L'alcool augmente le risque de fibrillation auriculaire y compris chez les moins de 40 ans

Dr Jürgen Sartorius

Auteurs et déclarations

27 octobre 2022

Berlin, Allemagne – Une étude de cohorte montre une augmentation du risque de fibrillation auriculaire chez les personnes qui consomment régulièrement de l’alcool en grande quantité, y compris chez les moins de 40 ans. Ainsi, lorsque cette consommation hebdomadaire moyenne dépasse 105 g d’alcool pendant 4 ans, le risque de FA est majoré de 25% en comparaison avec ce qui était observé chez les abstinents. Au-delà de 210 g par semaine, l’augmentation s’élève à 47%.

L'équipe réunie autour du Dr Minju Han (Hôpital universitaire national de Séoul) a analysé les données relatives à plus de 1,5 million de Sud-Coréens âgés entre 20 et 40 ans et qui avaient souscrits à un contrôle de santé annuel pendant 4 ans. Les données relatives à la consommation d'alcool ont servi de base à l'analyse.

Après un suivi d'une durée médiane de 5,6 ans, une FA a été documentée chez 3 066 participants (0,36 pour 1 000 patient-années). L'étude a été publiée dans le JAMA .

« Des études de cette envergure ont une grande puissance statistique », note le Pr Felix Mahfoud, qui dirige la Clinique de cardiologie, d'angiologie et de médecine interne intensive de Hombourg, dans la Sarre. « Plus de 3 000 cas de FA chez des personnes de moins de 40 ans, c'est un nombre qu'il serait difficile d’obtenir dans d'autres circonstances [d’études]. »

Plus la consommation d'alcool est élevée, plus les risques sont importants

Les auteurs autour de Minju Han ont classé la consommation d'alcool déclarée par les participants en bonne santé (72% d'hommes) en 4 catégories :

  • abstinent (catégorie 0),

  • moins de 105 g d'alcool/semaine (catégorie 1, consommation légère),

  • entre 105 et 210 g/semaine (catégorie 2, modérée)

  • plus de 210 g d'alcool/semaine (catégorie 3, forte).

Afin de tenir compte de la période de 4 ans, ils ont attribué à chaque participant un point pour chaque année de consommation modérée à forte. Ainsi, le groupe 1 (1 point) comprenait les personnes ayant déclaré plus de 105 g/semaine au cours d'une des 4 années, tandis que le groupe 4 comprenait ceux qui avaient déclaré cette consommation pour les 4 années.

« La quantité d'alcool auto-déclarée est un paramètre fréquemment utilisé dans les études cliniques », explique Felix Mahfoud. « Dans l'interprétation des données, il faut toutefois tenir compte du biais de rappel : de nombreux participants ne se souviennent plus correctement des événements ou, après coup, accordent plus ou moins d'importance aux événements par rapport à ce qu’ils étaient réellement à l'origine. »

Au bilan,

  • 57% des participants sont restés abstinents pendant les 4 années (groupe 0),

  • 13,2% appartenaient au groupe 1,

  • 9,6% au groupe 2,

  • 9,4% au groupe 3,

  • et 9,9% (152.970 personnes) au groupe 4.

Les participants classés dans le groupe 4 ont présenté un risque significativement accru de 25% (HR : 1,25; IC 95% : 1,12 - 1,40) de FA (codes CIM 1480-1484 et 1489) au cours du suivi (4,5 à 6 ans).

« L'une des limites est qu'il ne s'agit que d'un diagnostic codé », fait remarquer Felix Mahfoud. « Cela signifie également que le nombre réel de patients souffrant de FA peut différer très fortement de celui qui est documenté. Il y a éventuellement une zone d'ombre à ce niveau. »

 
Les participants classés dans le groupe à forte consommation d’alcool pendant 4 ans ont présenté un risque significativement accru de 25%.
 

Les buveurs occasionnels sont nettement moins touchés

Les valeurs ont été ajustées statistiquement pour l'âge, le sexe, l'IMC, le tabagisme, l'activité physique et le revenu. Dans le groupe 4, les auteurs ont observé plus de fumeurs et plus d’hommes. Au sein du groupe 3, le risque de FA était encore significativement plus élevé de 16% (HR : 1,16; IC 95% : 1,03 - 1,31). Par contre, dans les groupes 1 et 2, ce risque n'était pas significativement plus élevé que chez les abstinents.

Pour préciser les risques liés à une consommation d'alcool cumulée sur 4 ans, les auteurs ont ajouté des points pour une consommation d'alcool modérée (1 point) ou importante (2 points) pour les 4 années. Ainsi, les personnes qui ont déclaré plus de 210 g/semaine pendant les 4 années ont reçu un score de 12 points. Chez ces 29 547 personnes, on a constaté une augmentation significative de 47% du risque de FA (HR : 1,47; IC 95% : 1,18 - 1,83). Pour 34 096 personnes avec 11 points, qui n'avaient donc consommé que modérément de l'alcool au cours d'une des 4 années, le risque était encore significativement accru de 31% (HR : 1,31; IC 95% : 1,05 - 1,63). Après ajustement statistique, aucune augmentation significative du risque n'a été constatée pour les autres participants.

Dans leur discussion des résultats, les auteurs avancent une hypothèse pour expliquer comment l'alcool favoriserait la FA : une stimulation du système sympathique (ce qui entraîne la sécrétion d'adrénaline), une modulation parasympathique du tonus autonome, et un ralentissement de la conduction intracardiaque (qui raccourcit la période réfractaire au niveau auriculaire).

Chez les personnes âgées, la multimorbidité pourrait masquer le risque

Dans leur commentaire publié en parallèle, les Drs Lars Frost (Université d'Aarhus, au Danemark), et Renate Schnabel (Université de Hambourg) indiquent que les résultats de la présente étude confirment ceux d'autres études similaires plus récentes. Mais les conclusions sont plutôt nouvelles car, selon une étude plus ancienne de Framingham, l'alcool ne serait pas associé à une augmentation du nombre de cas de FA. Les éditorialistes expliquent cela par le fait que, chez les personnes âgées, qui présentent plus fréquemment une FA, d'autres facteurs comme l'obésité, l'HTA et le diabète se superposent sur une longue période aux causes électrophysiologiques de la FA.

« Cette étude confirme les preuves actuelles selon lesquelles la consommation d'alcool est associée à un risque accru de FA. Cela s'applique manifestement aussi aux personnes plus jeunes, âgées de 20 à 39 ans », constate le Dr Mahfoud. « Nous devons attirer l'attention de nos patients et des personnes présentant un risque accru d'apparition de FA sur cette association. »

 

Cet article a été publié initialement par Medscape.de sous le titre Gefährdete warnen: Alkohol steigert schon bei jungen Menschen unter 40 das Risiko für Vorhofflimmern . Traduit par le Dr Claude Leroy.

 

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