COVID-19 : le Pr Perronne relaxé par la justice ordinale

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

28 octobre 2022

Paris, France — Le Pr Christian Perronne a été relaxé, suite à la plainte que lui intentait le Conseil national de l'Ordre pour des manquements divers à la déontologie médicale sur fond de pandémie de Covid-19. 

Confraternité

Est-ce la fin ou le début d 'un long feuilleton judiciaire opposant des médecins critiques des politiques de santé menées pendant la pandémie de Covid à ceux qui y adhéraient sans remise en cause ? En tous les cas, les décisions de la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'Ordre des médecins, rendues publiques le 13 octobre dernier, devraient marquer l'histoire de cette période mouvementée. Cette chambre devait trancher plusieurs plaintes : l'une du conseil national de l'Ordre des médecins contre le Pr Christian Perronne, l'autre du Dr Nathan Peiffer-Smadja et du Conseil départemental de l'ordre des médecins des Hauts de Seine à l’encontre du même professeur et la dernière plainte émanait, quant à elle, de Christian Perronne et visait le Dr Smadja.

Pour rappel, le Dr Perronne avait été démis de ses fonctions de chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Raymond Poincaré - AP-HP à Garches, par l'ancien directeur général de l'AP-HP Martin Hirsch, le 17 décembre 2020. Il lui était reproché d'avoir manqué de confraternité envers le Dr Smadja dans un documentaire controversé diffusé un mois auparavant, Hold-Up. Le Pr Perronne, pour sa part, reprochait au Dr Smadja, de l'avoir diffamé, notamment sur les réseaux sociaux, au travers de 14 tweets. Quant au Dr Smadja, il rendait le Pr Perronne responsable d'une campagne de harcèlement sur les réseaux sociaux, le visant, ainsi que de menaces de mort. Il ressort des jugements de la chambre disciplinaire que les plaintes du Cnom et du Dr Smadja n'ont pas été retenues tandis que le Pr Perronne a eu gain de cause. Quel raisonnement a suivi la chambre ?

« Spécialiste internationalement reconnu »

Le Cnom reprochait au Pr Perronne d'avoir violé plusieurs articles du code de la santé publique se rapportant à la déontologie, à savoir les articles R. 4127-2, R. 4127-12, R. 4127-13, R. 4127-31, R. 4127-39, R. 4127-56 et R. 4127-109. L'article R. 4127-2 du code de la santé publique affirme que « le médecin, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité ». Pour les juges, le Pr Perronne n'a jamais refusé de soigner un malade et ne s'est jamais soustrait à ses obligations médicales. L'article R. 4127-12 stipule que « le médecin doit apporter son concours à l'action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l'éducation sanitaire ». Aussi, selon la chambre disciplinaire, les prises de position de Perronne en 2020 dans la presse ainsi que dans ses livres « n’ont pas mis en danger l’action entreprise par les pouvoirs publics ». Le Cnom lui reprochait également sa communication, pendant la pandémie, qui manquait de prudence et dévoyait l'article R. 4127-13. Or, selon les juges de la chambre disciplinaire, « le Dr Perronne, spécialiste internationalement reconnu comme un expert dans le domaine de l’infectiologie, était le mieux à même de comprendre les enjeux de santé publique. S’il s’est exprimé dans la presse sur l’action du gouvernement et sur l’industrie pharmaceutique, ainsi qu’il était légitime à le faire et en avait même l’obligation dans ce domaine qui relevait de sa compétence, il s’est borné à porter publiquement mais sans invectives une voix discordante sur un sujet d’intérêt général ». Le Pr Perronne n'a pas non plus « conseillé ou prescrit à ses malades un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé », ni porté atteinte à l'honneur de médecins, et manqué ainsi au devoir de confraternité.

Tweets problématiques 

Pour sa part, le Dr Smadja, lui-même infectiologue, soutenait que le Pr Perronne l'avait attaqué à de multiples reprises « dans de grands médias publics », et que ses attaques lui ont valu « une campagne de cyber-harcèlement ainsi que des menaces de mort ». Or, relève la chambre disciplinaire dans sa délibération, « les cyber-harcèlements dont le Dr Smadja a fait l'objet se sont produits entre le 20 juin et le 16 septembre avant que le Dr Perronne ne cite son nom dans l'émission Hold-Up, qui a été diffusé à partir du 11 novembre 2020 ». Le Pr Perronne ne peut donc être tenu pour responsable de la campagne de harcèlement dont a été victime le Dr Smadja. D'autant que les propos du Pr Perronne sur le Dr Smadja « visaient uniquement et de manière impersonnelle sa qualité d'auteur d'une étude critiquée ». En revanche, les juges de la chambre disciplinaire, examinant la plainte du Pr Perronne contre le Dr Smadja, ont considéré que ce dernier « a publié quatorze tweets dans lesquels il invitait l'opinion publique à diffuser une pétition contre le Dr Perronne, exprimait à l'encontre de celui-ci des propos désobligeants, diffamatoires, et injurieux, dénigrait son âge et insultait son honnêteté et ses compétences. De tels propos sont de nature gravement anti-confraternelle ».

Pour avoir exprimé des excuses lors de l'audience, le Dr Peiffer-Smadja n'a écopé que d'un avertissement.

Appel

Le conseil national de l'Ordre des médecins, débouté, a fait savoir, sur le réseau social Twitter, qu'il allait faire appel de cette décision : « Notifié de la décision de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile-de-France concernant le Pr Christian Perronne, le président du CNOM va faire appel à titre conservatoire. Cet appel sera ensuite soumis à l’approbation du CNOM lors de sa session de décembre. » D'autres procédures, au pénal cette fois, sont pendantes. Le Pr Perronne avait porté plainte contre le Dr Peiffer-Smadja pour diffamation et dénonciations calomnieuses, tandis que le Dr Smadja avait saisi la justice pénale contre X pour menaces de mort et cyber-harcèlement.

 

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