patients (2,6%) du groupe édoxaban et 3 patients du ACR ont eu des complications importantes, aucune n’était en rapport avec les spécifications de l’étude.

Il n’y a pas eu de décès pendant la phase principale du traitement et 2 pendant la phase d’extension : une attribuée à la progression de l’affection cardiaque et l’autre en rapport avec un accident vasculaire cérébral hémorragique alors que l’édoxaban avait été cessé en raison de la survenue d’une anémie hémolytique sans relation avec le traitement.

« Un repère important »

« La conception de cette recherche et son exécution représentent un important jalon dans l’étude de la thromboprophylaxie chez l’enfant ayant une maladie cardiaque », écrit dans l’éditorial dédié la Dr Nadine Choueiter, cardiopédiatre au Children's Hospital at Montefiore (Bronx, New York) [6].

De façon non surprenante, 44% des patients atteints d’une maladie cardiaque congénitale avaient eu une opération de type Fontan et 33% de ceux ayant une affection cardiaque acquise avaient des antécédents de Kawasaki, les deux-tiers sont des anévrysmes géants de l’artère coronaire, écrit-elle. « Cela représente la population de base des principaux centres participants et cela augmente la puissance de l’étude car cette population est à risque de thrombose artérielle par opposition aux thromboses veineuses souvent observées dans les études plus globales sur la thrombose en pédiatrie.»

Nadine Choueiter considère néanmoins qu’il y a beaucoup à apprendre, notamment concernant l’absorption de l’édoxaban et son absence de danger chez les enfants de moins de 2 ans ayant une maladie cardiaque, qui représentaient moins de 10% du groupe édoxaban dans l’étude.

Un point important, et qui pourrait avoir un impact sur l’adhérence à long terme aux AOD spécialement chez l’adolescente, est l’importance du saignement au cours des règles signalé avec l’apixaban ou l’édoxaban comparativement aux AVK, ajoute-t-elle. A l’opposé, une diminution du saignement menstruel a été décrit avec le dabigatran comparé aux AVK.

« En résumé cette étude apporte un début de preuve crucial et enthousiasmant concernant l’utilisation en pratique clinique de l’édoxaban et des AOD chez les enfants ayant une maladie cardiaque », conclut la Dr Choueiter. « Cependant sa conception et sa puissance ne permettent pas de tester la supériorité ou l’infériorité de l’édoxaban par rapport aux anticoagulants classiques. Les thromboses dans la recherche pédiatrique demeurent encore un défi et la principale limite de cette étude est la rareté des complications principales et secondaires qui ont été strictement bien définies ici. »

 
Les thromboses dans la recherche pédiatrique demeurent encore un défi.
 

 

L’edoxaban n’est pas commercialisé en France. En Allemagne, il est disponible distribué par Daiichi Sankyo. L’Agence national de Sécurité des Médicaments (ANSM) a autorisé à titre exceptionnel son utilisation au CHU de Toulouse en octobre 2020. A ce jour, l’hôpital toulousain n’en dispose pas en pharmacie et n’a pas de renseignement à ce sujet, la liste des participants à l’étude nous dira si l’hôpital de Rangueil a participé. JPU

 

Financements et liens d’intérêts
L’étude a été financée par Daiichi Sankyo. Portman, Jacobs, Berger, New burger et Goldberg ont siégé au comité directeur de l’étude pour Daiichi Sankyo. Dugal, Grosso et Ben Tao sont des employés de Daiichi Sankyo. La Dr Choueiter n‘a pas de conflit d’intérêts.

 

L'article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre: Edoxaban Safe, Effective in Kids With Heart Disease: ENNOBLE-ATE. Traduit par le Dr Jean-Pierre Usdin.

 

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