Étude de cas : rhabdomyolyse et insuffisance rénale aiguë chez un patient VIH+

Dr Thomas Kron

Auteurs et déclarations

3 novembre 2022

Présentation

Un patient âgé de 53 ans s'était présenté à l'hôpital se plaignant d'une paralysie progressive et douloureuse des extrémités depuis quatre jours. Une infection par le VIH était connue depuis 2008 ; depuis environ un an, il recevait donc du darunavir, du cobicistat, de l'emtricitabine et du ténofovir alafénamide, selon le Dr Elisa Intert et coll. (Hambourg, Allemagne) qui rapportent cas clinique. [1]

En avril 2020, l'homme a été victime d'un infarctus du myocarde non-ST ; un traitement par atorvastatine a été instauré en prévention secondaire après une angioplastie percutanée. 

Examens

Résultats de l'examen neurologique : limitation bilatérale de la force (4/5) des pieds et faiblesse sévère de la flexion de la hanche gauche (1/5) ; signe de Lasègue négatif, sensibilité préservée. 

Les paramètres de laboratoire suivants étaient anormaux : 

  • Créatinine 1,7 mg/dl (0,7-1,3 mg/dl) 

  • DFG 45 ml/min (62-100 ml/min)

  • Urée 73 mg/dl (17-43mg/dl)

  • CK 17 796 U/l (<190 U/l)

  • CK-MB 245 U/l (<25U/l)

  • LDH 721 U/l (<248 U/l)

  • GOT 709 U/l (<50 U/l)

  • GPT 329 U/l (<50 U/l)

  • Gamma-GT 219 U/l (< 60 U/l)

  • Bilirubine 1,2 mg/dl (0,3-1,2 mg/dl)

  • AP 370 U/l (46-116 U/l)

  • Myoglobine urinaire 327.000 μg/l (< 10 μg/l)

Le diagnostic établi est alors celui d'une rhabdomyolyse avec insuffisance rénale aiguë.

Traitement et évolution

Le traitement par atorvastatine a été interrompu et une thérapie volumétrique forcée a été mise en place. Lors d'une CPRE (cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique) pour des paramètres hépatiques et de cholestase élevés, deux concrétions biliaires ont été récupérées. Par la suite, les symptômes du patient ont complètement régressé en corrélation avec les résultats de laboratoire. 

Discussion 

Selon les auteurs, environ un tiers des patients sous traitement permanent par statines rencontrent des difficultés à prendre régulièrement leur traitement. [1] Les causes seraient jusqu'à 30 % de myalgies non spécifiques, celles-ci n'étant en réalité imputables aux statines que dans environ 10 % des cas. Des phénomènes myosiques n'apparaissent que dans 0,1 % des cas et rarement des rhabdomyolyses mettant en jeu le pronostic vital. Les myopathies et les rhabdomyolyses sont certes rares sous monothérapie par statine (dose standard), mais le risque augmente avec l'augmentation de la dose et les médicaments en interaction. 

Le mécanisme des interactions en cas de traitement par statine est connu : les hypolipémiants comptent parmi les substrats de l'enzyme cytochrome P450 3A4 (CYP3A4) ; en cas de prise simultanée de médicaments qui inhibent cette enzyme (inhibiteurs du CYP3A4), les concentrations de substance active des statines peuvent augmenter. Selon Intert et coll., les principaux inhibiteurs du CYP3A4 sont les suivants :

  • Anti-arythmiques : par exemple la digoxine, l'amiodarone

  • Antihistaminiques : astémizole

  • Antifongiques : fluconazole

  • Booster : cobicistat

  • Quinolones : ciprofloxacine

  • Inhibiteurs de l'HMG-CoA réductase : atorvastatine, rosuvastatine, simvastatine, pravastatine, lovastatine

  • Antagonistes du calcium : amlodipine, diltiazem, vérapamil

  • Macrolides : érythromycine, clarithromycine

  • Médicaments à base de plantes : jus de pamplemousse, valériane

  • Inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 : sildénafil

  • Inhibiteurs de protéase darunavir, ritonavir, indinavir

Afin d'éviter des interactions dangereuses, il convient, dans le cas d'un traitement indiqué par statine, d'utiliser si possible des préparations indépendantes du CYP3A4 et de tenir compte des comorbidités, conseillent le auteurs. En cas d'intolérance aux statines, il convient d'envisager d'autres hypolipémiants, tels que les inhibiteurs de PCSK9, l'acide bempédoïque ou les agents thérapeutiques à base de siRNA. 

Comme le traitement médicamenteux contre le VIH présente un potentiel d'interaction élevé, il convient de vérifier les interactions avant de le prescrire (voir « HIV Drug Interactions »).

 

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