Anxiété de l’enfant et de l’adolescent: comment la prendre en charge ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

25 octobre 2022

France – Les troubles anxieux sont les troubles psychiatriques les plus répandus. Dans la population pédiatrique, leur prévalence est de l’ordre de 14%, il n’est donc pas rare que l’on passe à côté, a rappelé Olivier Bonnot, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescence au CHU de Nantes lors sur présentation consacrée à l’anxiété de l’enfant et de l’adolescent [1]. Celle-ci a fait salle comble à l’occasion des Journées nationales de médecine générale 2022 (JNMG).

Le normal et le pathologique

« Il est normal, pour un enfant, d’être raisonnablement anxieux. En d’autres termes, il est souvent difficile de distinguer entre l’anxiété normale développementale et une anxiété pathologique, qui demande que le médecin généraliste intervienne ou réfère l’enfant à quelqu’un », a affirmé le Pr Bonnot en introduction de son intervention. Au cours du temps, de l’enfance jusqu’à l’adolescence, on voit en effet apparaitre des signes anxieux considérés comme normaux, les angoisses de séparation, les phobies simples, les traits d’anxiété généralisée ou les rituels en font partie. « Certains signes, sans être nécessairement être pathologiques, doivent cependant attirer l’attention du médecin comme les troubles du sommeil chez le jeune enfant, les pleurs, l’énurésie ou le somnambulisme chez les plus grands ou encore la mise en retrait, la timidité ou la honte chez les adolescents », a précisé le psychiatre.

En revanche, il faut s’inquiéter lorsque les comportements anxieux se pérennisent dans le temps, ont un retentissement sur la vie quotidienne et prennent la forme d’une phobie sociale, d’attaques de panique, d’un syndrome post-traumatique, d’une agoraphobie, d’un TOC ou d’un trouble d’anxiété généralisé. Les troubles anxieux doivent toutefois être différenciés des manifestations anxieuses liées à un autre trouble psychiatrique, comme le trouble dépressif, le trouble du spectre de l’autisme ou les troubles du comportement alimentaire.

Fréquents dans l’enfance mais peu pris en charge

Autre aspect sur lequel a insisté le Pr Bonnot : les troubles anxieux démarrent très souvent dans l’enfance. « On estime à environ 14%, le pourcentage d’enfants qui présentent des troubles anxieux au sein de la population, ce qui est beaucoup et signifie que l’on passe forcément à côté d’un trouble anxieux qui nécessiterait une prise en charge. » Environ 50% de tous les troubles anxieux se manifestent avant l’âge de 11 ans, et environ 78% avant l’âge de 21 ans.
Le diagnostic d’anxiété est peu stable tout au long de la vie et il est possible qu’il ne soit plus présent 4 ou 5 ans après. Mais, « il est prédictif de troubles psychiatriques ultérieurs, d’où l’importance de le repérer et d’agir tôt ». Et pourtant, « ces troubles anxieux sont tellement banals que les prises en charge sont rares et considérablement retardées », ce qui n’est pas sans conséquence sur le plan somatique, avec, à terme, des conséquences de type ulcère de l’estomac, mais aussi des effets délétères sur le cerveau avec des altérations cognitives possibles.
 

Les bienfaits des techniques de relaxation

Une fois le diagnostic établi, l’intervention va consister à soulager les symptômes et à réduire le stress associé, c’est-à-dire les complications liées au retentissement fonctionnel (scolaire, relationnel, familial) des troubles anxieux. « Beaucoup des interventions consistent en une désensibilisation avec renforcement des comportements adaptés, explique le Pr Bonnot. Concrètement, il s’agit, par une série de petites étapes, du plus facile au plus difficile, de chercher à augmenter le sentiment de contrôle de l’enfant – le sentiment anxieux étant souvent lié à une perte de contrôle sur les choses. »

En revanche, pour le psychiatre nantais, « contourner l’obstacle pour résoudre un problème est une très mauvaise idée ». Mieux vaut réduire l’anxiété d’anticipation par une confrontation précoce avec la peur par une exposition régulée et planifiée, avec des encouragements et des récompenses à la clé. Une autre option consiste à accompagner l’enfant ou l’adolescent avec des méthodes de relaxation. « Qu’il s’agisse de la relaxation abdominale, musculaire progressive, les exercices de respiration, de cohérence cardiaque, c’est assez spectaculaire, toutes ces techniques fonctionnent extrêmement bien », commente le Pr Bonnot. Le yoga ou encore les applications de relaxation sont autant de possibilités, qui présentent l’avantage d’être facilement accessibles et peu onéreuses, ajoute le psychiatre. Celui-ci invite, par ailleurs, à démystifier la pathologie auprès des enfants et adolescents, à pratiquer l’expression émotionnelle qui consiste notamment à leur expliciter ce dont ils souffrent avec des éléments concrets et à faire en sorte que leur mal-être soit reconnu.

Les psychothérapies en première intention

Les psychothérapies – TCC de groupe ou individuelle, thérapie d’implication parentale en groupe ou individuelle – sont toujours le traitement de 1ère intention à proposer aux enfants et adolescents avec un trouble anxieux et elles sont efficaces, indique le Pr Bonnot.

Cependant, en cas de trouble anxieux sévère et quand les approches psychothérapeutiques ont échoué ou ne peuvent pas être menées, certains médicaments peuvent être utilisés (voir tableau). Aucun n’a d’AMM dans les troubles anxieux pédiatriques, pour autant, les antidépresseurs type ISRS peuvent être utilisés. Leur effet est significatif dans la prise en charge des troubles anxieux pédiatriques chroniques avec un pourcentage de réponse de 34-62% contre 28% pour le placebo [2].

Le Pr Bonnot préconise qu’ils soient donnés à haute dose, car c’est là qu’« ils sont le plus efficace et plus rapidement efficace ». En termes de tolérance, « le risque suicidaire existe mais n’est pas très important », considère le psychiatre, en revanche, le « risque d’activation [levée d’inhibition] est fréquent chez les enfants (de l’ordre de 10 %) mais moins lorsque l’antidépresseur est donné à doses progressives ».

La sertraline (Zoloft®) est l’ISRS le plus utilisé dans cette indication avec une efficacité évaluée dans le trouble anxieux généralisé et les troubles anxieux mixtes. Concernant cet ISRS, l’orateur recommande de passer de 50 à 150 mg/jour, en augmentant par palier de 15 à 25 tous les 15 jours (détails sur site https://www.pharmacologie.sfpeada.fr/trouble/7/3).

En résumé, « il ne faut pas hésiter à prescrire des fortes doses mais en y allant très progressivement », dit-il. De même, un arrêt « ultra lent » est préconisé pour éviter les effets indésirables. Il faut savoir qu’un traitement combiné associant un traitement par sertraline et une TCC est supérieur par rapport aux groupes recevant une TCC ou un traitement par ISRS seul [3]. Autre chose : si traitement donné à bonne dose est sans effet au bout de 6 à 8 semaines, inutile de le poursuivre.

 
Les psychothérapies sont toujours le traitement de 1ère intention à proposer aux enfants et adolescents avec un trouble anxieux et elles sont efficaces. Pr Bonnot
 

 

D’autres classes thérapeutiques

D’autres classes de médicaments peuvent être utilisées pour traiter ponctuellement les manifestations anxieuses chez l’enfant et l’adolescent, comme les antihistaminiques – notamment la buspirone, un agoniste des récepteurs pré-synaptiques 5-HT1A, à doser par tranche de 5 mg –, ou encore les benzodiazépines. Ces dernières sont très controversées en raison du risque de dépendance et de désinhibition, a reconnu le psychiatre, mais « peuvent néanmoins être utilisées sur des périodes brèves, en particulier dans l’anxiété sociale grave chez les adolescents » a considéré le Pr Bonnot.

 

Take home messages

  1. L’anxiété pathologique est fréquente sous toutes ses formes.

  2. Elle est développementale mais peut aussi être pathologique. Son retentissement est la clé du diagnostic.

  3. Il existe des techniques efficaces, conseils, relaxations, psychothérapies…

  4. Les traitements sont une alternative en cas d’échec, ils sont efficaces.

  5. Les traitements sont les antidépresseurs, éventuellement la buspéridone et les antiH1.

  6. Pas de place pour les antipsychotiques, y compris la cyamenazine sauf formes complexes.

Pour en savoir plus : www.pharmacologie.sfpeada.fr

Le Pr Bonnot a déclaré n’avoir aucun lien d’intérêt notable avec le sujet.

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