Stockholm, Suède — Selon une méta-analyse australienne, l’infection à entérovirus est bien plus fréquente chez les patients présentant un diabète de type 1 (DT1) ou une auto-immunité dirigée contre les cellules pancréatiques productrices d’insuline. Présentés lors du congrès annuel de l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD2022), ces résultats renforcent l’hypothèse du rôle majeur de cette infection virale dans le développement du DT1, sans pour autant confirmer le lien de cause à effet [1].
Cette corrélation apparait suffisamment importante, surtout le premier mois du diagnostic du diabète de type 1, pour constituer « un argument supplémentaire justifiant le développement d’un vaccin ciblant les entérovirus et d’une thérapie antivirale dans le but de prévenir et réduire l’impact du DT1 », a souligné l’auteure principale de l’étude, la Dr Sonia Isaacs (Département of pédiatrics and child health, University of new South Wales, Sydney, Australie), lors de sa présentation.
Les proches des diabétiques également à risque?
Cette étude, la plus large menée à ce sujet, amène aussi à s’interroger sur la nécessité de rechercher systématiquement une infection à entérovirus lors du diagnostic du DT1, a ajouté la virologue. Elle a également précisé auprès de Medscape édition internationale que les personnes apparentées au premier degré à des diabétiques de type 1 représentent certainement « une population à surveiller », en raison du risque d’être également infectées.
« Le diabète de type 1 est une maladie très hétérogène qui présente divers endotypes. Plusieurs facteurs environnementaux peuvent être impliqués dans le développement de ces différents endotypes et il est possible que les entérovirus jouent un rôle assez important chez les apparentés de premier degré », suggère la Dr Isaacs.
Très communs, les entérovirus regroupent plusieurs espèces de virus qui infectent majoritairement les voies aériennes et digestives. Plus de 70 souches virales différentes sont recensées (Coxsackievirus, poliovirus, échovirus…). Elles infectent essentiellement les enfants et peuvent atteindre différents organes, dans la majorité des cas sans provoquer de symptômes.
Cette nouvelle méta-analyse est une mise à jour d’une ancienne étude menée par la Dr Isaacs et son équipe. Cette dernière avait révélé en 2011 que les diabétiques de type 1 sont dix fois plus susceptibles d’avoir une infection à entérovirus [2]. De même, ce type d’infection est quatre fois plus fréquent chez les personnes avec des auto-anticorps visant les îlots de Langerhans.
Taux d’infection 8 à 16 fois plus élevé
Dans cette nouvelle analyse, les chercheurs se sont concentrés sur des études récentes utilisant des techniques d’analyse biologique plus modernes et très sensibles pour détecter le virus (séquençage à haut débit, séquençage de cellule unique…). L’ARN ou des protéines d’entérovirus ont été recherchées dans des échantillons de sang, de selles ou de tissus.
La méta-analyse inclut 60 études pour un total de plus de 12 000 individus, dont 900 avaient des anticorps auto-immuns contre les îlots pancréatiques et 5 081 un DT1. Les individus restants constituent le groupe témoin. Parmi les études, 35 ont été menées en Europe. Les autres provenaient des Etats-Unis, d’Asie ou du Moyen-Orient.
En se focalisant sur les 16 études portant sur la réaction auto-immune contre les îlots, l’analyse montre que cette auto-immunité est associée à deux fois plus d’infection à entérovirus, comparativement au groupe témoin (OR=2,07).
Dans les 48 études ayant détecté une infection à entérovirus chez les patients DT1, il apparait que le risque d'avoir ce type d’infection est huit fois plus élevé chez ces patients (OR= 8). En se limitant aux 25 études portant sur près de 3 000 patients chez qui un DT1 a été diagnostiqué dans le mois précédent, le risque d’être infecté est multiplié par 16 (OR= 16,2).
Une association plus fréquente chez l’enfant
« Cette association apparait encore plus importante que celle rapportée dans notre précédente étude ou dans d’autres travaux », a commenté la Dr Isaacs. En comparaison, il est multiplié par 7 chez les patients vivant depuis longtemps avec un DT1 et par 14 chez ceux qui ont reçu un diagnostic de diabète dans l’année précédente.
Autre résultat significatif: le taux d’infection est cinq fois plus élevé chez les patients avec des auto-anticorps contre les îlots et développant un DT1 (OR= 5,1), comparativement au groupe contrôle, tandis qu’il est deux fois plus élevé chez ceux qui ont des auto-anticorps sans évolution vers un DT1 (OR= 3,2).
Chez ces patients développant un DT1, la corrélation est plus forte en Europe (OR=3,2) que dans les autres régions du monde (OR=1,9), tandis qu’elle est nettement plus importante chez les individus ayant un proche diabétique de type 1 apparenté de premier degré. La probabilité d’être infecté est beaucoup plus importante lorsque les individus présentent en plus un facteur de prédisposition génétique (OR=29).
Des analyses de sous-groupes montrent également que les enfants atteints de DT1 sont plus susceptibles d’être infectés par un entérovirus que les adultes (respectivement OR=9 et OR=4,1). Par ailleurs, en considérant les différentes souches d’entérovirus, l’association avec un DT1 apparait plus importante avec les souches B (OR=12,7) et C (OR=13,8), moins avec la souches A (OR= 3,7) et est absente avec la souche D.
Combinaison de facteurs
« Les futures études devront se concentrer sur la caractérisation des génomes des souches d’entérovirus dans les cohortes à risque [de DT1] plutôt que sur l’absence ou la présence du virus », estime la Dr Isaacs. Ceci dit, « le DT1 est une pathologie tellement hétérogène que les virus pourraient être davantage impliqués dans une forme plus que dans une autre. Il est important de commencer à se pencher sur cette question ».
Pour la virologie « le nombre d’infection, le moment, mais aussi la durée pourraient avoir une importance » dans le développement du diabète. Selon l’hypothèse la plus couramment avancée, les virus seraient amenés depuis les intestins vers le pancréas par des cellules immunitaires. L’infection persistante localisée et l’inflammation qui en résulte pourraient être à l’origine de la réaction auto-immune.
« Il est également suggéré que les infections à entérovirus agissent en combinaison avec d’autres facteurs liés à l’alimentation, à des déséquilibres du micriobiote intestinal ou même à une exposition à des substances chimiques lors la grossesse ou de la petite enfance. »
Interrogé en fin de présentation par Medscape édition internationale, le Pr Kamlesh Khunti (Université de Leicester, Royaume-Uni), modérateur de la session, a estimé que les données étaient convaincantes, en particulier à court terme après le diagnostic de DT1. « Il semble probable que le DT1 soit associé aux entérovirus. Pouvons-nous réduire le risque par des antivirus ou la vaccination? Cette question mérite d’être explorée ».
Concernant les apparentés de premier degré des patients diabétiques, « je pense qu’il s’agit d’un groupe qui devrait être surveillé étant donné la forte corrélation avec l’infection ».
La Dr Sonia Isaacs n’a pas déclaré de lien s d’intérêt.
Le Pr Kamlesh Khunti a déclaré des liens avec AstraZeneca, Novartis, Novo Nordisk, sanofi-aventis, Lilly, Merck Sharp & Dohme, Boehringer Ingelheim, Bayer, Berlin-Chemie AG / Menarini Group, Janssen et Napp.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Confirmation du lien entre diabète de type 1 et infection à entérovirus - Medscape - 26 oct 2022.
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