400 millions d'euros : Braun apporte une bouffée d’air aux services de pédiatrie 

Christophe Gattuso

4 novembre 2022

Paris, France – Une enveloppe de 400 millions de revalorisation, des primes pour tous les personnels de soins critiques et une majoration du travail de nuit… L’aide apportée en urgence par le ministre de la Santé suffira-t-elle aux services de pédiatrie, pour franchir sans drame l’épidémie de bronchiolite, alors que certains CHU, en grande difficulté, notamment à Paris, doivent transférer des enfants dans des établissements de province ? En proie à une crise qui s’aggrave, la profession demeure circonspecte.

La crise qui frappe la pédiatrie française ne sera pas résolue d’un coup de baguette magique. Mais le gouvernement semble espérer que « l’argent magique » mis sur la table, mercredi 2 novembre, par le ministre de la Santé permettra tout au moins de passer l’hiver et de traverser la fulgurante épidémie de bronchiolite qui complique la vie de nombreux services hospitaliers de pédiatrie en France. « La situation est préoccupante dans de nombreux services d’urgences et de réanimation pédiatriques », a reconnu François Braun, mercredi, au terme d’une réunion de deux heures au ministère de la Santé avec des représentants de la profession.

La faute à une épidémie de bronchiolite « plus précoce et qui touche avec une intensité plus forte l’Ile-de-France que les années précédentes. » « La part des enfants qui ont une bronchiolite et sont hospitalisés est de l’ordre de 30 %, et parmi eux, 30% ont besoin de réanimation », a ajouté le ministre. La situation est tellement préoccupante que 34 jeunes enfants ont dû être transférés depuis fin septembre des établissements franciliens vers des hôpitaux de province (Reims, Lille, Rouen).

Ces solutions vont nous permettre de tenir les deux à trois mois qui viennent François Braun

Pas assez de bras mais un peu plus d’argent

Le ministre de la Santé, qui avait déjà annoncé un plan de 150 millions d’euros de revalorisation, dimanche dernier, a annoncé 4 jours plus tard que cette enveloppe serait finalement portée à 400 millions d’euros « pour revaloriser l’ensemble des personnels de l’hôpital ».

Des fonds régionaux des Agences régionales de santé (ARS) seront débloqués pour acheter du matériel qui fait défaut. Le ministre de la Santé a par ailleurs annoncé qu’il prolongeait le doublement de la rémunération du travail de nuit de l’ensemble des personnels paramédicaux (infirmières, aides-soignantes) de l’hôpital (x1,5 pour les médecins).

Enfin, « tous les soignants qui travaillent dans les services de soins critiques vont bénéficier de la prime de soins critiques » (118 euros mensuels brut), mise en place au début de l’année 2022 et dont étaient jusqu’à présent exclues les puéricultrices.

« Ces solutions vont nous permettre de tenir les deux à trois mois qui viennent », a conclu François Braun, qui a rappelé que des assises de la pédiatrie se tiendraient au printemps 2023.

Des mesures temporaires, mais après ?

Ces annonces ont été accueillies diversement par les intéressés. « Le gouvernement a entendu le cri d’alarme des pédiatres, a réagi sur France Info le Pr Rémi Salomon , président de la CME de l’AP-HP. Mais le praticien, qui dirige le service de néphrologie pédiatrique de l'hôpital Necker-Enfants malades, regrette que les mesures ne soient que temporaires, notamment la majoration des heures de nuit pour les personnels paramédicaux et médicaux. Mais l’argent mis sur la table pour garder les professionnels de santé tentés par la démission ne suffira pas à lui seul à rendre les métiers du soin plus attractifs. « Je n’ai pas d’inquiétude, observe le Pr Salomon. Le métier de soignants, médecins, paramédicaux, infirmiers, c'est passionnant, les gens reviendront à condition qu'on leur donne les moyens de bien faire leur travail. »

Même son de cloche du côté de la Fédération Hospitalière de France (FHF). L’organisation a salué les annonces faites par le ministre de la Santé mais elle souligne qu’il reste à en préciser le financement et souhaite que la revalorisation du travail de nuit se fasse dans la durée et pour l'ensemble des services hospitaliers afin de véritablement le valoriser et renforcer l'attractivité des établissements de santé.

« Le gouvernement a compris l'urgence de la situation et je m'en félicite. Néanmoins, ces mesures doivent encore être financées au PLFSS pour en garantir l'effectivité. Je veux aussi rappeler que ces annonces ne couvrent que le très court-terme : il faut que nous puissions procéder à un choc d'attractivité plus pérenne et que nous sortions de la politique de la rallonge permanente. On ne soignera pas l'hôpital avec une addition infinie de mesures de sauvetage », a réagi Arnaud Robinet, président de la FHF.

Il faut que nous puissions procéder à un choc d'attractivité plus pérenne et que nous sortions de la politique de la rallonge permanente Arnaud Robinet

Un coup de comm’ qui agace

Pour le Collectif Pédiatrie, qui représente plus de 7000 soignants en pédiatrie, « on ne peut pas qualifier ces annonces d’effort massif » (cf les propos de François Braun).

De son côté, le Pr Stéphane Dauger qui dirige la réanimation pédiatrique de l’hôpital Robert Debré, et a participé à la réunion de crise organisée mercredi au ministère en est ressorti amer. « Les 400 millions d’aide, François Braun ne nous les a pas présentés pendant la réunion alors que nous sommes restés ensemble deux heures, cela augure mal de la suite. » D’autant que la ventilation de cette enveloppe n’est pas connue et qu’elle ne concernera pas seulement la pédiatrie mais tous les services en tension.

Le chef de service parisien alerte depuis plusieurs semaines sur les difficultés rencontrées par les services pédiatriques parisiens pour faire face à l’épidémie de bronchiolite du fait de la fermeture de nombreux lits, faute de soignants en nombre suffisant. Il a fait partie des signataires de la pétition publiée dans Sud-Ouest avec des confrères pédiatres, anesthésistes-réanimateurs, médecins intensivistes, dans laquelle ils réclament la mise en place immédiate de dix mesures pour garantir la qualité des soins en pédiatrie.

On ne peut pas qualifier ces annonces d’effort massif Collectif Pédiatrie

Prochaines semaines cruciales

Parmi leurs demandes, le versement de la prime de soins critiques à tous les paramédicaux et la revalorisation de la permanence des soins pour le travail de nuit ont été satisfaites. Mais les signataires de la pétition souhaiteraient aussi que le salaire minimum des paramédicaux soit de 2000 € net mensuels en début de carrière pour les infirmiers.

L’attention tardive des pouvoirs publics sera-t-il suffisant ? Le Pr Dauger est relativement inquiet pour les semaines à venir alors que l’épidémie de bronchiolite monte en puissance. « Il faudra serrer les fesses pour qu’il n’y ait pas de mort », affirme-t-il.

Dans mon service, on travaille à deux infirmières de moins depuis six semaines et les 20 lits de réanimation sont tous occupés ». Le chef de service s’inquiète pour les autres bébés qui pourraient être mis en danger par cette situation.

Un lent effritement de l’expertise pédiatrique

Ancien professeur de pédiatrie à Robert Debré à Paris, aujourd’hui à l’hôpital de Lausanne, le Pr François Angoulvant, estime que François Braun a « fait le minimum vital pour la pédiatrie. Il y a encore à faire pour restaurer l’attractivité des services. Il faut que le nombre de personnels soit suffisant pour que les gens aient envie de rester ! », poursuit le président du Groupe francophone de réanimation et d’urgence pédiatriques (GFRUP).

D’autant plus que le secteur privé n’est pas présent dans le domaine de l’urgence de la petite enfance.

L’épidémie de bronchiolite, aussi dynamique soit-elle, n’explique pas à elle seule la situation difficile de la pédiatrie française. « On a mis un voile sur les difficultés rencontrées par le secteur alors que la crise est profonde et qu’elle est connue depuis quelles années avec des rapports de l’IGAS, de la Cour des comptes et du Haut Conseil pour la santé publique (HCSP) », observe la Pre Isabelle Claudet, chef du service des urgences pédiatriques au CHU de Toulouse.

« Nous assistons à un effritement de l’expertise de la prise en charge de la santé de l’enfant », poursuit la Pre Claudet, qui redoute la fermeture de certains CHG et le transfert vers les CHU des patients sans solution.

Nous assistons à un effritement de l’expertise de la prise en charge de la santé de l’enfant  Isabelle Claudet

Une chose est sûre, les pouvoirs publics ont pris conscience de l’ampleur de la crise de la pédiatrie. Le 22 octobre dernier, plus de 7000 soignants en pédiatrie avaient adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour l'alerter de la saturation des services hospitaliers face à l'épidémie de bronchiolite mais aussi au manque de moyens et de personnel. Lettre dans laquelle ils dénonçaient l’« inaction politique irresponsable ». Avant que François Braun ne fasse ses annonces, une délégation des représentants du Collectif Pédiatrie a été reçue mercredi matin à l'Elysée.

 

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