Hyperprolactinémie et troubles du cycle menstruel: quel bilan étiologique?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

3 novembre 2022

Pau, France — Que faire devant un trouble du cycle menstruel associé à un taux de prolactine élevé? Pour la Dr Valérie Bernard (CHU de Bordeaux), qui est intervenue lors du congrès Infogyn 2022 , la priorité est de rechercher une éventuelle macroprolactinémie et une hyperprolactinémie d’origine médicamenteuse, avant d’envisager un problème hypothalamo-hypophysaire lié notamment au développement d’un adénome à prolactine [1].

Chez la femme, « l’hyperprolactinémie est l’une des principales causes de troubles du cycle menstruel », a rappelé la gynécologue et endocrinologue pendant son intervention. Elle induit en général des règles irrégulières peu abondantes et anormalement espacées (oligospanioménorrhée) ou une absence de règles plusieurs mois consécutifs (aménorrhée secondaire). Elle peut aussi provoquer une infertilité.

Dosage unique à jeun ou non

La prolactine est une hormone synthétisée par le lobe antérieur de l’hypophyse (glande pituitaire). Son rôle principal est de provoquer et d’entretenir la production du lait maternel après l’accouchement. En dehors de la grossesse et de l’allaitement, la prolactinémie est faible (entre 5 à 20 ng/mL). En fin de grossesse, le taux de prolactine peut atteindre 500 ng/mL.

En cas d’infertilité, de galactorrhée (sécrétion et écoulement de lait en dehors de l’allaitement) et de trouble du cycle menstruel survenant en l’absence de grossesse, une mesure de la prolactine est recommandée en dosant « une seule fois, à n’importe quel moment de la journée, à jeun ou non », a précisé la Dr Bernard. Les variations de prolactine étant faibles dans la journée, le dosage à jeun n’est plus préconisé.

L’hyperprolactinémie est définie par un taux en prolactine > 20 ng/mL. « Il s’agit d'une situation fréquente chez les femmes en période d’activité génitale ». Le trouble du cycle qui en résulte s’accompagne dans la moitié des cas d’une galactorrhée. L’insuffisance gonadotrope entraine également un déficit en estrogènes, qui peut se traduire par une baisse de libido et une sécheresse vaginale.

Les carences estrogéniques peuvent également induire à long terme une ostéoporose. « Chez ces patientes avec hyperprolactinémie présentant un déficit gonadotrope, il faut toujours dépister une ostéoporose », a indiqué la spécialiste. « En l’absence de substitution estrogénique et de résolution de l’hyperprolactinémie, on peut aussi craindre à terme un risque cardio-vasculaire accru ».

Risque de « fausse hyperprolactinémie »

Après avoir écarté les causes physiologiques d’une hyperprolactinémie (grossesse et allaitement), le diagnostic étiologique doit débuter par la recherche d’une macroprolactinémie. Les macroprolactines sont des dimères ou trimères, voire des agrégats non fonctionnels de prolactine glycosylée, qui parfois ne sont distingués de la prolactine libre avec certains tests de laboratoire.

« Cette ‘fausse hyperprolactinémie’ analytique se retrouve dans 19% des cas d’hyperprolactinémie ». Devant toute hyperprolactinémie et surtout en l’absence de galactorrhée, « il faut éliminer la macroprolactinémie en réalisant un deuxième dosage de prolactine dans un autre laboratoire ». Il existe en effet de nombreux kit de dosage de prolactine, avec une sensibilité très variable, notamment dans la distinction entre macroprolactines et prolactine normale.

Autre cause majeure d’hyperprolactinémie non physiologique : les médicaments et en particulier les neuroleptiques. La production de prolactine est en effet régulée par la dopamine. Or, certains neuroleptiques (phénothiazines, halopéridol, sulpiride) agissent en bloquant les récepteurs à la dopamine. « Prudence également avec certains médicaments antiémétiques, comme le Motilium® », qui contient du dompéridone, un antagoniste de la dopamine.

En cas d’hyperprolactinémie médicamenteuse, un changement de traitement peut être envisagé avec le psychiatre. Si le changement n’est pas possible, un examen par IRM hypophysaire est recommandé, pour s’assurer que la hausse de prolactine est bien liée au médicament et pas à la présence d’une anomalie hypophysaire, et une substitution estrogénique est à envisager, a précisé la Dr Bernard.

Restreindre le traitement d’un microadénome?

Enfin, dans tous les cas, une fois ces causes potentielles écartées, l’IRM hypophysaire s’impose pour rechercher, soit un adénome à prolactine (prolactinome), responsable de la moitié des cas d’hyperprolactinémie, soit une pathologie avec atteinte de la tige pituitaire (méningiome, craniopharyngiome, hypophyse, antécédent de radiothérapie cérébrale, traumatisme crânien…).

L’adénome à prolactine fait partie des tumeurs hypophysaires les plus fréquentes. Dans la majorité des cas, il existe une corrélation entre la taille de l’adénome et le taux de prolactine. Pour un microadénome (taille < 1 cm), le niveau de prolactine est habituellement sous les 200 ng/mL.

Concernant le traitement du prolactinome, le dopaminergique cabergoline (Dostinex®) est à administrer en première intention à raison d’un comprimé de 0,5 mg/semaine. « La posologie peut être augmentée si besoin ». Le traitement est efficace pour diminuer la sécrétion de prolactine et le volume tumoral est réduit dans 90% des cas. Si la patiente n’a pas de désir de grossesse, une contraception doit être proposée.

En cas de microadénome et en l’absence de désir de grossesse, le traitement peut aussi se limiter à un traitement substitutif estro-progestatif. « Cela peut se discuter, surtout si la patiente est proche de la ménopause ». En cas de macroadénome (> 1 cm) ou autre pathologie hypothalamo-hypophysaire, un endocrinologue doit être sollicité pour avoir un bilan de la fonction hypophysaire et, en raison de la proximité avec le nerf optique, évaluer l’impact sur la vision.

Le SOPK non impliqué

Enfin, si l’IRM hypophysaire apparait normale, l’hyperprolactinémie peut être liée à la présence d’un petit adénome en développement, non visible à l’IRM (de taille inférieure à 2 mm), « surtout si l’hyperprolactinémie est modérée ». Plus exceptionnellement, la hausse de prolactine peut être due à une sécrétion ectopique de prolactine (par exemple, par des tumeurs rares de l’ovaire) ou par une mutation sur des récepteurs à la prolactine.

En ce qui concerne l’impact du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), souvent retrouvé de manière concomitante avec une hyperprolactinémie, les études ont montré qu’il n’est pas en cause dans la hausse de prolactine, contrairement à ce qui est souvent avancé, a conclu la gynécologue.

 

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