Helicobacter pylori : ce qui change dans le nouveau consensus d’experts

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

2 novembre 2022

Vienne, Autriche __ Les experts de Maastricht ont mis à jour le rapport de consensus de 2017 concernant Helicobacter pylori (HP), intitulé désormais Maastricht VI/Florence [1]. Paru en août 2022, le 30ème congrès de l’United European Gastroenterology Week ( UEGW2022 , Vienne, Autriche) était l’occasion d’une explication de texte.

La gastrite à H. pylori est une maladie infectieuse

Helicobacter pylori infecte plus de la moitié de la population mondiale. Cette maladie infectieuse est une entité, maintenant incluse dans la 11e révision de la Classification internationale des maladies, conduisant en principe à la recommandation selon laquelletous les patients infectés doivent recevoir un traitement.

Le pathogène H. pylori provoque toujours une gastrite, quels que soient les symptômes ou les complications. Il est impliqué dans la survenue des ulcères gastro-duodénaux, des troubles dyspeptiques et des cancers gastriques (adénocarcinomes et lymphomes du Malt). Il peut être aussi impliqué dans certaines anémies ferriprives, dans des carences en vitamine B12 et dans le purpura thrombopénique idiopathique.

Tester et traiter est-elle la stratégie appropriée pour la dyspepsie non explorée ?

Même si cette stratégie n’est pas validée en France, en raison du faible coût de l’endoscopie digestive les experts recommandent le recours à une stratégie dite « Test and treat » en cas de symptômes dyspeptiques non explorés chez des patients de moins de 50 ans et sans signes d’alarme [2]. Chez les patients dyspeptiques âgés de plus de 50 ans, une endoscopie digestive haute est toujours recommandée.

Un test diagnostic non invasif (sérologie, test respiratoire à l’urée, tests antigéniques dans les selles) positif doit déclencher un traitement d’éradication de H. pylori, et ceci sans recours systématique à l’endoscopie.

L’endoscopie n’est pas nécessaire dans l’investigation initiale de la dyspepsie dans les zones à faible prévalence d’H. pylori

Les patients dont les symptômes étaient liés à un ulcère gastro-duodénal ou à une dyspepsie associés à H. pylori seront soulagés par son éradication. Seuls ceux dont les symptômes persistent seront orientés vers l’endoscopie digestive. En cas d’examen endoscopique normal et de persistance de symptômes dyspeptiques malgré l’éradication, le diagnostic de dyspepsie fonctionnelle pourra être retenu.

Éviter au maximum les traitements antibiotiques probabilistes

La sensibilité aux antibiotiques est un élément clé à prendre en compte. Elle a nécessité pendant longtemps des cultures bactériologiques difficiles et réservées à certains centres experts.

Aujourd’hui, les techniques de biologie moléculaires, simples, rapides et disponibles dans la plupart des laboratoires de bactériologie, permettent une évaluation fiable de la sensibilité de H. pylori aux macrolides, aux quinolones, à la rifampicine et à la tétracycline (en détectant les mutations génétiques de la souche qui confèrent une résistance aux antibiotiques).

Compte tenu de la disponibilité actuelle de ces techniques de biologie moléculaire, les experts de Maastricht recommandent fortement de tester les souches de H. pylori afin de proposer, dès la première ligne de traitement, une antibiothérapie adaptée, et d’éviter au maximum les traitements probabilistes.

L’éradication doit toujours être vérifiée à la fin du traitement, au minimum un mois après. A cette fin, le patient ne doit pas prendre d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) dans les 14 jours qui précèdent le test d’éradication.

La quadrithérapie bismuthée est recommandée en 1ère intention en France

Cette version 2022 des recommandations de Maastricht a posé les données du problème du traitement de première ligne. Si la souche ne peut être testée, la stratégie thérapeutique dépend du niveau de résistance aux macrolides dans la région ou le pays considéré. Ainsi, dans les zones où la résistance aux macrolides est supérieure à 15 % (elle est de 20 % en France), une quadrithérapie bismuthée est recommandée en 1ère intention composée d’oméprazole, de sel de bismuth, de tétracycline et de métronidazole.

Si la plupart des études ont montré que la durée de traitement pouvait être de 10 jours, les experts recommandent plutôt 14 jours.

Lorsque le choix se porte sur une quadrithérapie non bismuthée, un traitement « concomitant » de 14 jours est recommandé associant IPP - amoxicilline - clarithromycine - métronidazole.

En cas d’échec de l’un de ces deux traitements de première ligne, l’autre option devra être prescrite en seconde ligne, ou éventuellement un traitement à base de quinolones.

Au-delà de ces deux lignes thérapeutiques, il est impératif de disposer d’une analyse de la sensibilité aux antibiotiques pour choisir des traitements à base de quinolone ou de rifampicine. Ces recommandations vont devoir être validées et adaptées à la situation française.

Éradication de H. pylori et cancer

H. pylori est un carcinogène gastrique. En cas de lymphome gastrique du Malt de bas grade localisé, le traitement d’éradication de H. pylori est indiqué en première intention, même si l’infection ne peut être documentée et que les tests diagnostiques restent négatifs.

Concernant l’adénocarcinome, la situation est plus complexe. En effet, H. pylori induit progressivement une gastrite atrophique sévère et une métaplasie intestinale qui peut devenir dysplasique et évoluer vers un adénocarcinome.

Or, à partir du stade de gastrite atrophique sévère, les bénéfices de l’éradication sont incertains car les lésions sont rarement réversibles. Les experts rappellent donc que le bénéfice de l’éradication de H. pylori en termes de prévention du cancer concerne tous les adultes mais diminue cependant avec l’âge et la progression des lésions de la muqueuse gastrique.

Néanmoins, des études d’intervention asiatiques ont mis en évidence le bénéfice de l’éradication de H. pylori après traitement d’un cancer gastrique pour prévenir l’apparition d’un deuxième cancer métachrone.

Faut-il promouvoir les campagnes de dépistage de l’infection par H. pylori pour prévenir le cancer gastrique, à l’image de ce qui est réalisé dans le domaine du cancer colorectal ? Ce point n’est pas tranché et dépend certainement de l’incidence locale des cancers gastriques, sans négliger l’impact potentiel des traitements antibiotiques à grande échelle dans la progression de l’antibiorésistance.

Les experts ont quand même affirmé que les campagnes de dépistage « test and treat » étaient coût-efficaces dans les pays où l’incidence des cancers gastriques était moyenne ou élevée.

L’impact de H. pylori et de ses traitements sur le microbiote

Les pédiatres ne recommandent pas l’éradication systématique de H. pylori chez les enfants, en raison de l’impact potentiel sur le développement de maladies, allergiques en particulier, par l’intermédiaire des effets des antibiotiques sur le microbiote intestinal.

Le rôle délétère des antibiothérapies itératives dans l’enfance sur la résistance des souches de H. pylori à l’âge adulte est aussi souligné. C’est particulièrement vrai, et notamment en France, vis-à-vis de la résistance aux macrolides.

Les probiotiques peuvent réduire les effets secondaires des antibiotiques (diarrhée, essentiellement) et ainsi améliorer les taux d’éradication en favorisant une meilleure observance médicamenteuse.

 

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